Adalen 31

Adalen 31

Mercredi 9 mars 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Vent du Nord " (3/3)

Adalen 31
Grand Prix du Jury -  Festival de Cannes 1969
Bo Widerberg (Suède - 1969)

                        • " Les films d'ingmar Bergman sont verticaux. Les miens sont horizontaux. Il aime plonger dans l'âme humaine.
                          Moi j'aime découvrir les beautés et les grandeurs de l'homme quotidien tel qu'il m'apparaît avec ses qualités et ses défauts."

                          [in Jean-Loup Passek, Dossiers Casterman, 1972]
                        • Redécouverte de Bo Widerberg, cinéaste suédois des sixties au style vigoureux et charnel

                          Alors qu’ils connurent une vraie reconnaissance en leur temps, les films de Bo Widerberg étaient devenus des trésors inaccessibles du cinéma suédois, cités ici et là par quelques cinéphiles pas franchement remis de leur découverte. On les comprend.

                          Il est probable que la place écrasante occupée sur le terrain du cinéma nordique par le maître Bergman y est pour quelque chose. Il faudra d’ailleurs à Widerberg tuer le père (il lui reprochera notamment son orientation métaphysique) alors qu’il est encore jeune critique de cinéma.

                          Comme les cinéastes de la Nouvelle Vague, qu’il admire, c’est mû par un désir farouche de liberté et de changement qu’il fait ses premiers pas derrière la caméra. Dans son premier long métrage, Le Péché suédois (1963), produit par Pierre Braunberger, cette liberté formelle s’articule subtilement avec la liberté recherchée par son héroïne, véritable petite sœur de la Monika d’Ingmar (pas totalement répudié !), issue d’un milieu modeste, qui quitte le père de son enfant.

                          Apparaît déjà dans ce sublime portrait de femme tout ce qui fait la richesse du cinéma de Widerberg et se déploiera pleinement dans ces deux chefs-d’œuvre que sont Elvira Madigan (1967) et Adalen 31 (1969) : l’art de faire des sentiments une matière première, lumineuse et vibrante, une force autonome, à partir desquelles le cinéaste regarde le monde, en extrait sa beauté la plus pure et sa violence (sociale) la plus folle. D’où une mise en scène jamais psychologique, des plans habités et un montage audacieux, toujours prompts à saisir des états, des émotions au fil de motifs, d’éclats poétiques incroyablement charnels et vivants.

                          Pas étonnant que le nom de Pierre-Auguste Renoir soit répété inlassablement par le jeune garçon d’Adalen 31, comme un credo, au moment où il découvre les reproductions de ses tableaux, car le cinéma de Widerberg reste on ne peut plus fidèle à cette idée de la peinture comme art du jaillissement.

                          Dans Adalen 31, où les premiers émois adolescents sont bouleversés par l’ordre social et les conséquences sanglantes d’une importante grève d’ouvriers (qui marqua la Suède en 1931), aussi bien que dans Elvira Madigan, qui retrace le destin tragique (réel) au XIXe siècle d’un couple adultère formé par une célèbre funambule et un lieutenant déserteur, tout se vit comme si c’était la première et la dernière fois, comme une ultime et intense expérience de vie et de mort, inoubliable.
                                                                                                Amélie Dubois [Les Inrocks, 28 janvier 2014].

                    •  La critique de la Revue des deux mondes
                      Adalen 31 est une œuvre romanesque, mais s'appuyant sur des faits réels (...) Sur ce fond historique, l'auteur a raconté la vie de deux familles, celle d'un docker et celle d'un contremaître dont les enfants de dix-sept ans nouent une idylle et découvrent les premiers émois de l'amour à travers le drame social et la tragédie finale qui les entourent.

                    • Le trait le plus caractéristique de ce film, c'est le ton dans lequel Bo Widerberg l'a placé. Nous sommes à l'opposé de la tranche de vie : c'est de l'Anti-Zola. En effet, tout au long de ces troubles et de ces émeutes, l'auteur ne perd jamais de vue l'aspect comique et humoristique du drame qui se joue. Il nous montre le sang et la mort, mais aussi la vie quotidienne, familière de ces hommes et de ces femmes qui, entre deux charges de cavalerie, entre deux rafales de mitrailleuses, préparent leur repas, font la lessive, étendent le linge, répètent le prochain concert de l'Harmonie municipale, il nous montre aussi ces jeunes garçons et ces filles qui échangent leurs premiers mots d'amour, qui se donnent leurs premiers baisers..

                      Il y a la vie dans ces images saisissantes, il y a le champ et le contrechamp, et la nature parée de ses plus belles couleurs. Car Bo Widerberg est un peintre impressionniste, il nous l'a bien montré dans Elvira. Madigan.

                      Renoir (Auguste) le hante : de ce point de vue, son film est une admirable réussite photographique (...) le film est beau, émouvant, d'une belle tenue cinématographique. Enfin les quelques scènes osées que Bo Widerberg a tournées gardent toujours une fraîcheur, une sorte de pureté et d'innocence qui nous empêchent d'être choqués (...)

                      Tous les interprètes (ils sont inconnus du public français) sont excellents : ils entrent dans la vie de leurs personnages, dans leurs meubles, dans leurs habits, dans leur nudité.

                      Si If... est un bon film, c'est tout de même à Adalen 31 que j'aurais donné cette année le Grand Prix du Festival de Cannes (ex aequo peut-être avec Ah ! ça ira du hongrois Miklos Jancso)..."

                                                                     Roger Régent, La Revue des deux mondes, 01 juillet 1969.

Dernière modification lelundi, 14 mars 2016 09:56

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