M.A.S.H.
- Écrit par Krishna
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Mercredi 16 mars 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Robert Altman " (1/3)
M*A*S*H
Robert Altman (Etats-Unis - 1970)
Festival de Cannes 1970 : Palme d'or
« Je veux dérouter [les spectateurs] et rompre ce rapport monotone
entre le public et les histoires qu’il demande au cinéma de lui raconter. »
Robert Altman.
Le cycle Altman... : Amérique, je te hais !
Vous considérez-vous comme un réalisateur engagé qui a dépeint l’Amérique sous toute ces facettes à travers toute une oeuvre ?
Je pense en termes de politique, donc cela passe forcément dans le travail. Mais je ne suis pas un réalisateur subversif, en tout cas je ne me vois pas comme tel, bien que j’aime la notion de subversion, c’est quelque chose de nécessaire. Mes anciens films peuvent sembler très engagés sur un plan polilique et cependant je ne les ai pas conçus comme tels, je ne pensais pas que je faisais ce type de cinéma. Je ne suis pas conscient de porter un regard ambivalent sur la société américaine, je ne me dis pas : voilà ce que je veux dire. Si mes films forment un portrait de l’Amérique, ça c’est fait par hasard, de film en film. Chaque chose en a suivi une autre. Ce ne sont pas des choses auxquelles je pense - je ne peux pas vraiment me prononcer là-dessus, c’est à vous de me dire ce qu’il en est.
On parle beaucoup de la liberté de création des cinéastes américains dans les années soixante-dix. Est-ce une réalité ou un mythe ?
C’est totalement vrai. A l’époque j’ai fait par exemple des films avec des grands studios, j’ai bien dû en faire cinq ou six d’affilée pour la Fox : je n’étais pas au sein du système, mais l’argent provenait bien du studio, qui me laissait faire ce que je voulais. C'était possible car les studios, au début des années 70, ont abandonné le contrôle de leurs films en passant dans les mains de gens qui faisaient juste des transactions d’affaires. Donc j’ai pû faire ces films. La situation est très différente aujourd’hui. D’ailleurs, je ne connais aucun nom des dirigeants actuels des studios. Personne ! Et c’est difficile pour moi de monter financièrement un film, je ne peux faire que des films à petit budget et bien réfléchir de quelle manière l’argent va être utilisé. Le public a changé - il est maintenant constitué essentiellement d’adolescents, il est bien moins intéressant qu’il y a 20 ans, par exemple. Et je ne fais pas le genre de films que ce public attend.
Robert Altman interviewé par Denis Rossano [Express, 22/11/2006]
M.A.S.H. : La vulgarité considérée comme un des beaux-arts
MASH, c'est le grand festival de l'irrespect, une grande fête rafraichissante au coeur de l'immonde cloaque guerrier. On comprend que le public s'y précipite, on comprend que le jury de Cannes lui décerne son prix. On n'a pas tellement l'occasion de s'affranchir ces jours-ci, de s'affranchir réellement, en dominant les circonstances, aussi absurdes soient-elles.
Ce film desserre un peu la contrainte de la bêtise. Il nous venge un peu de la colère des imbéciles. Le rire qu'il suscite nous libère énormément. La verve des auteurs, du réalisateur, des comédiens, gigle avec autant de force que le sang d'une artère tranchée. Pinte de bon sang plus salutaire finalement que tous les sanglots.
MASH, d'un autre côté, sonne le réveil du très grand cinéma américain que nous avions tant aimé.
Robert Altman, comme Arthur Penn dans Alice's Restaurant, tourne résolument le dos à la tradition. Il sent bien à quel point sont extérieurs et vides de sens aujourd'hui les vieilles formes dramatiques, les vieux procédés de découpage, sur qui Hollywood avait bâti jadis sa puissance. Il ne s'agit plus pour lui de dessiner fortement un personnage en l'isolant des autres, de guider le regard du spectateur vers le point d'impact dramatique de la scène, de réduire le film à une merveilleuse ligne souple et rigoureuse.
Il s'agit, au contraire, de renouer avec le fouillis vital, vivant, organique. On met d'abord en place le milieu, le petit village de tentes parcouru dans tous les sens par les brancards des blessés ou par la Jeep du colonel. On crée l'ambiance collective, on esquisse tout un écheveau de relations entre les personnages. Tout cela semble pré-exister au film comme la communauté hippy d'Alice's restaurant.
La caméra se contente de saisir au vol - mais avec quel diabolique instinct! - les réactions des comédiens libres, admirables de naturel et de joyeuse férocité. La technique du reportage permet ainsi de relier très étroitement le sentiment de la vie et celui de la comédie
Ce film est une fête sanglante. Mais toutes les fêtes, comme dit l'autre, sont sanglantes.
Claude-Jean Philippe [Télérama, n° 1063, 17 mai 1970 ]
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