Altman

Altman (3)

John McCabe

Mercredi 30 mars 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Robert Altman " (3/3)

John McCabe and Mrs. Miller
Robert Altman (Etats-Unis - 1971)

" Altman bâtissait une ville de western comme
d'autres auraient construit un château dans le ciel.
 " Pauline Kael.

La frontière évanescente de Robert Altman
Sorti avec succès aux Etats-Unis, John McCabe permettait à Altman, dans la foulée du triomphe de M.A.S.H., de tourner avec deux grandes stars, Warren Beatty et Julie Christie, et de briser leur image en leur offrant deux rôles à contre-emploi. La redécouverte de John McCabe, film rare et méconnu aujourd'hui, comme presque tous les films d'Altman de cette période, fait l'effet d'un rêve éveillé, pas seulement en raison de la magnifique photo de Vilmos Zsigmond, en totale opposition avec l'imagerie classique du western, mais parce que tout le film semble livrer une vision éthérée de ce que pouvait être la vie dans une ville minière située sur la frontière du Nord-Ouest en 1902. [...]
Il faut du temps pour comprendre l'histoire de John McCabe, encore plus pour l'entendre, tant l'oreille du spectateur doit discerner entre plusieurs conversations ou saisir une phrase capitale, mais à peine chuchotée par un personnage. John McCabe n'est pas une affaire de volume, mais de ton, où tout reste évanescent: les mots, les couleurs, la pipe d'opium fumée par Mrs. Miller le soir venu, les chansons de Leonard Cohen et la neige qui envahit peu à peu le film dans un long duel final qui est l'une des plus grandes réussites plastiques d'Altman. Tout est mouvement dans John McCabe, et pourtant il reste extraordinairement figé, comme si chaque personnage, isolé dans ses rêves, ne pouvait plus communiquer avec l'autre, définitivement perdu dans l'enfer de ses illusions.
Serge Blumenfield [Le Monde, 22 janvier 2003].

Imprimez les faits (pas la légende)
Musicalité et trompe-l'oeil: c'est peu dire que cette ouverture donne le la. Jusqu'au plan final, empreint d'un spleen baudelairien, il ne sera question que de paradis artificiels, de rêves impossibles, d'espoir anéantis, tout cela sur l'air désolé des chansons de Leonard Cohen. "Chimère magnifique" écrira dans The New Yorker. Plus encore que dans Le Privé (1973) et Nous sommes tous des voleurs (1974), les deux autres volets de la trilogie consacrée par Robert aux mythes hollywoodiens, McCabe and Mrs. Miller se présente comme la relecture moderne et sans complaisance d'une fable fondatrice - l'épopée de la conquête de l'Ouest. Du point de vue esthétique, mais aussi moral, tout se passe comme si le cinéaste s'y employait à prendre le contre-pied de L'homme qui tua Liberty Valance (1961) et de sa prescription passée à la postérité: " This is the West, Sir! When the legend becomes fact, print the legend ". Alors que chez John Ford, la démystification se limitait à rétablir la vérité historique, elle adopte ici une dimension radicale, quasi anthropologique, en prenant pour cible la figure même de l'homme de l'Ouest et les propriétés qui le définissent traditionnellement (culture chevaleresque, ethos héroïque).[...]
Julien Suaudeau [Positif, n° 509/510 (Juillet-Août 2003)].

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Trois Femmes

Mercredi 23 mars 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Robert Altman " (2/3)

Trois femmes / 3 Women
Robert Altman (Etats-Unis - 1977)
Festival de Cannes 1977 : Prix d'interprétation féminine à Shelley Duvall

« Le rêve est un théâtre où le rêveur est à la fois scène, acteur,
souffleur, régisseur, auteur, public et critique
. » (Carl Gustav Jung)

La présentation de Jean-Pierre Coursodon et Bertand Tavernier
Une parabole introspective où Robert Altman met à nu chez trois femmes des mécanismes d'autodéfense - mythomanie, hystérie, refoulement - et leurs causes. Une attention respectueuse, que le format Scope - magistralement utilisé - entraîne au-delà du naturalisme et du regard clinique. L'osmose entre Millie et Pinky (Shelley Duvall et Sissy Spacek), cette dernière finissant par s'identifier totalement à son idole et à la supplanter, est un des éléments les plus fascinants de ce film d'une richesse thématique et visuelle étonnante. Une fin déroutante.
Ainsi, Three Women poursuit les recherches et les expériences de Images, en les épurant, en gommant tout le côté thriller psychanalytique. Un utilisation admirable du Scope renforce paradoxalement l'intériorité de la mise en scène (les gros plans y prennent une force étonnante), met à nu les sentiments sans jamais sacrifier un décor qui, au contraire, les révèle et les exacerbe. Décor dans lequel les personnages semblent littéralement englués: les deux piscines, celle du début, véritable antichambre de la mort, et celle que peint Janice Rule - où Sissy Spacek tentera de se tuer -, l'appartement de Shelley Duvall (qui compose un déchirant personnage de mythomane). Le Scope donne une ampleur à cette introspection intimiste, cette exploration des fantasmes (qui recoupe jusque dans le travail sur la couleur, en l'occurence le jaune, la thématique hitchcockienne du transfert et du double), plus proche de la symbolique poétique d'un Bergman ou d'un Ferreri deuxièe manière que du cinéma psychanalytique hollywoodien.
[50 ans de Cinéma américain, Nathan, 1995, p. 277].

L'oeuf absolu
Tout au long de cet itinéraire labyrinthique, Altman poursuit trois études de femmes. Millie, la jolie bavarde, totalement idiote parce que totalement décervelée par les magazines, la publicité, les mass media, tout ça pense pour elle, et elle, la pauvre chérie, parle comme tout ça; Pinky, désarmante à force d'être désarmée mais portant en elle une redoutable garce; Willie, enceinte jusqu'aux dents, écrasée, bafouée, trompée, exploitée par un mari pseudo-cowboy spécialiste en cascades pour feuilletons de télévison, Willie s'enferme dans un silence quasi somnambulique. Le thème des jumelles charpente l'évolution des rapports entre Millie et Pinky, toutes deux en fait prénommées Mildred: Pinky s'attache à Millie, par un élan filial et saphique, jusqu'au désir d'identification complète - non seulement avoir Millie pour soi mais être comme Millie, être Millie, ne faire plus qu'un avec elle. Le thème de la femme-ventre, c'est Willie la silencieuse qui le fait vivre jusqu'au point de non-retour où, le trois femmes ne faisant qu'une, Willie devient la mère "rêvée" de Millie et de Pinky. [...]
Mais cette "virilité", au bout de compte victime de ses rêves de confort à gadgets compensé par une vie sauvage pour western en carton-pâte, n'est-ce pas la "civilisation" à l'américaine qui en est fondamentalement responsable? Et voici que l'Altman d' "Images" et de "Trois femmes" renoue avec l'Altman de "Nasville" et de "Buffalo Bill et les Indiens".
Jean-Louis Bory, Le Nouvel Observateur.

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M.A.S.H.

Mercredi 16 mars 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Robert Altman " (1/3)

M*A*S*H
Robert Altman (Etats-Unis - 1970)
Festival de Cannes 1970 : Palme d'or

« Je veux dérouter [les spectateurs] et rompre ce rapport monotone
entre le public et les histoires qu’il demande au cinéma de lui raconter. »
Robert Altman.

Le cycle Altman... : Amérique, je te hais !
Vous considérez-vous comme un réalisateur engagé qui a dépeint l’Amérique sous toute ces facettes à travers toute une oeuvre ?
Je pense en termes de politique, donc cela passe forcément dans le travail. Mais je ne suis pas un réalisateur subversif, en tout cas je ne me vois pas comme tel, bien que j’aime la notion de subversion, c’est quelque chose de nécessaire. Mes anciens films peuvent sembler très engagés sur un plan polilique et cependant je ne les ai pas conçus comme tels, je ne pensais pas que je faisais ce type de cinéma. Je ne suis pas conscient de porter un regard ambivalent sur la société américaine, je ne me dis pas : voilà ce que je veux dire. Si mes films forment un portrait de l’Amérique, ça c’est fait par hasard, de film en film. Chaque chose en a suivi une autre. Ce ne sont pas des choses auxquelles je pense - je ne peux pas vraiment me prononcer là-dessus, c’est à vous de me dire ce qu’il en est.
On parle beaucoup de la liberté de création des cinéastes américains dans les années soixante-dix. Est-ce une réalité ou un mythe ?
C’est totalement vrai. A l’époque j’ai fait par exemple des films avec des grands studios, j’ai bien dû en faire cinq ou six d’affilée pour la Fox : je n’étais pas au sein du système, mais l’argent provenait bien du studio, qui me laissait faire ce que je voulais. C'était possible car les studios, au début des années 70, ont abandonné le contrôle de leurs films en passant dans les mains de gens qui faisaient juste des transactions d’affaires. Donc j’ai pû faire ces films. La situation est très différente aujourd’hui. D’ailleurs, je ne connais aucun nom des dirigeants actuels des studios. Personne ! Et c’est difficile pour moi de monter financièrement un film, je ne peux faire que des films à petit budget et bien réfléchir de quelle manière l’argent va être utilisé. Le public a changé - il est maintenant constitué essentiellement d’adolescents, il est bien moins intéressant qu’il y a 20 ans, par exemple. Et je ne fais pas le genre de films que ce public attend. 
                                                              Robert Altman interviewé par Denis Rossano [Express, 22/11/2006]

M.A.S.H. : La vulgarité considérée comme un des beaux-arts
MASH, c'est le grand festival de l'irrespect, une grande fête rafraichissante au coeur de l'immonde cloaque guerrier. On comprend que le public s'y précipite, on comprend que le jury de Cannes lui décerne son prix. On n'a pas tellement l'occasion de s'affranchir ces jours-ci, de s'affranchir réellement, en dominant les circonstances, aussi absurdes soient-elles.
Ce film desserre un peu la contrainte de la bêtise. Il nous venge un peu de la colère des imbéciles. Le rire qu'il suscite nous libère énormément. La verve des auteurs, du réalisateur, des comédiens, gigle avec autant de force que le sang d'une artère tranchée. Pinte de bon sang plus salutaire finalement que tous les sanglots.
MASH, d'un autre côté, sonne le réveil du très grand cinéma américain que nous avions tant aimé.
Robert Altman, comme Arthur Penn dans Alice's Restaurant, tourne résolument le dos à la tradition. Il sent bien à quel point sont extérieurs et vides de sens aujourd'hui les vieilles formes dramatiques, les vieux procédés de découpage, sur qui Hollywood avait bâti jadis sa puissance. Il ne s'agit plus pour lui de dessiner fortement un personnage en l'isolant des autres, de guider le regard du spectateur vers le point d'impact dramatique de la scène, de réduire le film à une merveilleuse ligne souple et rigoureuse.
Il s'agit, au contraire, de renouer avec le fouillis vital, vivant, organique. On met d'abord en place le milieu, le petit village de tentes parcouru dans tous les sens par les brancards des blessés ou par la Jeep du colonel. On crée l'ambiance collective, on esquisse tout un écheveau de relations entre les personnages. Tout cela semble pré-exister au film comme la communauté hippy d'Alice's restaurant.
La caméra se contente de saisir au vol - mais avec quel diabolique instinct! - les réactions des comédiens libres, admirables de naturel et de joyeuse férocité. La technique du reportage permet ainsi de relier très étroitement le sentiment de la vie et celui de la comédie
Ce film est une fête sanglante. Mais toutes les fêtes, comme dit l'autre, sont sanglantes.
                                                                           Claude-Jean Philippe [Télérama, n° 1063, 17 mai 1970 ]

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