Le 15/02/2017 Benny's Video
Mercredi 15 février 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble
Cycle "... les enfants trinquent " (3/3)
Benny's Video
(Michael Haneke, Auriche/Suisse - 1992)
« Tout système de valeurs clos porte en lui les germes de sa déviance"
Michael Hanake
« Benny's video vous percute l'estomac. »
Le Nouvel Observateur
Michael Haneke sur son cinéma
" Tout ce qu'on peut faire avec une œuvre c'est tenter de s'approcher de la complexité contradictoire de la réalité. A l'inverse, chercher à résoudre cette complexité, ou à la nier, à la passer sous silence, revient à un mensonge. Ou simplement à une incapacité à percevoir ce qui fait la richesse de la vie... Il faut plutôt essayer de se mettre à sa hauteur, d'en assumer le caractère contradictoire, ambivalent. Si j'y arrive, c'est une autre question, qui d'ailleurs ne m'appartient pas... Mais je crois que toutes les œuvres majeures témoignent de cette complexité du réel. Avec une grande rigueur."
Alexandre Prouvèze [Evene.fr, 19 octobre 2009]
La mort en direct
De son propre aveu, dans les tous derniers propos que Haneke échange avec Serge Toubiana, le cinéaste autrichien travaille au corps le "refoulement" qui continue d’avoir lieu dans son pays. L’histoire de meurtres systématiques d’il y a soixante ans, quand l’Autriche de l’Anschluss participait activement au régime nazi, Haneke la met en scène de film en film en insistant sur l’omission et la surdité qui la caractérisent chez ses compatriotes. Il s’agit avant tout de ne pas en parler. A fortiori de ne pas la montrer, naturellement.
C’est la même histoire dans Benny’s video : pour les parents qui apprennent le meurtre gratuit de leur fiston il convient de laver le linge sale en famille et que tout ça reste très soigneusement... "caché". Or le film (à la différence de Funny games) conclut sur l’importance qu’il y a, pour le sort de l’humanité, de voir et savoir ce que font les monstres qu’elle enfante : voir et savoir, c’est toute la problématique du cinéma de Haneke, exposée et creusée dans ce film de 1992. Pourquoi cet adolescent comblé, d’apparence si sage, amateur de vidéo et petit chanteur dans la chorale de son collège, se livre-t-il à ce geste gratuit ? Pour "savoir comment c’est" de tuer quelqu’un. Bien avant les travellings lents et subtils de Gus Van Sant, Haneke s’est tourné vers l’adolescent et son monde entièrement façonné par les adultes - leur morale et leurs mensonges - mais qui échappe aux adultes par cette drôle de liberté qui lui est laissée. Entre l’enfant et le cadre supérieur, il y a ce personnage flou, mutique, vacant, au seuil d’un univers qui le nourrit et le chérit (le père de Benny a ces mots stupéfiants bien après l’aveu du meurtre commis par son fils : "je t’aime"), mais que Benny vomit dans un acte que finalement lui seul sait - partiellement - expliquer. Benny tue par "curiosité".[...]
Benny’s video est un film passionnant et riche, et on se dit à le revoir que Haneke a raison là où Kubrick s’est trompé dans Orange mécanique. Car il n’y a rien après le meurtre en définitive. La vie continue, et son tourisme absurde et la lâcheté des grandes personnes. Si c’est la même question qui habite les deux films - voir et savoir - l’hyperréalisme de Haneke inscrit un fait divers dans un quotidien ordinaire bien plus troublant. Aucune affèterie, aucune lourdeur dans cette démonstration que le mal n’est pas là-bas, chez les voisins ou sur l’écran, mais bien ici et maintenant, tout près de chez vous...
Et n'oubliez les 50 ans de votre Ciné-club :
Michelangelo Antonioni, John Frankenheimer, Mel Brook, Cecil B. de Mille et Luis Bunuel
vous donnent rendez-vous à partir du Mardi 14 mars.
- Publié dans Les enfants trinquent
- Écrit par Krishna
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