Krishna

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Le 9/11/2016: Good Night and good Luck!

Good Night and Good Luck

(George Clooney, USA - 2005)

Mercredi 9 Novembre 2016 à 20h
Cinéma Juliet Berto, Place Saint-André, Grenoble

Ce film relate le combat mené par un présentateur du journal télévisé des années 1950, et un producteur, pour mettre fin à la carrière du sénateur McCarthy et sa chasse aux sorcières anti-communiste.

George Clooney, inquiet devant l'aseptisation des médias d'aujourd'hui, “qui ne permettent de faire la différence entre la pub, la propagande, la manipulation et l'information”, s'est personnellement impliqué dans la production de ce film. Un univers “fifties” en noir et blanc, une image ciselée par la fumée des cigarettes et une bande-son saturée de musique de jazz

Le 19/10/2016: La BM du Seigneur

La BM du Seigneur

(Jean Charles Hue, France - 2010)
Mercredi 19 octobre 2016 à 20h
Cinéma Juliet Berto, Place Saint-André, Grenoble

Fred Dorkel appartient à une branche de la communauté des gens du voyage. Craint et estimé par les siens, il tire ses ressources de divers délits. Une nuit, sa vie bascule …

Nourri par un lien fécond entre réalité documentaire et trame de fiction… Habité par une langue porteuse d’une âpreté poétique détonante… Illustré par des images lumineuses, tel est ce premier long métrage de Jean-Charles Hue

Le 12/10/2016: Rubber

RUBBER

(Quentin Dupieux, France - 2010)
Mercredi 12 octobre 2016 à 20h
Cinéma Juliet Berto, Place Saint-André, Grenoble

Un pneu, ayant des pouvoirs psychokinétiques, commence une frénésie meurtrière en plein désert californien. Le spectacle est joué par des comédiens, et observé directement par des spectateurs qui sont en plein désert. Se constitue donc une double intrigue, à la fois celle autour du pneu, et celle autour des spectateurs du pneu. Les comédiens cherche notamment à éliminer leurs spectateurs dans le but de mettre fin à leur travail d'acteur. (c) Wikipédia

 

Le 5/10/2016: Johnny got his gun

 

Johnny s’en va-t-en guerre / Johnny Got His Gun

(Dalton Trumbo, USA - 1971)
Festival de Cannes 1971 :
Grand prix spécial du jury et Prix FIPRESCI (Prix de la Critique internationale)

Mercredi 5 octobre 2016 à 20h
Cinéma Juliet Berto, Place Saint-André, Grenoble

« Jamais l’absurdité et la cruauté de la guerre n’ont trouvé meilleure illustration

que dans ce film de Dalton Trumbo, réquisitoire à la fois naïf et implacable.

Un film coup de poing devenu une référence ». Arte

« Johnny held a different meaning for three different wars.

 Its present meaning is what each reader conceives it to be,

and each reader is gloriously different from every other reader,

and each is also changing. I've let it remain as it was to see what it is.»

Dalton Trumbo [Los Angeles March 25, 1959].

Johnny got his gun est d'abord un roman de Dalton Trumbo paru le 3 septembre 1939, soit deux jours après l'entrée en guerre des Etats-Unis. Le livre, inspiré d'un fait divers réel, raconte l'histoire d'un soldat mutilé au front lors de la première guerre mondiale. Réalisé en 1971 par l'auteur, ami de Luis Buñuel, le film inspiré du roman, reçoit la Palme d'or à Cannes en pleine guerre du Viêt-Nam. C'est dire à quel point le film est lié à la guerre, à la fois par son propos mais aussi par son histoire.

Dalton Rumbo : Pourquoi j’ai écrit « Johnny got his gun »

[Extrait du Dossier de presse du Distributeur Tamasa]

Une cellule ici, un cercueil là-bas.

Les chiffres nous ont déhumanisés. Au petit déjeuner, en prenant notre café, nous lisons dans la presse que 40.000 Américains sont morts au Vietnam. Au lieu de vomir, nous nous servons du pain grillé.

Voici une équation : 40.000 jeunes morts, 3.000 tonnes de chair et d’or, 55 tonnes de matière cérébrale, 190.000 litres de sang, 1.840.00 années de vie qui ne seront jamais vécues. 100.000 enfants qui ne  naîtront jamais. C’est là un luxe que nous pouvons nous offfrir : il y a déjà trop d’enfants qui meurent de faim dans le monde.

Est-ce que nous nous réveillons en hurlant la nuit quand nous en rêvons ? Non. Nous n’en rêvons pas parce que nous n’y pensons pas, parce que cela ne nous touche pas. Nous nous intéressons davantage aux lois et à l’ordre, afin de faire régner la sécurité dans nos rues d’Amérique tandis que nous transformons celles du Vietnam en égouts qui charrient du sang. Nous en refaisons le plein chaque année en forçant nos fils à choisir entre une cellule de prison chez nous et un cercueil là-bas. « Chaque fois que je regarde le drapeau, mes yeux se replissent de larmes.» Les miens aussi.

Que deviennent les blessés ?

Si les morts ne représentent rien pour nous, sauf pendant le week-end du « « Memorial Day », que dire de nos 300.000 blessés ? Sait-on où ils se trouvent ? Ce qu’ils ressentent ? Combien ont perdu au total de bras, de jambes, d’oreilles, de nez, de bouches, de visages, de pénis ? Combien d’entre eux restent sourds, muets, aveugles ou les trois à la fois ? Combien ont été amputés d’un, de deux, de trois ou de quatre membres ? Combien d’entre eux demeureront immobilisés jusqu’à la fin de leurs jours ? Combien d’entre eux végèteront en silence jusqu’à leur dernier souffle dans de petites chambres obscures ?

Le 28/09/2016: Apocalypse now

Mercredi 28 septembre 2016 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle "Visages de guerre (s) (1/2)

Apocalypse Now

(Franci Ford Coppola, USA - 1979)

" Mon film n’est pas du cinéma. Son sujet n’est pas le Vietnam.
C’est vraiment le Vietnam. C’était réellement comme ça. C’était dingue… et de la façon
dont nous l’avons fait, c’était vraiment comme ça que les Américains étaient au Vietnam.
Nous étions dans la jungle, nous avions trop d’argent, trop d’équipement
et petit à petit, nous sommes devenus fous." 

Francis Ford Coppola dans sa Conférence de presse à Cannes en 1979.
[
in Conrad, Les Cahiers de l’Herne, 2014, p. 350.]

Serge Daney sur Apocalypse Now
Coppola remonte le fleuve de la civilisation à la barbarie, pas la barbarie des autres, mais celle dont on provient, dont toute civilisation provient, du côté de la horde paternelle. Si cette remontée-là aussi tourne court, c’est parce que Coppola n’a pas vraiment choisi entre délire surréaliste et cruauté ethnographique. [...] Coppola n’est sans doute pas un cinéaste aussi profond que Kubrick (pour rester chez les géants). On a vu que son jeu de pistes ne mène nulle part vraiment, déçoit. Pourtant, c’est un extraordinaire entrepreneur de spectacles et le plus réussi dans Apocalypse Now, c’est cette autre remontée du fleuve qui mène Willard à Kurtz de spectacle en spectacle, presque de « show » en « show ». C’est là où Coppola est souvent un très grand cinéaste. [Cahiers du cinéma n° 304 (Octobre 1979)].

 
 

Ghost in the Shell

Mercredi 22 juin 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
En partenariat avec " Les Rêv'Ailleurs "
Ghost in the Shell / Kôkaku Kikôtai
Mamoru Oshii (Japon - 1995)

Véritable date dans l'histoire du cinéma d'animation (voire dans l'histoire du cinéma tout court), le premier Ghost in the shell mis en scène par Mamoru Oshii (Patlabor, Avalon, Innocence) et inspiré du manga de Masamune Shirow (Appleseed, Dominion Tank Police) demeure une décennie plus tard un incontournable de la science-fiction contemporaine. Si la richesse de l'œuvre n'est sans doute plus à démontrer, son essence ne cesse de fasciner, car ce qui nous est présenté n'est ni plus ni moins que la fin de l'humanité et la naissance de sa succession. Dans Ghost in the shell, nous assistons à une nouvelle Genèse : corps, âme, reproduction, philosophie, émotions, les « remplaçants » des hommes naissent devant nos yeux. Derrière un scénario très complexe de politique-fiction, Ghost in the shell cache une œuvre philosophique dont les enjeux donnent le tournis et dont la modernité semble se révéler davantage avec le temps qui passe.
Grâce à une technique irréprochable et un sens troublant de la mise en scène, le film côtoie fréquemment le sublime. En particulier lors de certains enchaînements de séquences, lorsque l'action reste en suspens, le plus souvent figée sur le regard vide et bouleversant de Motoko Kusagani (la cyborg dont le 0,01% d'humanité, l'âme, se nomme ici « ghost »), l'un des plus beaux regards de l'histoire du cinéma. Durant ces instants, le silence se fait, et la musique de Kenji Kawaï monte, lentement, portée par des percussions enveloppantes, avant de s'élever sur des chœurs transcendant ou des cordes synthétiques. Le regard de Motoko Kusanagi est inoubliable, au moment de son saut dans le vide, à son éveil, face à un être vivant devenu une machine, face à une machine devenue un être vivant, face à la citée tentaculaire, face à son doute, à sa pulsion de vie contrariée, face à l'éternité qui s'ouvre devant elle. Ce regard multiplie pourtant les handicaps : c'est le regard d'une machine, un regard de « dessin animé » de surcroît. On pourrait croire que l'on n'a jamais été aussi loin de l'humanité que face à Motoko, et pourtant, on n'a que très rarement été aussi proche au cinéma de l'essence de l'âme humaine (ou de son successeur).[...]
Certes, il y a peu d'action dans Ghost in the shell, mais n'oublions pas que chez Oshii, pour ce qui est du spectaculaire, le moins est toujours plus. Ainsi, chaque coup de feu, chaque combat, chaque explosion, chaque instant de violence ne frappe que plus intensément le spectateur. Une énergie contenue, voisine, par exemple, de celle d'un Tarkovski (l'intensité des silences du Miroir ou de la menace des pièges métaphoriques de Stalker), cinéaste auquel on a souvent, à juste titre, comparé Oshii (Avalon entretenant plus d'un point commun avec Stalker).[...]
Devant Ghost in the shell, rapidement, peu nous importe que le Projet 2501 ne soit qu'un programme d'espionnage sophistiqué, peu nous importe les histoires de guerres entre ministères, ce qui prime est sans doute identique à certaines questions de 2001 l'odyssée de l'espace ou de Blade runner : où va l'humanité, où va la vie ? Le chef-d'œuvre d'Oshii offre, dans un déluge de plaisirs des sens et malgré la mélancolie urbaine omniprésente, des réponses aussi formidables qu'optimistes. Quasi inépuisable malgré sa très courte durée, Ghost in the shell est non seulement un jalon esthétique et thématique de l'animation japonaise, mais est aussi une œuvre aux forts accents prophétiques dont l'importance dans l'histoire du Septième Art et le statut de classique incontournable se trouvent confirmés à chaque nouvelle vision.
[http://www.ed-wood.net/ghost_shell.htm]

Il est bien difficile de proposer une approche de la science-fiction originale de nos jours et c’était déjà le cas dans les années 90. Pourtant, Ghost in the Shell de Mamoru Oshii avait créé la surprise à sa sortie, non pas par son approche narrative mais par la patte de son réalisateur, toujours si unique près de vingt ans après la sortie du film. L’intrigue mélange astucieusement le manga de base de Masamune Shirow avec diverses influences littéraires. William Gibson, le père du cyberpunk, est bien évidemment référencé, notamment via la représentation de Tokyo qui évoque ouvertement l’éternelle Sprawl, la méga-cité que hantent les personnages de Gibson. Philip K. Dick est également évoqué, via les fréquents questionnements identitaires qui interpellent la galerie de personnages déshumanisés d’Oshii. [...]
Ghost in the Shell est donc une adaptation qui transcende le manga d’origine (qui reste néanmoins une lecture intéressante) et qui mérite pleinement son statut d’ambassadeur de l’animation japonaise. Aux antipodes des superbes productions du studio Ghibli, Mamoru Oshii enchaînait sur les pas d’Akira pour nous proposer une vision de science-fiction radicale, inspirée et poétique. Une fresque dédiée aux moments de rien qui se succèdent non pas pour créer une expérience narrative mais un espace filmique dédié à la sensation et au ressenti, qui nous propose un futur proche que nous avons déjà partiellement atteint mais qui malgré sa froideur reste mystérieusement séduisant. C’est là tout le génie Mamoru Oshii, celui de nous proposer des visions fantomatiques et angoissantes mais pourtant si attirantes.
[http://www.avoir-alire.com/ghost-in-the-shell-la-critique-du-film]

Avec ce film se termine notre saison 2015-2016
Nous préparons activement la programmation de la prochaine saison.
Notre prochain rendez-vous :
Mercredi 28 septembre 2016 à 20h,
au Cinéma Juliet Berto

En attendant, TRES BEL ÉTÉ A TOUS. 

Back soon

Mercredi 15 juin 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Rions ensemble " (3/3)
Back Soon / Skrapp ut
Solverg Anspach (Islande/France - 2008)

Envie de dépaysement et de fraîcheur en ce début d’été ?
Laissez-vous emporter par cette comédie délirante pleine de charme en terre islandaise.
A Reykjavik, une mère de famille, Anna Halgrimsdottir, décide d’offrir à ses deux fils adolescents une nouvelle vie au soleil, loin du froid islandais. Poétesse à ses heures mais surtout dealeuse de marijuana, pour accomplir son rêve elle conclut un marché avec l’acheteur potentiel de « son affaire » : son téléphone portable et le carnet d’adresses qu’il contient contre une belle somme d’argent.
Pendant les 48 h nécessaires à l’acheteur pour réunir l’argent, Anna va vivre des aventures rocambolesques à la recherche de son téléphone… avalé par une oie (ces choses-là arrivent en Islande !) alors que chez elle s’agglutinent ses clients, individus marginaux et pittoresques venus de tous les horizons.
A travers les portraits de personnages loufoques plongés dans des situations cocasses, la réalisatrice franco-islandaise décrit avec tendresse et amusement les travers d’une société marginale, généreuse et spontanée, accro à l’alcool et au cannabis.
Tourné dans les paysages rugueux d’Islande, la réussite du film doit beaucoup à l’actrice fétiche de Solveig Anspach, Didda Jonsdottir, figure de la femme islandaise ardente et libre, au look juvénile, véritable poétesse dans son pays.
Découvrez vite ce « feel-good movie », fantaisie nordique décalée, ainsi que d’autres films tout aussi étonnants de Solveig Anspach à travers le coup de projecteur que la Médiathèque départementale [du Loiret, 01 juin 2015] lui a consacré.

Solverg Anspach sur son film

"Avec Back Soon, je voulais surtout tourner avec des gens dont j'avais envie, tout simplement. Pas avec des acteurs qu'on m'impose. Mon producteur islandais m'a tout de suite dit que j'avais deux options : soit tourner le film en américain, avec des acteurs américains, ce qui pouvait permettre au film de s'installer plus facilement sur le marché ; soit m'obstiner à le faire en islandais avec des acteurs islandais inconnus. Or, pour moi, il était évident que ce film ne pouvait se faire qu'en Islande et en islandais. J'ai quelque chose de viscéral avec ce pays. C'est fort, beau et violent, tellement c'est écrasant. Du coup, les gens sont comme ça aussi. Ils sont déchaînés, excessifs, maniaco-dépressifs. Il y a énormément d'alcoolisme et de suicides en Islande. Les Islandais parlent peu, ils écrivent, ils chantent, sont dans l'action, ils plongent comme s'ils plongeaient dans la mer. Il y a quelque chose de très impulsif chez eux, et ça, ça me ressemble." 

[Festival premiers plans d’Angers, 22-31 janvier 2016]. 

MORT DE LA CINÉASTE SOLVEIG ANSPACH [Clément Ghys, Libération, 9 août 2015]
La Franco-Islandaise, auteure de «Haut les cœurs» et de «Lulu, femme nue», a succombé à une récidive du cancer à 54 ans.
La réalisatrice Solveig Anspach est morte vendredi 7 août dans la Drôme. Elle avait 54 ans. La cause de son décès est une récidive du cancer dont elle souffrait depuis des années, dont elle s’était un temps remise, et qui avait refait surface.
Cette même maladie, Solveig Anspach en avait fait le sujet de sa première fiction, Haut les cœurs !. Dans le film, Karin Viard est Emma, jeune femme qui apprend quasiment en même temps sa grossesse et sa maladie. Le film, sorti en 1999, fut un succès public, d’autant qu’il consacrait définitivement son excellente interprète dans le cinéma français, et qu’il révélait une cinéaste habituée aux documentaires.
Solveig Anspach était née le 8 décembre 1960 en Islande, d’une mère islandaise et d’un père autrichien qui avait fui le nazisme. Les parents se sont rencontrés à Paris, et c’est en France que la jeune femme fera ses études, intégrant la Femis. A sa sortie de l’école de cinéma, elle consacre un docu Vestmannaeyjar aux îles Vestmann où elle est née, ou encore au conflit en Bosnie.
Suite à Haut les cœurs !, Solveig Anspach a tracé une filmographie dont la discrétion fut toute relative, et contrée par un respect réel de la critique. Ainsi de Back Soon (2007) avec Didda Jónsdóttir, qui se déroulait dans son île d’origine et de sa suite Queen of Montreuil (2013), avec Florence Loiret-Caille. Elle filme, pour France 3, les années de bagne de Louise Michel, avec Sylvie Testud dans le rôle de la révolutionnaire. A côté de ses œuvres de fiction, le documentaire était toujours là, comme une voie parallèle.
En janvier 2014, elle retrouvait Karin Viard pour Lulu femme nue, touchant portrait d’une mère au foyer mal dans ses baskets qui fait tout pour changer de vie. Le film attira 500 000 spectateurs en salles. En 2016 sortira son dernier film, l’Effet aquatique, dernier volet de la trilogie comique entamée avec Back Soon, avec Didda Jónsdóttir, Florence Loiret-Caille et Samir Guesmi.
Testud, Loiret-Caille, Viard… Solveig Anspach savait choisir ses actrices, les traitait avec délicatesse, comme des prolongements d’elle-même. A Cannes, en 1999, elle confiait d’ailleurs à Libé : «L’important, c’est la relation aux gens qu’on filme, que ce soit du documentaire ou de la fiction.»

Notre prochain rendez-vous: Mercredi 22 juin prochain
En partenariat avec l'association " Les Rêv'Ailleurs " avec
Ghost in the shell / Kôkaku Kidôtai
(Mamoru Oshii, Japon - 1995)

Le Ciel peut attendre

Mercredi 8 juin 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Rions ensemble " (2/3)

Le ciel peut attendre / Heaven can wait
Ernst Lubitsch (Etats-Unis - 1946)

Lubitsch : l’homme du cinéma pur (Alfred Hitchcock). Un prince (François Truffaut). Un géant (Orson Welles).

Lubitsch sur son film
Je considère Le ciel peut attendre comme une de mes œuvres majeures, car j’ai tenté alors de rompre, à divers égards, avec la formule traditionnelle suivant laquelle sont faits les films. Avant de mener à bien celui-ci, j’ai rencontré une certaine résistance, parce qu’il ne délivrait aucun message et ne visait aucun objectif en particulier. Le héros en était un homme qui ne s’intéréssait à rien d’autre qu’à avoir une bonne vie, sans avoir l’ambition d’accomplir quoi que ce soit, ou de réaliser quoi que ce soit de grand. Le studio m’aynt demandé pourquoi je voulais faire un film aussi dépourvu de relief, j’ai répondu que j’espérais faire connaître aux spectateurs d’un film un certain nombre de personnages, et que si le public les appréciait, cela suffirait pour faire le succès du film. Fort heureusement, il s’est trouvé que j’ai eu raison. De plus, j’ai montré un mariage heureux sous un jour plus authentique que cela se fait habituellement à l’écran, où cette sorte de mariage est trop souvent décrite comme une relation pantouflarde, ennuyeuse et sans éclat.
Herman G. Weinberg, Ernst Lubitsch, The Lubitsch Touch, Ramsay Cinéma, 1994, p. 183.

François Truffaut sur Lubitsch
« Donc pas de Lubitsch sans public mais, attention, le public n’est pas en plus de la création, il est avec, il fait partie du film. Dans la bande sonore d’un film de Lubitsch, il y a le dialogue, les bruits, la musique et il y a nos rires, c’est essentiel, sinon il n’y aurait pas de film. Les prodigieuses ellipses de scénario ne fonctionnent que parce que nos rires établissent le pont d’une scène à l’autre. Dans le gruyère Lubitsch chaque trou est génial. […]

Si vous me dites : « Je viens de voir un Lubitsch dans lequel il y avait un plan inutile », je vous traite de menteur. Ce cinéma-là, c’est le contraire du vague, de l’imprécis, de l’informulé, de l’incommunicable, il ne comporte aucun plan décoratif, rien qui soit là « pour faire bien » : non, du début à la fin, on est dans l’essentiel jusqu’au cou.[…]
Sur le papier, un scénario de Lubitsch n’existe pas, il n’a aucun sens non plus après la projection, tout se passe pendant qu’on le regarde.
François Truffaut, Les films de ma vie, Flammarion, 1975, p. 73.

La présentation du film par J.P. Coursodon et B. Tavernier
Un homme et une femme sont en train de valser au son de La Veuve joyeuse, à l’écart de leurs invités. Ils fêtent leurs noces d’argent et revivent quelques moments heureux du passé. L’homme a mené une vie de plaisir, trompant plusieurs fois sa femme, mais ce soir, une amitié amoureuse et attendrie les rapproche comme s’ils découvraient un sentiment nouveau. La femme, plus mûre, regarde son mari avec sérénité et semble vouloir lui cacher un secret pour ne pas l’effrayer. La caméra recule dans un long travelling à la grue et le commentaire nous apprend que, six mois plus tard, la femme va mourir. Vers la fin du film, un mouvement inverse accompagnera, toujours au son de la même valse, la mort du héros, qui nous sera aussi cachée. Ces deux séquences clés se trouvent dans la deuxième partie de Heaven Can Wait, œuvre miraculeuse qui tient de la confession et du testament. Comme son héros, Lubitsch récapitule sa carrière, fait revivre ses souvenirs. Toute sa vie, il a exalté, de manière plaisamment amorale, le plaisir, tourné en ridicule les institutions sociales, les interdits. Et il regarde son héros, cet homme qui ne veut pas vieiliir, qui lutte avec des efforts ridicules, touchants et tragiques, pour goûter un peu de joie, sans s’apercevoir de la gravité que peut contenir un instant de bonheur, de la fragilité d’un souvenir. Et Lubitsch ne peut s’empêcher d’admirer cet homme, de lui donner raison au moyen d’une pirouette dramatique qui n’est peut-être que le visage de la pudeur : Dn Ameche préfère suivre une jolie fille au purgatoire plutôt que d’aller au ciel. Film somme, Heaven Can Wait est à Lubitsch ce que Le Carrosse d’or est à Jean Renoir, une réflexion d’un artiste sur son œuvre et un aboutissement de cette œuvre. Oscillant avec une délicatesse rare, à l’intérieur d’une même scène, entre l’émotion pudique, la satire farceuse et la chronique souriante d’une justesse qui sera inégalée, cettte œuvre en dit plus long sur les rapports entre un homme et une femme que tous les pensums d’Antonioni dont se gargarisent nos intellectuels. Cette valse nostalgique venait juste après To Be or Not to Be, percutante satire du nazisme, d’une lucidité et d’une audace inouïes pour l’époque, qui firent crier au scandale les conformistes de toutes tendances (le même accident est arrivé à son disciple Billy Wilder, avec les admirables Kiss Me Stupid et One Two Three) qui se complaisent, eux, dans la propagande larmoyante.[…]
[J.P. Coursodon, B. Tavervier, 50 ans de Cinéma américain, Omnibus-Nathan, 1995, p. 655]

Gene Tierney sur le travail avec Lubitsch
" Lubitsch était un petit bonhomme aux cheveux noirs et raides, coiffés sur le côté, avec un cigare dans le coin de la bouche. Il avait été l'un des grands du cinéma européen et avait fait tourner Greta Garbo dans le classique Ninotchka. On voyait en lui le maître absolu de la comédie raffinée et sophistiquée. Mais sur le plateau, c'était un tyran, le plus exigeant des réalisateurs. À la fin d'une scène - poursuit-elle, que nous avions travaillée de midi à cinq heures pour obtenir le résultat désiré, j'étais au bord des larmes à force d'avoir entendu Lubitsch me crier après. Le lendemain, je suis allé le trouver, je l'ai regardé droit dans les yeux et j'ai dit : - Mr. Lubitsch, je suis bien décidée à faire de mon mieux, mais il me sera vraiment impossible de rester sur ce tournage si vous continuez à me crier après. - On me paye pour ça, aboya-t-il. - Exact, dis-je, mais moi, on ne me paye pas assez pour en entendre autant! Après un silence tendu, Lubitsch éclata de rire. Depuis lors, nous nous sommes entendus comme larrons en foire."

Le cinéma de Lubitsch
Lubitsch, juif allemand né à Berlin, exilé à Hollywood au début des années 20, acteur puis réalisateur, muet et parlant, avait emmené dans ses valises un savoir faire et des bonnes manières. La fameuse « touch » justement. Et c'est quoi alors ? Un sens du rythme et de l'ellipse qui donne à chacun de ses films des allures de formule 1 qui refuserait de s'arrêter au stand. Pas de temps mort chez Lubitsch. Ses breuvages se boivent cul-sec. Le ciel peut attendre, nous dit d'ailleurs l'un de ses plus fameux cocktails. Il y a le raffinement, on l'a dit. Les personnages bien mis sont les vecteurs de satires sociales souvent cruelles. Pour la tendresse, on repassera. « La délicatesse c'est une peau de banane sous les pieds de la vérité ! » entend-t-on dans Sérénade à trois. Lubitsch avait du goût, au point de prendre un certain Billy Wilder - le futur réalisateur de Certains l'aiment chaud ou Sunset Boulevard - comme co-scénariste. Les dialogues comme les situations offrent des gags volontiers burlesques qui éclatent comme des bulles de champagne. Pas de tartes à la crème. De la tenue que diable ! Les ouvrages de Lubitsch sont des chef-d'oeuvres d'horlogerie que les exégètes comme les amateurs s'amusent à démonter pour comprendre comment c'est fait. Voilà pourquoi il reste encore aujourd'hui la référence absolue en matière de comédie. To be Lubitsch or not Lubitsch, that's the question. C'est (juste) une question de feeling et surtout d'une (grosse) dose de génie (avec ou sans cigare !).

Thomas Baurez [L’Expess, 25 août 2010]

Notre prochain rendez-vous: Mercredi 15 juin prochain
Suite du Cycle " Rions ensemble " (3/3) avec
Back Soon / Skapp ute (Solveig Anspach (Islande / France - 1995)

Parlons femmes

Mercredi 1er juin 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Rions ensemble " (1/3)
Partenariat avec l'association " Dolce Cinema "
Parlons femmes
Se permettete parliamo di donne
Ettore Scola (Italie - 1964)

Parlons femme, réalisé en 1964, est le premier long métrage d’Ettore Scola, qui avait jusque-là signé des scénarios, notamment pour Dino Risi. La mode était alors celle du film à sketches. De nombreux cinéastes italiens avaient œuvré dans ce genre, et pas des moindres, puisque Fellini, Visconti, De Sica et Monicelli s’étaient associés deux ans plus tôt pour Boccace 70. Mais Scola est ici seul aux commandes. Il dirige Vittorio Gassman, qui était, avec Mastroianni, la plus grande star du cinéma italien des années 60 et 70. Gassman avait connu un immense succès en 1963 dans un autre film à sketches, Les monstres de Dino Risi, emblématique de la comédie italienne. Genre et courant dont se revendique ouvertement Parlons femmes. Scola devra toutefois attendre la décennie suivante avant de connaître le succès et la notoriété internationale, avec des films comme Drame de la jalousie (1970), Nous nous sommes tant aimés (1974), Affreux, sales et méchants (1976) et Une journée particulière (1977). Notons que la distribution de Parlons femmes comporte une belle brochette d’actrices de l’époque dont les sublimes Sylva Koscina (Les travaux d’Hercule), Eleonora Rossi Drago (Femmes entre elles), Antonella Lualdi (Le Rouge et le noir), Giovanna Ralli (Les évadés de la nuit) et Jeanne Valérie (Les Liaisons dangereuses, 1960). [avoir-alire.com].

On l’a dit les styles et les genres se mélangent dans Parlons Femmes. C’est le premier film de Scola et il développe à peine en images le ton acerbe qui deviendra le sien et sera si perceptible dans Affreux, sales et méchants (1976) par exemple. Si le spectre d’un certain néo-réalisme plane sur l’ambiance de comédie italienne, c’est pourtant aussi à la Nouvelle Vague française que l’on pense souvent. Proximité de certains sujets, rapport à la ville et aux extérieurs, repositionnement des femmes… Après tout, le terme même de « nouvelle vague » ne fut pas à l’origine forgé pour le cinéma, mais pour la sociologie dans une enquête sur les phénomènes de génération par Françoise Giroud en 1957. Preuve s’il en est que le si le mouvement naît en France, il est sans doute aussi l’affaire d’une génération de cinéastes autant que de frontières géographiques. On repense aux premiers Chabrol, au Godard de Vivre sa vie (1962) ou de Bande à part qui sort la même année. Et on constate une volonté similaire de redessiner des rapports humains plus conformes à la société contemporaine avec des formes cinématographiques de son temps. Chez l’Italien, les personnages sont des types, mais d’une humanité certaine et leur ascendance est nettement moins littéraire que chez le voisin français. Mickaël Pierson [iletaitunefoislecinema.com]

Notre prochain rendez-vous: Mercredi 8 juin
Suite du Cycle " Rions ensemble " avec
Le ciel peut attendre / Heaven can wait (Ernst Lubitsch (Etats-Unis - 1946)

Le Doulos

Mercredi 25 mai 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle "Noir du Monde" (3/3)

Le Doulos
Jean-Pierre Melville (France - 1962)

« La tragédie, c'est la mort toute prête que l'on rencontre dans le monde des gangsters ou dans une période particulière, comme la guerre.»
Jean-Pierre Melville [in Rui Nogueira, Le Cinéma selon Jean-Pierre Melville, Editions de l'Etoile, 1996].

« [...] La construction du film est très importante. Elle n'est pas faite pour des gens distraits qui s'absentent de l'écran.

Au mot fin, il subsiste encore un point d'interrogation. Il faut que les gens réfléchissent, car tout  ne leur a pas été expliqué
Jean-Pierre Melville, [Propos recueillis pas Claude-Marie Trémois, Télérama, 12 novembre 1967].

Le cinéma de Melville
Grand admirateur de Robert Wise (Le Coup de l'escalier), de Welles (La Splendeur des Amberson) et de Huston (Quand la ville dort), Melville nourrissait une passion sans limite pour le cinéma américain. Le western, genre par essence fondateur de ce cinéma, l'a particulièrement marqué. A tel point que l'on peut, en observant attentivement, décrypter en chacun de ses films un western transposé. L'action se situe à Paris et non plus dans l'Ouest, à notre époque et non pas après la guerre de Sécession, et les automobiles ont pris la place des chevaux. Un modèle d'ailleurs maintes et maintes fois suivi par quelques-uns des plus talentueux metteurs en scène contemporains, aussi variés que prestigieux: Michael Mann avec Le Solitaire et Heat, John Woo avec The Killer, mais aussi Quentin Tarantino, Aki Kaurismäki et bien d'autres. De tous ces illustres suiveurs est née une expression, un mot; "melvillien", épithète fondateur d'une cinéphilie complète et essentielle.
Philippe Labro s'exprimait admirablement sur ce point: " Est melvillien ce qui se conte dans la nuit, dans le bleu de la nuit, entre hommes de loi et hommes du désordre, à coups de regards et de gestes, de trahisons et d'amitiés données sans paroles, dans un luxe glacé qui n'exclut pas la tendresse, ou dans un anonymat grisâtre qui ne rejette pas la poésie. [...] Est melvillien ce qui traduit la solitude, la violence, le mystère, la passion du risque et l'âpre goût de l'imprévisible et de l'inéluctable, ce qui met aux prises des hommes enfoncés dans leurs manies, prisonniers de leurs obsessions et serviteurs de leurs codes. Derrière l'apparente convention d'une histoire dite policière, l'auteur s'est livré tout entier, avec ses fantasmes et ses rêves, ses goûts et ses nostalgies, sa pudeur, ses déchirements ". A lire ces mots, on ne sait plus très bien si Labro parle de Mann, Woo ou Melville. C'est à cela que l'on reconnaît les artistes fondateurs, lorsqu'ils sont indissociables de leur art.
Peter Dourountzis [Filmdeculte]

Le Doulos dans l'oeuvre de Melville
Après Bob le flambeur et Deux hommes dans Manhattan, Jean-Pierre Melville revient au policier avec ce Doulos, bénéficiant d’un budget plus important, d’un casting de premier choix et d’une grande liberté artistique que lui confère la création de ses propres studios. Dans ce film qui ouvre son grand cycle criminel, on trouve tous les ingrédients qui feront du Samouraï, du Deuxième souffle ou du Cercle rouge des chefs-d'œuvre du genre. Maîtrisant parfaitement les codes du cinéma noir américain, il parvient à les utiliser si finement que jamais on n’a l’impression d’assister à un quelconque décalque francisé. On trouve ainsi toute la panoplie du film noir (les ruelles désertes, les virées nocturnes, les imperméables, les chapeaux de feutre…) ; et même si Melville rejette toute forme de naturalisme, préférant utiliser les icônes, les mythes et l’abstraction, l’univers qu’il dépeint semble si naturel, si vrai que l’on a l’impression d’être plongé dans le monde la pègre parisienne. Rien ici n’est appuyé, tout semble couler de source à l’image d’une mise en scène si fluide et si évidente qu’elle masque la méticulosité et la précision constante dont fait preuve le cinéaste.
Tout l’univers de Melville est donc là. Un univers masculin où l’amitié, la dignité et la droiture priment sur tout le reste (la réussite ou l’échec d’un casse par exemple) et doivent se retrouver dans chacun des gestes, chacun des actes des personnages. Ceux-ci sont profondément "melvillien" dans leur allure, leurs codes vestimentaires, leur façon de se tenir, l’apparence physique et les actes allant toujours de pair dans son cinéma. La précision et le calme des gestes reflètent ainsi la rigueur des personnages, leur nécessaire détachement, leur attention constante. Des personnages toujours ambigus, dont on ne sait s’ils sont des traîtres ou de fidèles compagnons. La pègre selon Melville est un fantasme, et il ne faut pas chercher une quelconque vérité sociologique dans ses films. Il rêve d’un monde criminel pur qui serait le seul endroit où l’honneur primerait sur l’argent et le pouvoir. S’ils font des casses, ils n’ont cure du gain : c’est pour le jeu, pour la beauté du geste, c’est un moyen de tester leur courage, leur loyauté, leur amitié. Mais même dans ce rêve de pègre, la cupidité, le goût du pouvoir ou la peur de certains obligent les héros "melvilliens" à naviguer dans des eaux troubles où rien n’est jamais acquis. L’intrigue du Doulos exprime parfaitement cette vision d’un monde clos visant à un idéal, mais qui se trouve être corrompu par certains de ses acteurs. Chaque personnage est ainsi ambivalent et le doute imprègne chaque minute du film. Avec ce jeu du chat et de la souris surprenant, ludique et cérébral, Jean-Pierre Melville trouve une expression parfaite de sa vision fantasmée du monde et de ses questionnements moraux qui s’écartent de la traditionnelle séparation entre le bien et le mal. Magistral
[Cinephare.com]

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