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Le 11/04/2017 Les larmes ameres de Petra von Kant

ATTENTION :
Mardi 11 avril 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

En partenariat avec le Festival "Vues d'en face"

Les larmes amères de Petra von Kant
Die bitteren Tränen der Petra von Kant

(Rainer Werner Fassbinder, Allemagne - 1972)

" Annie - Est-ce qu'il ne s'arrête jamais ? 
Lora - Il ne peut pas, Annie. S'il le faisait, il se rendrait compte combien il est triste."

Rainer Werner Fassbinder sur sa pièce
« Avec Les Larmes amères de Petra von Kant, je continue un travail autour du couple, du vivre à deux, commencé avec Parasites de Marius von Mayenburg et Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. Cette fois-ci, je m’intéresse à une passion dévorante entre deux femmes. C’est cela que je veux mettre en scène : une pièce sur les ravages d’une passion, et absolument pas une pièce sur l’homosexualité féminine. Dans cette pièce, un peu comme dans Roberto Zucco, les autres personnages sont des figures rassemblées autour de Petra : la meilleure amie, la mère, la fille... J’ai surtout travaillé jusqu’ici sur des personnages mythiques comme Electre ou Médée, je me suis peu confronté à des portraits féminins contemporains. Pour moi, même s’il n’y a rien de subversif dans cette histoire d’amour entre femmes, j’ai cependant très envie que les scènes de séduction et d’amour entre Petra et Karine soient traitées de manière charnelle et sensuelle voire presque carnassière.»

Le cinéma de Rainer Werner Fassbinder
Le cinéma de Fassbinder est une maison témoin, celle de la mauvaise conscience de l'Allemagne après-guerre [et qu'on pourrait appliquer à d'autres démocraties européennes en plein ronronnement post-soixante-huitard]. Volker Schlöndorff disait qu'il était le "moteur du nouveau cinéma allemand" d'après-guerre. Et voulant tout dire, tout répéter sur son pays, il allait vite, carburant à la vie, aux autres. Il bouffait tout, jusqu'à l'accident. La rage. Chez Fassbinder, tout est réversible : il parle des marginaux pour mieux faire la lumière sur un état général de la société - la RFA prise en flagrant délit de pacte faustien en guise de miracle économique. Il use de l'artifice le plus outrancier pour dire la vérité. "Pas d'utopie est une utopie", écrivait-il. Dans le même temps, il succombe de son plein gré au glamour hollywoodien, sous lumière germanique certes - Hanna Schygulla était sa face B, sa Marlène, lui qui se rêvait plus Marilyn qu'Orson Welles, look vers lequel il tendait de plus en plus. Sous une douce glace, les films de Fassbinder sont tour à tour lucides et attendris, politiques et triviaux, frontaux et distanciés, solitaires et familiaux. Beaucoup de choses seront répétées dans les lignes à venir - situations, noms, éthique de réalisation - mais le cinéaste a composé un univers propre, de variations sur une même cellule, où l'on prend plaisir à retrouver les mêmes têtes dans les mêmes rôles mais pas toujours, où un film est gigogne. On est bien à la maison, on y a chaud et froid.

Une présentation du film
 Les larmes amères de Petra von Kant est le premier film de Fassbinder à avoir été distribué en France. C’est son treizième film, l’adaptation d’une pièce de théâtre qu’il a lui-même écrite et qu’il met en scène sans chercher à en masquer les origines. C’est un film vraiment étonnant venu d’un réalisateur âgé de 27 ans. D’abord par son contenu car les dialogues sont d’une rare profondeur, il suffit de voir avec quelle acuité Petra raconte à Karin l’épanouissement et le déclin de son ancien mariage ou l’évolution de leurs rapports au sein du couple. Il y a aussi une réflexion sur l’amour fou et la dépendance, sur l’admiration et la soumission, sur la possession et le manque. Fassbinder aurait puisé son inspiration dans sa propre vie, ayant lui aussi vécu une séparation douloureuse. Le film est aussi étonnant par la maitrise de la mise en scène, filmé sobrement dans un seul lieu avec quelques mouvements de camera très amples qui tournent autour des actrices comme pour nous en approcher. La structure du récit, quatre actes séparés par de grandes ellipses, met en relief l’évolution de la relation entre Petra et Karin. Le décor est un mélange de kitsch et de classicisme qui, avec les toilettes excentriques, apportent une touche de surréalisme et affirme le caractère atemporel du propos, propre aux grandes tragédies. Seule la fin est un peu faible. Les larmes amères de Petra von Kant est un film intense et riche qui porte l’empreinte du cinéaste. [films.blog.lemonde.fr]

Le 5/04/2017 Delivrance

Mercredi 5 avril 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle " Au fil de l'eau " (1/3)

Délivrance / Delivrance

(John Boorman, États-Unis - 1960)

Il est des films qui marquent durablement la mémoire des cinéphiles.
Délivrance de John Boorman a conservé le même pouvoir de fascination
et la force de son propos plus de quarante années plus tard."

John Boorman, Le mythe et le monde
 " Dans leur éditorial, À la recherche du Graal, Yann Calvet et Jérôme Lauté écrivent : "Cinéaste visuel fasciné par les mythes, l'imaginaire et les rêves, John Boorman s’est brillamment illustré dans les genres cinématographiques les plus divers : le film noir (Le point de non-retour, 1967), le survival (Délivrance, 1972), la science-fiction (Zardoz, 1974), le fantastique (L’Exorciste 2 : l’hérétique, 1977), la fantasy (Excalibur, 1981), le film d’aventures (La Forêt d’émeraude, 1985), le film d’espionnage (Le tailleur de Panama, 2001)… Mais si varié que soit le cadre des intrigues, l’action engagée relève invariablement du domaine de la quête. Chaque film de Boorman est en effet l’histoire d’un périple accompli par un héros qui, à la suite d’une série de passages et d’épreuves, se trouve changé. Comme chez Jung, dont l’influence est fondamentale, le héros symbolise l’élan évolutif, la puissance de l’esprit, et sa première victoire – parfois la seule – est celle qu’il remporte sur lui-même." [Eclipses, n° 55, 2015].

Délivrance (1972) de John Boorman
Apprenant que la construction d’un barrage va entraîner la disparation d’une rivière de montagne, quatre citadins en mal d’aventures décident de la descendre en canoë. C’est à leurs yeux un hommage à la nature sauvage… Délivrance est tiré d’un roman de James Dickey qui en a écrit lui-même l’adaptation. Boorman en fait un film puissant qui met à mal le mythe de la nature bienveillante : ces quatre citadins en quête de nature vont se heurter durement à son caractère hostile et primitif et découvrir, bien malgré eux, sa capacité à révéler les instincts. Nous sommes donc loin de l’image du paradis perdu. En outre, Boorman souligne de manière appuyée l’impossibilité de communication entre le monde urbain et le monde rural, y compris au niveau des hommes. La seule passerelle, bien fugitive, entre les deux mondes ne se fait qu’à un instant, grâce à un dialogue musical. Délivrance est un film assez dérangeant par son caractère brut et sa violence bestiale. Il n’y a toutefois aucun excès, le film est admirablement construit et maitrisé. Le budget fut pourtant assez réduit, forçant les acteurs à accomplir eux-mêmes beaucoup des scènes périlleuses et à pagayer longuement… Le film est, au final, d’une force peu commune. [films.blog.lemonde.fr].

La destruction de la nature et la faillite de la civilisation
Dès l'ouverture du film, les enjeux sont clairement posés. En effet, pendant que l'on découvre les images de la nature puis des bulldozers la détruisant et des explosions, on entend, on ne le sait pas encore à ce moment là, Lewis, incarné par Burt Reynolds, expliquer à ses compagnons son projet de descente de la rivière en canoë avant qu'un barrage ne la transforme en lac. Lewis critique la violation de la nature dans le seul but de produire de l'électricité, la destruction de la nature au nom du progrès. [...]
Chef d’œuvre du cinéma, Délivrance de Boorman est sans doute une des meilleures critiques de la civilisation américaine qui a oublié la nature et ses origines. Ce film reste 40 ans après un véritable choc par la violence qui s'en dégage mais aussi par la puissance du récit. La musique qui revient tout le long du film, duelling banjos, et la scène qui s'y réfère aura marqué l'histoire du cinéma. Et que dire de cette atmosphère bestiale, suffocante qui nous prend du début à la fin et scotche le spectateur.  Jamais l'Amérique sauvage n'aura été aussi bien filmée. [odysséeducinema.fr]

Le 18/03/2017 Bonnie and Clyde

Samedi 17 mars 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Les "50 ans du Ciné-club de Grenoble"  (5/5)

Bonnie et Clyde
Bonnie and Clyde

(Arthur Penn, USA - 1967)

                                                                 Meilleure photographie pour Burnett Guffey
                                   Prix du meilleur film au Festival international du film de Mar del Plata en 1968.

« Il y a certainement plus d’inventions dans dix minutes
du
Gaucher que dans trois films américains de festival » André Bazin.

Bonnie & Clyde n’est pas seulement un film de gangsters violent retraçant les méfaits d’un couple de braqueurs de banques dans les États-Unis des années 30. Il est aussi et surtout l’un des films qui changèrent le visage du cinéma américain. En cette fin des années 60, le cinéaste Arthur Penn et Warren Beatty, acteur et producteur, parviennent à saisir les angoisses de la jeunesse de l’époque, partagée, sur fond de guerre du Vietnam, entre revendications sociales, soif de liberté et contestation. Bonnie & Clyde ouvre ainsi la voie à une jeune génération de cinéastes et d’acteurs qui vont participer au Nouvel Hollywood.
Ils ont traumatisé l'Amérique de la Dépression, donné du couple de gangsters l'image la plus romantique: miss Parker et mister Barrow ont touché au mythe. Leur duo pour mitraillettes freudiennes a inspiré à Arthur Penn l'un des plus beaux films américains de ces trente dernières années. Mêlant humour et critique sociale, tendresse et violence dans une extraordinaire justesse des comportements, Penn s'imposait, entre classicisme et Nouvelle Vague, comme un très grand par l'ampleur de sa mise en scène, son génie du récit éclaté, sa perception de la jeunesse dans son difficile passage à la maturité et sa direction magistrale de Faye Dunaway et de Warren Beatty.

En fichiers téléchargeables ci-dessous: le Dossier de presse des 50 ans (DP170225_50ans) et la fiche (F170318) du film.

Nous avons bien fêté les "50 ans du Ciné-club de Grenoble" et notre programmation des mercredis reprend avec, mercredi prochain:
Le voyeur / Peeping Tom
(Michael Powell, GB - 1960)

Le 29/03/2017 Monsieur Verdoux

Mercredi 29 mars 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle " Tueurs en série " (3/3)

Monsieur Verdoux

(Charles Chaplin, États-Unis - 1960)

 " C'est le plus grand, le seul cinéaste en tout cas qui peut supporter le qualificatif d'humain."
Jean-Luc Godard
" C’est une réussite prodigieuse. La construction du scénario, le dialogue, le rythme,
le jeu de tous ses partenaires, tout est génial dans ce film et d’un génie nouveau."

François Truffaut 
« Le plus intrigant des films de Chaplin ; son caractère énigmatique – nul ne pouvant
se vanter d’en avoir exactement sondé le sens – l’a gardé intact et préservé du vieillissement. »

Jacques Lourcelles

Verdoux dans le film :
   " Le monde n'encourage t-il pas l'assassinat collectif ? Il construit des armes, extermine des femmes et des enfants innocents
      avec toutes les ressources de la science, mais je suis un amateur en comparaison.
"
   " Un meurtre et vous êtes un bandit, des millions et vous êtes un héros ".

En 1941, Orson Welles souhaite tourner un documentaire dramatique sur le meurtrier Henri-Désiré Landru. Il propose le rôle à Charles Chaplin qui décline l’offre car il voue une fascination à Landru depuis bien avant la guerre et il désire réaliser lui-même le film. Chaplin paya 5.000 $ à Welles pour son idée, avec garantie que le générique mentionne "sur une idée de Orson Welles". Un accord est signé, il faudra quatre ans à Chaplin pour boucler son scénario. Le climat est tendu, Chaplin est ralenti dans son travail suite aux procès dont il fait l’objet. Le Breen Office, fidèle à son rôle de censeur, rejeta la première mouture du scénario écrite en 1946. Chaplin s’en sortit en effectuant quelques coupes. Le tournage fut bouclé en moins de trois mois. Un record pour Chaplin qui adore travailler à l’expérimentation, refaisant scène sur scène afin d’arriver au résultat escompté. 

Charlie Chaplin étonne le monde en 1947 avec Monsieur Verdoux.
Boudé par le public et la critique, ce film dérange. Des années plus tard, il garde son mystère et son opacité.
Chaplin a 58 ans quand il décide de mener à bien ce projet signé Orson Welles: adapter au cinéma la vie de Landru et interpréter lui-même le rôle. Il se vieillit, s'invente des cheveux blancs, s'imagine en séducteur cynique qui tue des femmes d'un certain âge pour entretenir son épouse et son fils.
Dès le début, aucune ambiguïté, monsieur Verdoux est bien un tueur. Mais une drôle de sympathie s'installe entre lui et le spectateur. Elle durera jusqu'à sa mort. On le voit, jardinier attentionné, qui sauve de justesse une chenille sur laquelle il allait marcher, alors que ses voisines parlent de l'odeur épouvantable qui se dégage de son four. Entre horreur et drôlerie, l'histoire se déroule à son rythme inéluctable.[...]
Comment ménager les gags dans un climat aussi sinistre? Chaplin n'est plus Charlot, il doit inventer un humour décalé et complice. Quand il a volé de l'argent à l'une de ses victimes, il compte les billets avec la froide dextérité du caissier qu'il était avant qu'on ne le licencie. Mais il veille aussi à inventer parallèlement d'horribles portraits de femmes, acariâtres et antipathiques, dont on ne regrette finalement pas la mort. D'autant que Verdoux est un adorable mari et père de famille qui quitte son masque dès qu'il est chez lui. Il n'oublie pas de donner à manger au chat et de veiller sur son épouse adorable et infirme.
La séquence la plus caractéristique est celle où Verdoux s'est mis en tête de tester un poison. Un curieux travelling accompagné de violons le montre qui choisit une pauvre jeune fille dans la rue. Il l'invite chez lui et mélange la mixture à du vin. Elle sort de prison, elle est seule. La caméra suit ses lèvres qui hésitent plusieurs fois à boire. Suspense affreux que Chaplin annule en décidant, intérieurement, que la jeune femme doit être sauvée et en substituant un verre de vin ordinaire au vin empoisonné.
[Louis SKORECKI, Libération, 8 novembre 1996]

Le 22/03/2017 Le Voyeur

Mercredi 22 mars 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle " Tueurs en série " (2/3)

Le voyeur / Peeping Tom

(Michael Powell, GB - 1960)

« Powell a été rayé de la carte, mis sur une liste noire depuis "Le Voyeur", tant avait été violent
et injurieux l'accueil critique : "abject", " ignoble" sont les qualificatifs les plus mesurés. (...)
Cela brisa sa carrière. »

Bertrand Tavernier, Michael Powell, Une vie dans le cinéma.

Le cinéma de Michael Powell est réputé pour sa flamboyance souvent mélodramatique, son chromatisme débridé, ses audaces dramatiques, ses effusions graphiques. L’art s’y fait total, témoignant de l’ambition démiurgique de reconfigurer le monde à sa (dé)mesure. Au-delà de la sidération subie par le spectateur ou de l’enchantement ressenti à la vue de ces fantaisies, s’avoue cependant une crainte, qui concerne la capacité du film à représenter le réel. Sa reproduction se heurte à la complexité de son objet, à l’indicible de son modèle. Dans ces moments où s’expose l’impuissance de l’image à rendre compte de ce qu’elle vise, explose dans le même temps le dispositif qui prenait en charge son témoignage: le miroir, trop petit pour refléter le trop-plein des affects, vole en éclats, livré aux projections soumises à la défiguration. Cette poétique de l’excès et du débordement se traduit de diverses manières dans les films des années 40, avant de mettre à nu ses traumatismes dans Le Voyeur (Peeping Tom, 1960), et révéler l’envers horrifique de ses visions. 
Pierre Jailloux [Éclipses, n° 53 (2013]

Extrait de la critique de Jacques Lourcelles
Toute la morbidité latente de l‘univers de Powell éclate au grand jour dans ce Peeping Tom qui fit scandale à sa sortie. « Cela fait longtemps qu’un film ne m’avait autant dégoûté » écrit dans « L’Observer » C.A. Lejeune, critique de l’establishment britannique, tandis qu’un de ses confrères (Derek Hill) proclame que le film est à jeter dans égout le plus proche. Les années passant, Peeping Tom sera reconnu pour ce qu’il, non une œuvre complaisante, mais un chef-d’œuvre à l’originalité et à l’étrangeté expérimentale. Peeping Tom, note les auteurs du volume « "Horror" [Aurum Presss, Londres 1985], reste une des réussites suprêmes du cinéma britannique – et du cinéma en général. Le héros, Mark Lewis, ressemble à un croisement entre un avatar de Jack l’Éventreur et une réincarnation de M le Maudit (Carl Boehm a même parfois la voix et des accents de son compatriote Peter Lorre). […]
[Dictionnaire du cinéma, Les films, Bouquins, Robert Laffont, 1992, p. 1588-1589]

Mise en abyme visuelle et sonore dans "Le voyeur"
Michael Powell et Mark Lewis ont un point commun essentiel : ils sont tous deux obsédés par l'image. C'est sans doute la raison pour laquelle Powell filme continuellement la caméra de Mark elle- même filmant Powell, et le spectateur, chacun devenant voyeur et s'identifiant à l'autre. Nous voyons même, parfois, ce que filme le tueur, en caméra subjective. Le premier plan du film est le gros plan d'un oeil qui dénote une certaine démence, mais ce n'est pas un "regard" (Powell ne filme qu'un seul oeil, celui sans doute utilisé pour le viseur d'une caméra ou d'un appareil photo). D'entrée, Powell nous prévient qu'il va mettre en scène un protagoniste déséquilibré et "coupé en deux" (qui n'a, symboliquement, pas deux yeux, mais un seul oeil), qui ne peut exister et être ému qu'à travers cet oeil-là. Un oeil spectateur de son propre voyeurisme.
"Le Voyeur" est un film qui s'attache donc à mettre en lumière une déchirure ou disons une malformation. Mark Lewis a bien deux yeux comme n'importe qui, mais il est, dans l'abstrait, ni plus ni moins qu'un cyclope. Sa toute première apparition dans le champ de la caméra (celle de Powell) est en fait la caméra de Mark qui cache son visage derrière, puis à la suite d'une question d'un homme dans la rue (en hors-champ), Mark décolle son oeil du viseur, baisse sa caméra et son visage apparaît enfin : il a un visage presque doux qui n'a rien d'un tueur. L'image qu'on se faisait de lui n'était pas la bonne : Powell nous avertit que les images à venir, ou l'Image plus généralement, sont trompeuses et manipulatrices. La caméra de Mark, donc, se substitue à Mark lui-même au long de l'histoire et notamment lors des scènes de meurtre où le pied de la caméra (qui sert de lame) est un authentique substitut phallique (utiliser ce pied de caméra est la seule pénétration dont il est capable).[...]
"Le Voyeur" est pour moi un film essentiel du Cinéma de par son traitement de la dichotomie même du cinéma : le son et l'image. Il traite aussi, et avec sincérité je trouve, de la place du cinéaste dans le monde et les frustrations que cela implique. Ce film est, encore une fois, très peu connu et il n'existe quasiment pas de critiques ou de documents le concernant. Cela dit, vous pouvez trouver, et nous finirons là-dessus, ces quelques mots de Michael Powell à propos de son film :
"Je comprenais très bien ce technicien de l'émotion, qui ne peut approcher la vie que comme metteur en scène et en souffre atrocement, moi qui découpe et monte tout ce que je vois dans la rue."
Alexandre Tylski [lumiere.org]

Le 18/03/2017 Belle de Jour

Luis Buñuel
Belle de jour (France - Italie, 1967)

Lion d’or au Festival de Venise 1967

« Buñuel est le peintre des contrastes violents, de l’ombre et de la lumière,
de la nuit et du jour, du rêve et de la lucidité. Entre ces extrêmes,
 il cherche la plus grande tension. Il filme les phantasmes avec la caméra
la plus terre-à-terre. Il est matérialiste quand il parle de Dieu,
exalté, révolté, quand il parle de la société des hommes
. »
Jean Collet

 « Belle de jour fut le plus grand succès commercial de ma vie,
succès que j’attribue aux putains du film plus qu’à mon travail
. »
Luis Buñuel (dans son autobiographie Mon dernier soupir, 1982, p. 299).

Belle de jour s'inscrit dans la continuité dans la filmographie du réalisateur. Une brique de plus dans la construction de la maison Buñuel. Encore ici, son exploration des désirs humains et des pulsions versus les contraintes sociales (souvent imposées par la religion selon Buñuel), se fait avec une distance dans le propos. Chez le réalisateur ibéro-mexicain, le message est dilué et opaque et se retrouve dans la symbolique, dans le rêve. Une double lecture est nécessaire. Voilà pourquoi Belle de jour, tout comme plusieurs autres de ses œuvres, porte le gène du surréalisme. Buñuel préfère montrer la direction vers l'espace mental de son héroïne plutôt qu'expliquer. Au final, son film est précis, taillé au scalpel, à la fois clinique et pessimiste.

L'œuvre profite également beaucoup d'un casting de rêve. Après Répulsion (1965) de Roman Polanski, Catherine Deneuve rejoue le rôle de la femme complexée, perturbée et distante. Son apparence physique impeccable, son faciès pur et sa blondeur assurent une esthétique rigide au film. Nulle autre actrice n'aurait pu jouer avec autant d'étrangeté formaliste un rôle aussi complexe. Jean Sorel en mari compréhensif, mais surtout Michel Piccoli, délicieux de sadisme, complètent une affiche fabuleuse.

[Olivier Bourque, Séquences, Septembre-Octobre 2007]

Fiche technique

Réalisation : Luis Buñuel. Scénario : L. Buñuel, Jean-Claude Carrière, adapté du roman homonyme de Joseph Kessel. Photographie : Sacha Vierny. Décors : Robert Clavel. Costumes (Catherine Deneuve) : Yves Saint Laurent. Montage : Louisette Hautecoeur. Assistant réalisateur : Pierre Lary

Producteurs : Henri Baum, Robert Hakim et Raymond Hakim

Pays d'origine : France, Italie. Durée : 101 mn. Date de sortie : 24 mai 1967 (France)

Distribution

Catherine Deneuve (Séverine Sérizy), Jean Sorel (Pierre Sérizy), Michel Piccoli (Henri Husson),

Geneviève Page (Madame Anaïs), Pierre Clémenti (Marcel), Françoise Fabian (Charlotte), Macha Méril (Renée), Maria Latour (Mathilde), Muni (Pallas), Francis Blanche (Monsieur Adolphe, le client régulier), Georges Marchal (le duc), Francisco Rabal (Hippolyte), Bernard Musson (le domestique du duc), François Maistre (le client masochiste), Stéphane Bouy (un trafiquant), Claude Cerval (le chauffeur), Iska Khan (l'Asiatique), Michel Charrel, Marcel Charvey, Dominique Dandrieux, Marc Eyraud, Pierre Marsay, Brigitte Parmentier, Antonio Passaglia, D. de Roseville, Claude Salez,

Pierre Vaudier, Louis Viret.

Récompences

  • 1967 : Lion d'or au Festival de Venise 1967

            Prix Méliès.

Synopsis

« Epouse d’un jeune interne des hôpitaux, Pierre Serizy (Jean Sorel), Séverine (Catherine Deneuve, géniale) n’a jamais trouvé un véritable plaisir sensuel auprès de lui. Un des amis du ménage, Henri Husson (Michel Piccoli), dandy libertin amateur de call-girls, lui glisse un jour l’adresse d’une maison clandestine. Troublée, Sévérine ne résiste pas à l’envie de s’y rendre et ne tarde pas à devenir la pensionnaire de Mme Anaïs (Geneviève Page). Elle y est appelée Belle de jour car ses visites surviennent chaque après-midi de deux à cinq heures. »

LUIS BUNUEL [http://cinema.encyclopedie.personnalites.bifi.fr/index.php?pk=12639]

Issu d'une famille bourgeoise, Luis Buñuel fait ses classes dans un collège jésuite. Après des études de sciences à Madrid, il gagne Paris en 1925 et fraye avec les premiers surréalistes.

Avant de retourner dans son pays pendant la durée de la guerre civile (1936-1939), Luis Bunuel a le temps de réaliser deux courts-métrages qui lui vaudront les louanges de Man Ray et d'André Breton: Un chien andalou (1928), dans lequel il brise les standards encore récents de la création cinématographique ; et L'âge d'or (1930), véritable pamphlet anticlérical qui donne le ton de son œuvre à venir. Envoyé ensuite en mission spéciale au Etats-Unis par le gouvernement républicain, Buñuel traîne ses guêtres à New York dans différents jobs pour subvenir à ses besoins. En 1947, il rejoint la ville qui deviendra son fief: Mexico. Il y tourne Gran casino (1947) et surtout Los olvidados (Les réprouvés, 1950) avec lequel il signe un retour triomphal en Europe lors du Festival de Cannes. Il continue néanmoins de s'opposer au régime franquiste et refuse d'aller travailler en Espagne. La France, elle, veut de lui et il surfe sur la vague du Nouveau Roman en adaptant Cela s'appelle l'aurore d'Emmanuel Roblès. En 1961, il feint d'accepter la censure de Franco en réalisant Viridiana; le film fait scandale lors de sa présentation au festival de Cannes mais obtient la palme d'or. Une fois encore, Buñuel y dénonce la préséance de la morale chrétienne sur la société occidentale et fustige le conformisme des bourgeois comme il le fera plus tard dans Le charme discret de la bourgeoisie, 1972. Censurée en Espagne, Viridiana connaît un franc succès en Europe. C'est, pour Buñuel, le temps de la maturité au cours duquel s'épanouissent toutes les facettes d'une vision du monde subversive et ravageuse; temps où l'artiste laisse libre court à l'expression de son insolence, de son irrévérence et de ses fantasmes. Avec Belle de jour (1966) et Tristana (1969), il donne à Catherine Deneuve deux rôles qui propulsent la jeune comédienne en haut de l'affiche. Les plus grands comédiens se le disputent: Jeanne Moreau pour Le journal d'une femme de chambre (1963); Delphine Seyrig et Michel Piccoli pour La voie lactée (1969), Monica Vitti pour Le fantôme de la liberté. Tous rejoignent le public dans une fascination pour cet homme affranchi de toutes modes qui empoigne la liberté et renvoie dos à dos toutes les hypocrisies. Il clôt son œuvre cinématographique en adaptant, avec son fidèle scénariste Jean-Claude Carrière, La femme et le pantin de Pierre Louÿs qui sortira en 1977 sous le titre énigmatique de Cet obscur objet du désir.

Cinéaste passionné, Buñuel ne se contente pas de réaliser ses films; il exerce toute la panoplie des métiers du cinéma. Il fait l'acteur (Un chien Andalou, En este pueblo no hay ladrones), écrit et produit nombre de ses films.

Récompences

  • 1977 : Meilleur réalisateur au NSFC Award - National Society of Film Critics Awards pour le
                film : Cet obscur objet du désir.
  • 1974 : Meilleur scénario au BAFTA - The British Academy of Film and Television Arts pour le
                film : Le charme discret de la bourgeoisie.
  • 1972 : Meilleur réalisateur au NSFC Award - National Society of Film Critics Awards pour le
                film : Le charme discret de la bourgeoisie.
  • 1951 : Meilleur réalisateur au Festival International du Film (Cannes) pour le film :
                Los olvidados

BELLE DE JOUR : L’ÉDUCATION FRANÇAISE

Le thème de la prostitution occasionnelle devait être à la mode à deux ans de la formidable explosion de Mai 68, encombrant héritage… Tandis que Godard, toujours en avance d’une révolution ou deux, brosse via Deux ou Trois Choses que je sais d’elle… une chronique aux accents documentaristes de la ménagère de banlieue complétant le budget familial en faisant des passes de 4 à 6, Buñuel, à l’instar de Kessel, déplace le fond du problème sur le terrain des 5 à 7 et des frustrations bourgeoises qui en constituent souvent l’origine : Séverine, incarnation absolue de la Parisienne rive Gauche, ne se prostitue pas pour l’argent, mais pour suppléer aux carences d’une existence à la fois confortable (elle ne manque objectivement de rien) et aliénante (sa vie de femme mariée ne lui a pas permis de se mettre en règle avec ses désirs les plus intimes).

C’est bien l’histoire d’une quête – sur fond de refoulement permanent – que Buñuel retrace en une heure et demie, Séverine cherchant à retrouver la souillure " originelle " là où d’autres passent leur existence entière à tenter de retrouver l’innocence perdue. Recherche nécessairement voué à l’échec, " l’Autre " (le client, interchangeable malgré la multiplicité des profils et des perversions) se trouvant lui-même, presque par définition, confronté à l’unicité de ses propres fantasmes. Lorsque après moult déceptions, Marcel-Clémenti apporte à Séverine la révélation tant attendue, c’est au prix d’un amour inconditionnel mais destructeur (il y laissera la vie et Pierre, ses yeux et ses jambes) dans lequel sombreront les dernières illusions de la jeune femme. Trente-six ans auparavant, Buñuel tournait le très subversif L’Âge d’or, manifeste surréaliste s’il en fût, et, ce faisant, semblait s’approprier l’aphorisme de Breton selon lequel la beauté serait convulsive ou ne serait pas. Une vie d’homme et trente films plus tard, la beauté n’est plus qu’un leurre glacé, éventuellement bon à tartiner de boue, tel le visage magnifié – façade rassurante et trompeuse – de Catherine Deneuve (cela vaut aussi pour Jean Sorel), et que seule la perversité conjuguée des anges noirs du film, Anaïs, Marcel et Husson, parviendra, non sans mal, à faire voler en éclats.

Olivier Bourque [Séquence, n° 250 (Septembre-Octobre 2007)]

CATHERINE DENEUVE SUR LE TOURNAGE DE BELLE DE JOUR

« J'ai eu beaucoup de réticences, le tournage a été difficile avec Buñuel. Le film était écrit comme on le voit. Peu de choses montrées, beaucoup d'entre elles suggérées. Quand on a tourné, je sentais que les frères Hakim et Buñuel ne voulaient pas faire le même film. C'était une situation très délicate pour moi ! Buñuel ne me parlait pas beaucoup. Il n'avait que les frères Hakim comme interlocuteur. Je sortais de plusieurs tournages avec des auteurs comme Demy avec qui nous discutions des rushes que nous visionnions. Alors, se retrouver en studio entre les frères Hakim et Buñuel me donnait le sentiment d'être assez seule. Ma sœur m'avait beaucoup aidé à l'époque parce que j'étais assez démoralisée ! »

PAUL VERHOEVEN SUR BELLE DE JOUR
(extrait de Selon Verhoeven, traduit du néerlandais par Harry Bos). [cinematheque.fr]

« La question qui se pose à propos de ce film est toujours la même : tout cela n'est-il qu'un rêve ? C'est en raison de ce mélange de flashbacks, de fantaisies érotiques et surtout de cette fin inhabituelle, mais on peut distinguer avec précision faits et fiction. La scène la plus typique est sans doute celle où un Asiatique se présente comme client dans la maison close. Il apporte une mystérieuse petite boîte : en l'ouvrant, il en sort un son bourdonnant et aigu. Est-ce un mécanisme ? Est-ce un être vivant ? On ne le saura jamais. L'Asiatique en parle, mais son texte n'est délibérément pas traduit, peut-être s'agit-il même de faux chinois. On ne verra que le couvercle, et la blague surréaliste se trouve là. Buñuel nous laisse imaginer ce qui se trouve dedans, comme s'il testait notre propre fantaisie perverse. Tout ce qu'on peut imaginer à propos de la sexualité repose sur un fond de vérité. Une pareille boîte se trouvait d'ailleurs déjà dans Un chien andalou, le manifeste surréaliste que Buñuel tourna en 1929 avec Salvador Dalí. Ce n'est pas pour rien que Buñuel est le maître de la continuité cachée. À propos de fantaisies sexuelles : il y en a plein dans mon propre long métrage Business is Business (1971). À l'époque, je ne réalisais pas que les clients dans Business is Business ressemblent étonnamment à ceux de Belle de jour. »

Filmographie partielle de Luis Buñuel

Assistant-réalisateur

1926 : Mauprat de Jean Epstein

1926 : Carmen (second assistant)

1927 : La Sirène des tropiques

1928 : La Chute de la maison Usher

Réalisateur (Buñuel a participé au scénario de tous les films qu'il a réalisés)

1929 : Un chien andalou (court métrage).

1930 : L'Âge d'or.

1933 : Terre sans pain (Las Hurdes ou Tierra Sin Pan) (court métrage).

1950 : Los Olvidados.

1951 : Susana la perverse (Susana, demonio y carne).

            Don Quintin l'amer (La Hija Del Engaño)
            2e adaptation par Buñuel de la pièce de Carlos Arniches

1953 : L'Enjôleuse (El Bruto).

            Tourments (Él).

1954 : Les Aventures de Robinson Crusoé (Aventuras De Robinson Crusoe).

            On a volé un tram (La Illusión Viaja En Tranvía).

             Les Hauts de Hurlevent (Abismos de Pasión, Cumbres Borrascosas).

1955 : Le Fleuve de la mort (El Río y la Muerte).

            La Vie criminelle d'Archibald de la Cruz (Ensayo De Un Crimen).

1956 : Cela s'appelle l'aurore.

            La Mort en ce jardin (La Muerte En Este Jardín).

1959 : Nazarín.
             La fièvre monte à El Pao (Los Ambiciosos).

1960 : La Jeune Fille (The Young One, La Joven).

1961 : Viridiana.

1962 : L'Ange exterminateur (El Ángel Exterminador).

1964 : Le Journal d'une femme de chambre, d'après le roman éponyme d'Octave Mirbeau.

1965 : Simon du désert (Simón Del Desierto) (moyen métrage).

1967 : Belle de jour.

1969 : La Voie lactée.

1970 : Tristana.

1972 : Le Charme discret de la bourgeoisie.

1974 : Le Fantôme de la liberté.

1977 : Cet obscur objet du désir.

 

Le 17/03/2017 Ciné-Concert Les Dix Commandements

Vendredi 17 mars 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Les "50 ans du Ciné-club de Grenoble"  (4/5)

Les dix commandements
The Ten Commandments

(Cecil B. DeMille, USA - 1923)

Ciné-concert dans une création musicale contemporaine dArnaud Petit
En partenariat avec la Cinémathèque de Grenoble
et le Festival "Détours de Babel 20"

« Qui dit DeMille dit Hollywood et réciproquement. »
Jean-Pierre Coursodon et B. Tavernier
[in 50 ans de Cinéma américain, Omnibus, Nathan, 1995, p. 413]

« Nous avons ressorti de vieux films légendaires que nous avons mis en musique », explique Benoît Thiebergien. C’est notamment le cas pour la création du compositeur Arnaud Petit De l’exode à la terre promise, réalisée autour du film de Cecil B. DeMille, Les dix commandements. La musique sera interprétée en direct par le musicien qui utilisera des instruments classiques autant qu’électroniques tels des synthétiseurs ou des ordinateurs. [JK, Place Gre'net, 12 février 2017]

CECIL B. DEMILLE
La postérité est injuste qui n'a souvent retenu de lui, parmi soixante-dix films, que les deux les plus tardifs, les peplums religieux - "Samson et Dalila" et "Les dix commandements" . Il reste surtout de lui l'image d'un prédicateur à grand spectacle. S'il fallait situer ce personnage baroque sur l'échelle du christianisme, on dirait qu'il est... assez loin du pape François : plutôt du côté de Rubens et des peintres d'église de la Contre-Réforme.
Les films religieux ne sont en réalité qu'une partie de son œuvre. Il est d'abord un des grands prêtres d'Hollywood. C'est là que, du muet au technicolor, il trouve son accomplissement. Le producteur en culotte de cheval de "Tintin", l'ordre constamment à la bouche, c'est lui. Le domaine qu'il a bâti à vingt cinq miles des studios, le peuplant de toutes sortes d'animaux, comme l'arche de Noé, il l'a nommé "le Paradis". Et gare à qui viendrait contrebattre ses principes à la Paramount et sur la colline sacrée, il est menacé d'être plongé dans les ténèbres extérieures et jeté aux lions - on l'a vu pendant le maccarthysme.
Lui qui croyait en la réincarnation, se serait-il vu en Dieu dans une autre vie ? En tout cas, une blague courait à Hollywood : Saint Pierre appelait d'urgence un psychanalyste : "Venez vite, Dieu se prend pour Cecil B. DeMille" .
[Jean Lebrun (France-Inter, La Marche de l’Histoire, 20 mai 2013)]

ARNAUD PETIT
Arnaud Petit s’est intéressé, et confronté à l’image sous diverses formes, mais en tant que compositeur. En choisissant de travailler avec des films muets à la fin des années 80 à l’Ircam (« La Passion de Jeanne d’Arc », de C.T. Dreyer, « Tabou » de W. Murnau), il développe le pouvoir de mise en scène des images au moyen de la musique et du son. Dans l’opéra « La Place de la République », créé au Centre Pompidou au début des années 90, il réalise lui-même une partie cinématographique centrale de l’opéra. Le pouvoir de la musique face aux images n’est pas neutre, l’assumer au premier plan dans un cadre spectaculaire fut l’une de ses préoccupations, qui heurta très vivement alors. Depuis lors, la musique orchestrale ainsi qu’électronique a tenu une place importante de sa production, ainsi que divers opéras. « La bête dans la jungle », d’après la nouvelle éponyme d’Henry James, sera prochainement repris à l’opéra de Cologne.[…]

En fichiers téléchargeables ci-dessous: le Dossier de presse des 50 ans (DP170225_50ans) et la fiche (F170317) du film.

On termine la fête des
"50 ans du Ciné-club de Grenoble" demain
Samedi 18 mars avec 
Bonnie et Clyde / Bonnie and Clyde
(Arthur Penn, 1967)

Le 16/02/2017 Les Producteurs

Jeudi 16 mars 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Les "50 ans du Ciné-club de Grenoble"  (3/5)

Les Producteurs / The Producers

(Mel Brooks, USA - 1967)

En partenariat avec la Cinémathèque de Grenoble

« La tragédie, c’est lorsqu’on se coupe le doigt.
La comédie, c’est quand on tombe dans une bouche d’égout ouverte et que l’on meurt

« Dieu ne peut pas répondre à tous ceux qui l'appellent.
Il est comme un garçon dans un restaurant. Il a trop de tables à servir. 
»
« L'humour n'est qu'un des moyens de se défendre contre l'univers. »
Mel Brooks

Premier film de Mel Brooks, Les Producteurs peut aussi être qualifié comme étant son seul  « vrai film » : c’est le seul qui ne soit pas un pastiche. Un producteur sur le retour (Zero Mostel) et un comptable fantasque et complexé (Gene Wilder) cherchent à mettent sur pied un four à Broadway pour pouvoir garder une partie de l’argent de la production. Mel Brooks se lâche totalement et ne recule devant aucune surenchère pour faire rire. Le mauvais goût est son arme de choix et il sait parfaitement l’utiliser : le show que ces producteurs vont monter s’appelle  « Springtime for Hitler » (Le printemps d’Hitler) et c’est une comédie musicale… L’auteur est un nostalgique du 3e Reich parfaitement azimuté (Kenneth Mars), avec casque germanique et accent à couper au couteau. Faisant preuve d’une indéniable maîtrise, Mel Brooks parvient étonnamment à trouver l’équilibre alors que tout apparaît outrancier, forcé presque à l’extrême, à commencer par le jeu tonitruant de Zero Mostel et le jeu hystérique de Gene Wilder. Il est tout aussi surprenant aujourd’hui de voir à quel point cette comédie totalement débridée ne vieillit pas, elle a toujours la même capacité à nous faire rire à gorge déployée. Il n’y a aucun temps mort, le rythme est soutenu. Un coup de maître pour Mel Brooks.
[http://films.blog.lemonde.fr/2009/11/17/producteurs/]

En fichier téléchargeable ci-dessous: le Dossier de presse des 50 ans (DP170225_50ans) et la fiche F170316 du film.

On continue à fêter les
"50 ans du Ciné-club de Grenoble" demain
Vendredi 17 mars avec 
Le ciné-concert dans une création musicale contemporaine d'Arnaud Petit sur la première partie des 10 Commandements de Cecil B. DeMille

Le 15/03/2017 Un Crime dans la tête

Mercredi 15 mars 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Les "50 ans du Ciné-club de Grenoble"  (2/5)

Un crime dans la tête
The Manchurian Candidate

(John Frankenheimer, USA, Italie - 1962)

Carte blanche à Laurent Huyard et Jean Dorel

" Le comble du raffinement [...] est d'utiliser des événements réels et
 de les raconter en termes de fiction tout en mélangeant les styles
."
John Frankenheimer.

Un crime dans la tête est une adaptation du roman de Richard Condon, The Manchurian candidate, paru en 1960. La réalisation ne fut pas chose facile, les grands studios refusant de se lancer dans l'aventure. Il fallut toute la force de conviction de Frank Sinatra pour mener à bien le projet. L'acteur américain alla jusqu'à s'investir financièrement dans la mise en chantier du film et il accepta de tourner à la condition d'incarner le rôle principal du capitaine Benett Marco.
Ce film réussit l'exploit de mêler deux thèmes chers à Hollywood : la psychanalyse et la guerre froide avec sa chasse aux sorcières.
J. Leigh, à peine sortie de
Psychose côtoie indirectement un psychopathe assassin victime d'une mère abusive et manipulatrice.
C'est le scénariste de
Sept Ans de réflexion (1955) et de Diamants sur canapé (1961), George Axelrod qui fut chargé de scénariser Un Crime dans la tête.
Ce film a fait l'objet d'un remake par Jonathan Demme en 2004, également intitulé
Un Crime dans la tête.

JOHN FRANKENHEIMER
John Frankenheimer commença sa carrière dès les débuts de la télévision américaine en 1954 et dirigea plus de 150 shows télévisés avant de passer au cinéma en 1961. On peut constater que son style visuel est à son apogée dès ses premières oeuvres cinématographiques ; il avait eu largement l’occasion d’expérimenter le travail sur la caméra et les différents objectifs de même que le montage durant les 7 années passées à la télévision.
La qualité majeure de son cinéma est de prendre le spectateur aux tripes à l’aide d’images fortes et souvent indélébiles, imposant sa propre vision du sujet comme une évidence indiscutable. Il ne craint pas de choquer ou de provoquer des réactions violentes dans son public et ce quel que soit le type d’œuvres qu’il réalise (petites ou grosses production). Pour se faire, sa mise en scène est toujours le fruit d’un énorme travail au cours duquel il met sur pied des structures complexes aux mouvements de caméra audacieux et jamais gratuits, ce qui, associé à sa connaissance du montage lui permet de surprendre et d’accrocher le spectateur comme peu de réalisateurs en sont capables.
On dénote chez lui une prédilection pour les sujets difficiles et psychologiquement fouillés, les intrigues torturées, qui sont la preuve d’une grande ambition. Il est donc aisé d’isoler dans sa longue filmographie le thème récurrent d’un monde cruel qui induit une confusion mentale, souvent sévère, chez les héros qui se révèlent le plus souvent être des inadaptés sociaux. La virulente dénonciation critique de l’inhumanité et de l’âpreté du fonctionnement de notre société moderne et de ses dirigeants (folie et paranoïa) est au centre de son univers. Un pessimisme justifié et un sens de l’absurde ravageur hantent son œuvre et l’aspect dérangeant qui en résulte peut expliquer en partie le succès mitigé de la plupart de ses films, le grand public n’aimant généralement pas trop être bousculé et ébranlé dans ses certitudes.[...]
Il en résulte un style précis, flamboyant et très travaillé, mais également une thématique évoluée et passionnante ainsi qu’une conscience sociale élevée. Pourtant l’oeuvre de Frankenheimer est toujours largement sous-estimée en France alors qu’il possède de façon évidente les qualités des plus grands cinéastes. Si ses meilleures réalisations n’atteignent peut-être pas la "perfection" des plus grands chefs-d’oeuvre du fait de leur énergie et de la fougue qui le conduisent à être parfois excessif voire grandiloquent, on ne peut certainement pas le taxer d’académisme, loin de là.. Malgré leurs petits défauts, ses films les plus passionnants démontrent en effet sa capacité à être en avance sur son temps et ce aussi bien au niveau de la mise en scène que des thèmes abordés et de leur traitement. Toutefois, il faut bien avouer qu’après 1970, la qualité de ses oeuvres connut une baisse significative due à un alcoolisme sévère qui gâcha sa vie et son travail dans des proportions dramatiques.
[Stefan Rousseau, 6 janvier 2005 (dvdclassik.com)]

En fichiers téléchargeables ci-dessous: le Dossier de presse des 50 ans (DP170225_50ans) et la fiche F170315 du film.

On continue à fêter les
"50 ans du Ciné-club de Grenoble" demain
Jeudi 16 mars avec 
Les Producteurs / The Producers
(Mel Brooks, 1967)

 

Le 14/03/2017 Blow Up

Mardi 14 mars 2017, 18h30 : Ouverture des « 50 ans du Ciné-club de Grenoble »
en présence d’Éric Piolle,
Maire de Grenoble.
Salon de la Maison de l’International
(à côté du Cinéma Juliet-Berto)

Les "50 ans du Ciné-club de Grenoble"  (1/5)

Blow Up

(Michelangelo Antonioni, GB, USA, Italie - 1966)
Palme d’or, Festival de Cannes 1967

« Je ne crois pas que les films soient faits pour être compris,
ni que leurs images et leurs sujets doivent être expliqués.
On devrait exiger bien davantage d’un film, quelque chose de très différent.
 Un film doit modifier la perception du spectateur, l’inciter à fondre l’image,
le son et l’idée dans une expérience unifiée lui permettant de pénétrer
 et d’apprécier la vie intérieure du film.
» – Michelangelo Antonioni.

« Gradually Antonioni brings us face to face with time and space, nothing more,
nothing less.
And they stare right back at us. It was frightening, and it was freeing.
The possibilities of cinema were suddenly limitless
. » – Martin Scorsese.
[Cités par Nicholas Renaud, Hors-Champs, Novembre-Décembre 2016].

Michelangelo Antonioni sur son film :
 «
Je ne sais pas comment est la réalité. La réalité nous échappe, elle ment continuellement. Lorsque nous pensons l’avoir saisie, elle est déjà différente. Je me méfie toujours de ce que je vois, de ce qu’une image nous montre, parce que j’imagine ce qu’il y a au-delà, et nous ne savons pas ce qu’il y a derrière une image. Le photographe du film qui n’est pas un philosophe, veut aller voir de plus près, mais lorsqu’il l’agrandit, l’objet lui-même se décompose et disparaît. Il y a donc un moment au cours duquel on saisit la réalité, mais l’instant d’après, elle nous a déjà échappé. Voilà, un peu, le sens de Blow up ».

MICHELANGELO ANTONIONI, UN PEINTRE MODERNE
« Cinéaste de l’incommunicabilité » : cette étiquette colle à la peau de Michelangelo Antonioni, encore désigné par cette formule au moment de sa mort, le 30 juillet 2007. L’expression est forcément réductrice pour un artiste qui a laissé une empreinte aussi forte et personnelle dans le cinéma, à l’instar d’Ingmar Bergman disparu le même jour que lui. Bien que différents, ces deux grands peintres du couple en crise représentent des figures phares du cinéma d’auteur européen, au point de voir leur nom devenir un qualificatif : ainsi parle-t-on de films antonioniens, preuve d’une esthétique devenue une référence et pour certains (Wenders par exemple) un héritage. Chez Antonioni, les paysages, l’architecture, le ciel et la couleur ont leur mot à dire, en silence toujours, comme s’ils étaient des personnages à part entière : ils participent à la désintégration d’un amour, d’une identité, d’un récit et à la diffusion d’un malaise informulable. De la radiographie inédite, à la fois très picturale et documentaire, qu’il fait du monde contemporain, le cinéaste tirera toute sa modernité et une puissance formelle rare.
L’œuvre d’Antonioni a été et continue d’être éminemment fertile pour la littérature sur le cinéma. On a donc beaucoup cherché à expliquer ce qui « n’est pas fait pour être expliqué », comme il le disait lui-même. Bien entendu, certains critiques et historiens sont bien conscients des écueils du langage et du travail analytique en face des films d’Antonioni, ils ont su trouver des angles et le vocabulaire pour en rendre certaines dimensions plus intelligibles. Mais aussi un ensemble de clichés, de raccourcis et de spéculations se sont propagés. De plus, la masse des discours a presque laissé croire que l’œuvre est faite pour l’analyse, qu’elle part elle-même de prémisses théoriques, qu’on a besoin de quelques clés conceptuelles pour y entrer. Antonioni est devenu malgré lui une sorte de faire-valoir intellectuel. Il l’a un peu cherché, pourrait-on dire, avec un film comme Blow Up (1966), y posant des questions sur la nature du réel, son incertitude pour la perception et les problèmes de sa reproduction dans les images, permettant alors à bien des plumes de s’enorgueillir de leur analyse et de virevolter dans la sémiologie (une recherche internet sur Blow Up peut provoquer une nausée aiguë).
Nicolas Renaud [HORS-CHAMPS, Novembre-Décembre 2016].

En fichiers téléchargeables ci-dessous: le Dossier de presse des 50 ans (DP170225_50ans) et deux dossiers d'étude sur le film (LC1_Antonioni_Blow_Up et LC2_Antonioni_Blow_Up. ainsi que la fiche F170314 du film.

On continue à fêter les
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Mercredi 15 mars avec 
Un crime dans la tête
(John Frankenheimer, 1958)

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