Les Évadés de la nuit
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Cycle " Vive la liberté "
Les Evadés de la nuit (Era notte a Roma)
(Roberto Rossellini, France - Italie, 1960)
Mercredi 28 mai 2014 à 20h
Salle Juliet Berto - Grenoble
En Italie, fin 1943, une jeune femme qui vit du marché noir cache dans son grenier trois soldats alliés - un Américain, un Anglais, un Russe - évadés d'un camp de prisonniers. Seize ans après Rome, ville ouverte, le chef-d'oeuvre fondateur du néoréalisme, Roberto Rossellini rendait à nouveau hommage aux résistants avec ce film méconnu, et rarement diffusé. On retrouve dans Les Evadés de la nuit un éloge sincère du courage des gens de peu (sympathisants communistes et prêtres unis dans le même combat) et une figure féminine émouvante dont la prise de conscience citoyenne prend l'allure d'une quête spirituelle. A la dimension tragique de la dernière heure, on peut toutefois préférer le ton plus léger, voire buissonnier, de la première partie, qui chronique avec un humour inattendu la cohabitation entre la belle Esperia, son fiancé Renato et leurs trois invités aussi encombrants qu'incompréhensibles...
Samuel Douhaire [Télérama, 26 septembre 2009].
Le cinéma de Roberto Rossellini
" Il y a d'une part, le cinéma italien, de l'autre Roberto Rossellini ", écrivait naguère Jacques Rivette, pour bien marquer à quel point l'auteur de Voyage en Italie doit être distingué des autres cinéastes de son pays, situé en marge de l'école néoréaliste dont il fut pourtant l'un des pionniers. L'important, dit en substance Rossellini dans ses films, n'est pas d'être prêtre, soldat, homme du monde ou mendiant, ni certes d'avoir bonne ou mauvaise conscience de l'être, mais d'assumer sa condition, et son comportement envers autrui, avec le maximum de générosité et de dignité ; là est la liberté, et là seulement. L'important, ce n'est peut-être pas la force de l'homme, mais plutôt sa faiblesse, les risques d'échec qu'il encourt et parvient à surmonter par ce qu'il faut bien appeler un sursaut d'héroïsme. Toute l'attention du cinéaste doit aller à capter ce moment-là, le moment où l'homme doute et se relève. [...]
En outre, Rossellini a toujours proscrit les idées générales, le « message », la thématique préalable à la mise en chantier de l'œuvre. « Il faut connaître les choses, dit-il, en dehors de toute idéologie. Toute idéologie est un prisme ». Pour lui, le cinéma ne doit être en aucun cas une affaire d'idées, mais d'abord une affaire de sentiments. Tous les sujets de ses films, de ce point de vue, se ressemblent : ils ne tendent qu'à l'affirmation patiente, têtue, de la dignité de l'homme ou de la femme par-delà la méchanceté, l'envie, la jalousie, la peur. La trajectoire esthétique épouse ici le difficile chemin qui conduit l'être vivant à l'affirmation juste et haute de soi, au-delà de tout ce qui peut l'asservir, l'humilier. En un mot, l'œuvre de Rossellini témoigne d'un sursaut désespéré de défense de l'individu. [...]
Claude BEYLIE.