Le 18/03/2017 Bonnie and Clyde

Samedi 17 mars 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Les "50 ans du Ciné-club de Grenoble"  (5/5)

Bonnie et Clyde
Bonnie and Clyde

(Arthur Penn, USA - 1967)

                                                                 Meilleure photographie pour Burnett Guffey
                                   Prix du meilleur film au Festival international du film de Mar del Plata en 1968.

« Il y a certainement plus d’inventions dans dix minutes
du
Gaucher que dans trois films américains de festival » André Bazin.

Bonnie & Clyde n’est pas seulement un film de gangsters violent retraçant les méfaits d’un couple de braqueurs de banques dans les États-Unis des années 30. Il est aussi et surtout l’un des films qui changèrent le visage du cinéma américain. En cette fin des années 60, le cinéaste Arthur Penn et Warren Beatty, acteur et producteur, parviennent à saisir les angoisses de la jeunesse de l’époque, partagée, sur fond de guerre du Vietnam, entre revendications sociales, soif de liberté et contestation. Bonnie & Clyde ouvre ainsi la voie à une jeune génération de cinéastes et d’acteurs qui vont participer au Nouvel Hollywood.
Ils ont traumatisé l'Amérique de la Dépression, donné du couple de gangsters l'image la plus romantique: miss Parker et mister Barrow ont touché au mythe. Leur duo pour mitraillettes freudiennes a inspiré à Arthur Penn l'un des plus beaux films américains de ces trente dernières années. Mêlant humour et critique sociale, tendresse et violence dans une extraordinaire justesse des comportements, Penn s'imposait, entre classicisme et Nouvelle Vague, comme un très grand par l'ampleur de sa mise en scène, son génie du récit éclaté, sa perception de la jeunesse dans son difficile passage à la maturité et sa direction magistrale de Faye Dunaway et de Warren Beatty.

En fichiers téléchargeables ci-dessous: le Dossier de presse des 50 ans (DP170225_50ans) et la fiche (F170318) du film.

Nous avons bien fêté les "50 ans du Ciné-club de Grenoble" et notre programmation des mercredis reprend avec, mercredi prochain:
Le voyeur / Peeping Tom
(Michael Powell, GB - 1960)

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Le 22/03/2017 Le Voyeur

Mercredi 22 mars 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle " Tueurs en série " (2/3)

Le voyeur / Peeping Tom

(Michael Powell, GB - 1960)

« Powell a été rayé de la carte, mis sur une liste noire depuis "Le Voyeur", tant avait été violent
et injurieux l'accueil critique : "abject", " ignoble" sont les qualificatifs les plus mesurés. (...)
Cela brisa sa carrière. »

Bertrand Tavernier, Michael Powell, Une vie dans le cinéma.

Le cinéma de Michael Powell est réputé pour sa flamboyance souvent mélodramatique, son chromatisme débridé, ses audaces dramatiques, ses effusions graphiques. L’art s’y fait total, témoignant de l’ambition démiurgique de reconfigurer le monde à sa (dé)mesure. Au-delà de la sidération subie par le spectateur ou de l’enchantement ressenti à la vue de ces fantaisies, s’avoue cependant une crainte, qui concerne la capacité du film à représenter le réel. Sa reproduction se heurte à la complexité de son objet, à l’indicible de son modèle. Dans ces moments où s’expose l’impuissance de l’image à rendre compte de ce qu’elle vise, explose dans le même temps le dispositif qui prenait en charge son témoignage: le miroir, trop petit pour refléter le trop-plein des affects, vole en éclats, livré aux projections soumises à la défiguration. Cette poétique de l’excès et du débordement se traduit de diverses manières dans les films des années 40, avant de mettre à nu ses traumatismes dans Le Voyeur (Peeping Tom, 1960), et révéler l’envers horrifique de ses visions. 
Pierre Jailloux [Éclipses, n° 53 (2013]

Extrait de la critique de Jacques Lourcelles
Toute la morbidité latente de l‘univers de Powell éclate au grand jour dans ce Peeping Tom qui fit scandale à sa sortie. « Cela fait longtemps qu’un film ne m’avait autant dégoûté » écrit dans « L’Observer » C.A. Lejeune, critique de l’establishment britannique, tandis qu’un de ses confrères (Derek Hill) proclame que le film est à jeter dans égout le plus proche. Les années passant, Peeping Tom sera reconnu pour ce qu’il, non une œuvre complaisante, mais un chef-d’œuvre à l’originalité et à l’étrangeté expérimentale. Peeping Tom, note les auteurs du volume « "Horror" [Aurum Presss, Londres 1985], reste une des réussites suprêmes du cinéma britannique – et du cinéma en général. Le héros, Mark Lewis, ressemble à un croisement entre un avatar de Jack l’Éventreur et une réincarnation de M le Maudit (Carl Boehm a même parfois la voix et des accents de son compatriote Peter Lorre). […]
[Dictionnaire du cinéma, Les films, Bouquins, Robert Laffont, 1992, p. 1588-1589]

Mise en abyme visuelle et sonore dans "Le voyeur"
Michael Powell et Mark Lewis ont un point commun essentiel : ils sont tous deux obsédés par l'image. C'est sans doute la raison pour laquelle Powell filme continuellement la caméra de Mark elle- même filmant Powell, et le spectateur, chacun devenant voyeur et s'identifiant à l'autre. Nous voyons même, parfois, ce que filme le tueur, en caméra subjective. Le premier plan du film est le gros plan d'un oeil qui dénote une certaine démence, mais ce n'est pas un "regard" (Powell ne filme qu'un seul oeil, celui sans doute utilisé pour le viseur d'une caméra ou d'un appareil photo). D'entrée, Powell nous prévient qu'il va mettre en scène un protagoniste déséquilibré et "coupé en deux" (qui n'a, symboliquement, pas deux yeux, mais un seul oeil), qui ne peut exister et être ému qu'à travers cet oeil-là. Un oeil spectateur de son propre voyeurisme.
"Le Voyeur" est un film qui s'attache donc à mettre en lumière une déchirure ou disons une malformation. Mark Lewis a bien deux yeux comme n'importe qui, mais il est, dans l'abstrait, ni plus ni moins qu'un cyclope. Sa toute première apparition dans le champ de la caméra (celle de Powell) est en fait la caméra de Mark qui cache son visage derrière, puis à la suite d'une question d'un homme dans la rue (en hors-champ), Mark décolle son oeil du viseur, baisse sa caméra et son visage apparaît enfin : il a un visage presque doux qui n'a rien d'un tueur. L'image qu'on se faisait de lui n'était pas la bonne : Powell nous avertit que les images à venir, ou l'Image plus généralement, sont trompeuses et manipulatrices. La caméra de Mark, donc, se substitue à Mark lui-même au long de l'histoire et notamment lors des scènes de meurtre où le pied de la caméra (qui sert de lame) est un authentique substitut phallique (utiliser ce pied de caméra est la seule pénétration dont il est capable).[...]
"Le Voyeur" est pour moi un film essentiel du Cinéma de par son traitement de la dichotomie même du cinéma : le son et l'image. Il traite aussi, et avec sincérité je trouve, de la place du cinéaste dans le monde et les frustrations que cela implique. Ce film est, encore une fois, très peu connu et il n'existe quasiment pas de critiques ou de documents le concernant. Cela dit, vous pouvez trouver, et nous finirons là-dessus, ces quelques mots de Michael Powell à propos de son film :
"Je comprenais très bien ce technicien de l'émotion, qui ne peut approcher la vie que comme metteur en scène et en souffre atrocement, moi qui découpe et monte tout ce que je vois dans la rue."
Alexandre Tylski [lumiere.org]

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Le 29/03/2017 Monsieur Verdoux

Mercredi 29 mars 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle " Tueurs en série " (3/3)

Monsieur Verdoux

(Charles Chaplin, États-Unis - 1960)

 " C'est le plus grand, le seul cinéaste en tout cas qui peut supporter le qualificatif d'humain."
Jean-Luc Godard
" C’est une réussite prodigieuse. La construction du scénario, le dialogue, le rythme,
le jeu de tous ses partenaires, tout est génial dans ce film et d’un génie nouveau."

François Truffaut 
« Le plus intrigant des films de Chaplin ; son caractère énigmatique – nul ne pouvant
se vanter d’en avoir exactement sondé le sens – l’a gardé intact et préservé du vieillissement. »

Jacques Lourcelles

Verdoux dans le film :
   " Le monde n'encourage t-il pas l'assassinat collectif ? Il construit des armes, extermine des femmes et des enfants innocents
      avec toutes les ressources de la science, mais je suis un amateur en comparaison.
"
   " Un meurtre et vous êtes un bandit, des millions et vous êtes un héros ".

En 1941, Orson Welles souhaite tourner un documentaire dramatique sur le meurtrier Henri-Désiré Landru. Il propose le rôle à Charles Chaplin qui décline l’offre car il voue une fascination à Landru depuis bien avant la guerre et il désire réaliser lui-même le film. Chaplin paya 5.000 $ à Welles pour son idée, avec garantie que le générique mentionne "sur une idée de Orson Welles". Un accord est signé, il faudra quatre ans à Chaplin pour boucler son scénario. Le climat est tendu, Chaplin est ralenti dans son travail suite aux procès dont il fait l’objet. Le Breen Office, fidèle à son rôle de censeur, rejeta la première mouture du scénario écrite en 1946. Chaplin s’en sortit en effectuant quelques coupes. Le tournage fut bouclé en moins de trois mois. Un record pour Chaplin qui adore travailler à l’expérimentation, refaisant scène sur scène afin d’arriver au résultat escompté. 

Charlie Chaplin étonne le monde en 1947 avec Monsieur Verdoux.
Boudé par le public et la critique, ce film dérange. Des années plus tard, il garde son mystère et son opacité.
Chaplin a 58 ans quand il décide de mener à bien ce projet signé Orson Welles: adapter au cinéma la vie de Landru et interpréter lui-même le rôle. Il se vieillit, s'invente des cheveux blancs, s'imagine en séducteur cynique qui tue des femmes d'un certain âge pour entretenir son épouse et son fils.
Dès le début, aucune ambiguïté, monsieur Verdoux est bien un tueur. Mais une drôle de sympathie s'installe entre lui et le spectateur. Elle durera jusqu'à sa mort. On le voit, jardinier attentionné, qui sauve de justesse une chenille sur laquelle il allait marcher, alors que ses voisines parlent de l'odeur épouvantable qui se dégage de son four. Entre horreur et drôlerie, l'histoire se déroule à son rythme inéluctable.[...]
Comment ménager les gags dans un climat aussi sinistre? Chaplin n'est plus Charlot, il doit inventer un humour décalé et complice. Quand il a volé de l'argent à l'une de ses victimes, il compte les billets avec la froide dextérité du caissier qu'il était avant qu'on ne le licencie. Mais il veille aussi à inventer parallèlement d'horribles portraits de femmes, acariâtres et antipathiques, dont on ne regrette finalement pas la mort. D'autant que Verdoux est un adorable mari et père de famille qui quitte son masque dès qu'il est chez lui. Il n'oublie pas de donner à manger au chat et de veiller sur son épouse adorable et infirme.
La séquence la plus caractéristique est celle où Verdoux s'est mis en tête de tester un poison. Un curieux travelling accompagné de violons le montre qui choisit une pauvre jeune fille dans la rue. Il l'invite chez lui et mélange la mixture à du vin. Elle sort de prison, elle est seule. La caméra suit ses lèvres qui hésitent plusieurs fois à boire. Suspense affreux que Chaplin annule en décidant, intérieurement, que la jeune femme doit être sauvée et en substituant un verre de vin ordinaire au vin empoisonné.
[Louis SKORECKI, Libération, 8 novembre 1996]

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Le 5/04/2017 Delivrance

Mercredi 5 avril 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle " Au fil de l'eau " (1/3)

Délivrance / Delivrance

(John Boorman, États-Unis - 1960)

Il est des films qui marquent durablement la mémoire des cinéphiles.
Délivrance de John Boorman a conservé le même pouvoir de fascination
et la force de son propos plus de quarante années plus tard."

John Boorman, Le mythe et le monde
 " Dans leur éditorial, À la recherche du Graal, Yann Calvet et Jérôme Lauté écrivent : "Cinéaste visuel fasciné par les mythes, l'imaginaire et les rêves, John Boorman s’est brillamment illustré dans les genres cinématographiques les plus divers : le film noir (Le point de non-retour, 1967), le survival (Délivrance, 1972), la science-fiction (Zardoz, 1974), le fantastique (L’Exorciste 2 : l’hérétique, 1977), la fantasy (Excalibur, 1981), le film d’aventures (La Forêt d’émeraude, 1985), le film d’espionnage (Le tailleur de Panama, 2001)… Mais si varié que soit le cadre des intrigues, l’action engagée relève invariablement du domaine de la quête. Chaque film de Boorman est en effet l’histoire d’un périple accompli par un héros qui, à la suite d’une série de passages et d’épreuves, se trouve changé. Comme chez Jung, dont l’influence est fondamentale, le héros symbolise l’élan évolutif, la puissance de l’esprit, et sa première victoire – parfois la seule – est celle qu’il remporte sur lui-même." [Eclipses, n° 55, 2015].

Délivrance (1972) de John Boorman
Apprenant que la construction d’un barrage va entraîner la disparation d’une rivière de montagne, quatre citadins en mal d’aventures décident de la descendre en canoë. C’est à leurs yeux un hommage à la nature sauvage… Délivrance est tiré d’un roman de James Dickey qui en a écrit lui-même l’adaptation. Boorman en fait un film puissant qui met à mal le mythe de la nature bienveillante : ces quatre citadins en quête de nature vont se heurter durement à son caractère hostile et primitif et découvrir, bien malgré eux, sa capacité à révéler les instincts. Nous sommes donc loin de l’image du paradis perdu. En outre, Boorman souligne de manière appuyée l’impossibilité de communication entre le monde urbain et le monde rural, y compris au niveau des hommes. La seule passerelle, bien fugitive, entre les deux mondes ne se fait qu’à un instant, grâce à un dialogue musical. Délivrance est un film assez dérangeant par son caractère brut et sa violence bestiale. Il n’y a toutefois aucun excès, le film est admirablement construit et maitrisé. Le budget fut pourtant assez réduit, forçant les acteurs à accomplir eux-mêmes beaucoup des scènes périlleuses et à pagayer longuement… Le film est, au final, d’une force peu commune. [films.blog.lemonde.fr].

La destruction de la nature et la faillite de la civilisation
Dès l'ouverture du film, les enjeux sont clairement posés. En effet, pendant que l'on découvre les images de la nature puis des bulldozers la détruisant et des explosions, on entend, on ne le sait pas encore à ce moment là, Lewis, incarné par Burt Reynolds, expliquer à ses compagnons son projet de descente de la rivière en canoë avant qu'un barrage ne la transforme en lac. Lewis critique la violation de la nature dans le seul but de produire de l'électricité, la destruction de la nature au nom du progrès. [...]
Chef d’œuvre du cinéma, Délivrance de Boorman est sans doute une des meilleures critiques de la civilisation américaine qui a oublié la nature et ses origines. Ce film reste 40 ans après un véritable choc par la violence qui s'en dégage mais aussi par la puissance du récit. La musique qui revient tout le long du film, duelling banjos, et la scène qui s'y réfère aura marqué l'histoire du cinéma. Et que dire de cette atmosphère bestiale, suffocante qui nous prend du début à la fin et scotche le spectateur.  Jamais l'Amérique sauvage n'aura été aussi bien filmée. [odysséeducinema.fr]

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Le 11/04/2017 Les larmes ameres de Petra von Kant

ATTENTION :
Mardi 11 avril 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

En partenariat avec le Festival "Vues d'en face"

Les larmes amères de Petra von Kant
Die bitteren Tränen der Petra von Kant

(Rainer Werner Fassbinder, Allemagne - 1972)

" Annie - Est-ce qu'il ne s'arrête jamais ? 
Lora - Il ne peut pas, Annie. S'il le faisait, il se rendrait compte combien il est triste."

Rainer Werner Fassbinder sur sa pièce
« Avec Les Larmes amères de Petra von Kant, je continue un travail autour du couple, du vivre à deux, commencé avec Parasites de Marius von Mayenburg et Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. Cette fois-ci, je m’intéresse à une passion dévorante entre deux femmes. C’est cela que je veux mettre en scène : une pièce sur les ravages d’une passion, et absolument pas une pièce sur l’homosexualité féminine. Dans cette pièce, un peu comme dans Roberto Zucco, les autres personnages sont des figures rassemblées autour de Petra : la meilleure amie, la mère, la fille... J’ai surtout travaillé jusqu’ici sur des personnages mythiques comme Electre ou Médée, je me suis peu confronté à des portraits féminins contemporains. Pour moi, même s’il n’y a rien de subversif dans cette histoire d’amour entre femmes, j’ai cependant très envie que les scènes de séduction et d’amour entre Petra et Karine soient traitées de manière charnelle et sensuelle voire presque carnassière.»

Le cinéma de Rainer Werner Fassbinder
Le cinéma de Fassbinder est une maison témoin, celle de la mauvaise conscience de l'Allemagne après-guerre [et qu'on pourrait appliquer à d'autres démocraties européennes en plein ronronnement post-soixante-huitard]. Volker Schlöndorff disait qu'il était le "moteur du nouveau cinéma allemand" d'après-guerre. Et voulant tout dire, tout répéter sur son pays, il allait vite, carburant à la vie, aux autres. Il bouffait tout, jusqu'à l'accident. La rage. Chez Fassbinder, tout est réversible : il parle des marginaux pour mieux faire la lumière sur un état général de la société - la RFA prise en flagrant délit de pacte faustien en guise de miracle économique. Il use de l'artifice le plus outrancier pour dire la vérité. "Pas d'utopie est une utopie", écrivait-il. Dans le même temps, il succombe de son plein gré au glamour hollywoodien, sous lumière germanique certes - Hanna Schygulla était sa face B, sa Marlène, lui qui se rêvait plus Marilyn qu'Orson Welles, look vers lequel il tendait de plus en plus. Sous une douce glace, les films de Fassbinder sont tour à tour lucides et attendris, politiques et triviaux, frontaux et distanciés, solitaires et familiaux. Beaucoup de choses seront répétées dans les lignes à venir - situations, noms, éthique de réalisation - mais le cinéaste a composé un univers propre, de variations sur une même cellule, où l'on prend plaisir à retrouver les mêmes têtes dans les mêmes rôles mais pas toujours, où un film est gigogne. On est bien à la maison, on y a chaud et froid.

Une présentation du film
 Les larmes amères de Petra von Kant est le premier film de Fassbinder à avoir été distribué en France. C’est son treizième film, l’adaptation d’une pièce de théâtre qu’il a lui-même écrite et qu’il met en scène sans chercher à en masquer les origines. C’est un film vraiment étonnant venu d’un réalisateur âgé de 27 ans. D’abord par son contenu car les dialogues sont d’une rare profondeur, il suffit de voir avec quelle acuité Petra raconte à Karin l’épanouissement et le déclin de son ancien mariage ou l’évolution de leurs rapports au sein du couple. Il y a aussi une réflexion sur l’amour fou et la dépendance, sur l’admiration et la soumission, sur la possession et le manque. Fassbinder aurait puisé son inspiration dans sa propre vie, ayant lui aussi vécu une séparation douloureuse. Le film est aussi étonnant par la maitrise de la mise en scène, filmé sobrement dans un seul lieu avec quelques mouvements de camera très amples qui tournent autour des actrices comme pour nous en approcher. La structure du récit, quatre actes séparés par de grandes ellipses, met en relief l’évolution de la relation entre Petra et Karin. Le décor est un mélange de kitsch et de classicisme qui, avec les toilettes excentriques, apportent une touche de surréalisme et affirme le caractère atemporel du propos, propre aux grandes tragédies. Seule la fin est un peu faible. Les larmes amères de Petra von Kant est un film intense et riche qui porte l’empreinte du cinéaste. [films.blog.lemonde.fr]

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Le 12/04/2017 Le Fleuve Sauvage

Mercredi 12 avril 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle " Au fil de l'eau " (2/3)

Le fleuve sauvage / Wild River

(Elia Kazan, États-Unis - 1960)

ELIA KAZAN
Pour Stanley Kubrick, dans les années 50 il était « le meilleur metteur en scène que nous ayons en Amérique ». Robert Aldrich le considérait alors comme « le plus audacieux de nous tous dans les choix de ses sujets ». Nicholas Ray, en écho à la majorité de ses confrères, voyait en lui le plus grand directeur d’acteurs aux Etats-Unis ; et John Cassavetes, au milieu des années 70, n’aurait accepté de jouer que sous sa direction. La jeune critique française n’était pas en reste : François Truffaut louait Baby Doll, Robert Benayoun A l’est d’Eden, Roger Tailleur Le Fleuve sauvage, et Jacques Rivette La Fièvre dans le sang. Elia Kazan n’a cessé, depuis, d’exercer son pouvoir magnétique, suscitant l’admiration de cinéastes aussi divers que Marguerite Duras ou Catherine Breuillat, et influençant la génération des indépendants américains dans les années 70. Ce sont Martin Scorsese et Robert De Niro, ses héritiers, qui lui remirent son Oscar d’honneur à Hollywood en 1999.
Dossier Elia Kazan, [Positif, n° 518, avril 2004]

LE FLEUVE SAUVAGE : UN FILM MÉTAPHYSIQUE
Situant son film dans le Sud des États-Unis, Kazan reprend des motifs traditionnels de la représentation de celui-ci: la moiteur des lieux, l'omniprésence de la sexualité et de son refoulement, le rejet de l’État fédéral et de ses fonctionnaires, le racisme et la ségrégation institutionnalisés (par exemple, un Noir ne peut recevoir le même salaire qu'un Blanc pour le même travail). Toutefois, c'est dans une direction différente, assez originale dans son œuvre, que Kazan déploie son propos. Le recours à la couleur, magnifiant les paysages agrestes grâce à une remarquable photographie d'Ellsworth Fredericks, est comme le signe que c'est le rapport de la nature et de l'homme, plus que les relations entre humains dont il va s'agir ici. Si Glover apparaît d'abord comme un pur représentant de l’État fédéral, jusque dans son apparence (costume et gilet, chemise blanche et cravate sombre), Kazan nous fait assister à la transformation subtile du personnage. Sa première rencontre avec Ella Garth, qui refuse définitivement de vendre son île, adopte encore la forme d'une incompréhension insurmontable entre l'ancien et le nouveau, entre l'enracinement et le progrès. Néanmoins, c'est une tournure métaphysique, celle de la lutte entre deux éléments cosmiques, que prend peu à peu le film. Foncièrement, Ella Garth est la femme de la Terre, au sens exact d'une expression élémentale.
Dans l’une des plus belles scènes du film, la vieille femme, devant la tombe de son mari, raconte à Glover leur arrivée sur l'île. Comment M. Garth a abattu des arbres, débroussaillé une quasi-jungle, créé des terres cultivables, et cultivées. Tout le rapport entre la nature sauvage et l'homme est ici en jeu. En effet, les Garth, quoique domestiquant la nature, n'ont jamais cherché à s'en rendre « maîtres et possesseurs » (selon la célèbre formule de Descartes). Bien au contraire, le couple, raconte Ella, accompagné de leurs ouvriers noirs, sont parvenus à une profonde harmonie entre les hommes et la nature. Si l'île n'est plus le règne de la wilderness, elle n'est pas non plus celui de la civilisation, dont Glover est le représentant, presque caricatural. Une fusion s'est opérée, de telle sorte que la Terre s'est emparée des habitants de l'île, tout autant que ces derniers ont travaillé celle-ci. La maison d'Ella Garth, vaste demeure ancienne, typique du gothique sudiste, dénuée d'électricité, est le véritable symbole de cette étrange alchimie qui unit, sur cette île, la nature et les hommes. En effet, la maison semble comme surgie du sol, véritable émanation de la Terre plus que domination de cette dernière. Mme Garth, la plupart du temps assise sous sa véranda, n'est rien d'autre que l'incarnation humaine de cet élément cosmique. Le rapport de la vieille femme avec les ouvriers, tous noirs, est lui-même exemplaire. Si Mme Garth a trois fils, ces derniers sont stupides et paresseux, si bien que ce sont les Noirs qui font vivre l'île par leur travail. Ella n'est ni raciste comme la quasi totalité des habitants de la ville située sur le continent, ni antiraciste comme Glover, l'homme du Nord. C'est tout simplement qu'elle est elle-même une minorité, une exclue, tout comme ses ouvriers. Il y a là comme une quasi nécessité : seuls ceux qui sont minoritaires, rejetés par les brutes stupides de la ville, peuvent accéder à un rapport authentique avec la nature. Il faut être habitant de l'île, y vivre et y travailler pour devenir une émanation de la Terre (les fils d'Ella habitent aussi sur l'île, mais comme ils ne font rien, ils ne valent guère mieux que les habitants de la ville).[...]
Lors de sa première visite dans l'île, Glover, dans une scène presque comique, est jeté dans l'eau par un des fils Garth. Mais ce n'est pas un hasard, car, on l'aura compris, Glover se révèle comme l'homme de l'Eau. Subtilement, sans aucun effet appuyé, la sobriété de la mise en scène et du jeu de Montgomery Clift montrent la transformation d'un représentant de l'Etat fédéral, arrivant dans un Sud dont il ne sait rien, en un individu dont s'emparent les forces archaïques qui habitent le monde. Pris dans un devenir-élémental, il incarne peu à peu, sans le vouloir, l'élément liquide. Des déterminations empiriques l'indiquent : il est, en tant qu'ingénieur, le maître du barrage, décideur de l'ouverture des vannes libérant les flots qui vont engloutir l'île. Plus que de simples données factuelles, ce sont-là des indices de la véritable lutte que présente le film. Le personnage interprété par Montgomery Clift, n'est pas seulement l'homme de la modernité contre la tradition, du progrès contre le passé. En réalité, il devient lui-même aussi archaïque qu'Ella Garth. Si bien que l'enjeu profond du film est la lutte à mort entre la Terre et l'Eau. Comme l'écrit Gilles Deleuze dans « Causes et raisons des îles désertes » : « Reconnaissons que les éléments se détestent en général, ils ont horreur les uns des autres […]. L'homme ne peut bien vivre, et en sécurité, qu'en supposant fini (du moins dominé) le conflit vivant de la terre et de l'eau » (in L'Île déserte et autres textes, Textes et entretiens, 1953-1974, édition préparée par David Lapoujade, Paris, éditions de Minuit, 2002, p.11). Le troisième personnage essentiel du film est Carol Garth Baldwin, la petite fille de Mme Garth, interprétée par une Lee Remick resplendissante de beauté. Son mari mort, mère de trois enfants, elle habite dans sa maison sur le continent, mais semble passer le plus clair de son temps dans l'île, auprès de sa grand-mère. Si Ella Garth est la femme de la Terre, et Chuck Glover l'homme de l'eau, Carol n'est ni Terre, ni Eau : elle est la ligne qui traverse les forces élémentales. Et si elle tombe amoureuse, et épouse, Chuck Glover, elle reste jusqu'au bout fidèle à son aïeul. Ambivalente, il est difficile de savoir si, en choisissant Glover, elle a pris parti pour l'élément liquide.
Pascal Couté [Éclipses, 01 août 2016]
On trouvera ci-dessous, en fichiers téléchargeables, la fiche du film ainsi que la totalité de l'article de Pascal Couté de la revue Eclipses.

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Le 3/05/2017 La captive aux yeux clairs

Mercredi 3 mai 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

La captive aux yeux clairs / The Big Sky

(Howard Hawks, États-Unis - 1952)

" L’eau de la rivière, les rochers de la montagne, la profondeur des forêts
composent le décor classique du western le plus vigoureusement sain,
 celui qui sait être lyrique sans prétention et laisse la métaphysique à l’ancre."

Jean-Louis Rieupeyrout (Ramsay Poche Cinéma, 1964).

 
La Captive aux yeux clairs (titre français de The Big sky, pour une fois très inspiré) est avec Ligne rouge 7000 le plus beau film d’Howard Hawks. Un de ceux où l’auteur de Rio Bravo parvint à s’affranchir de ses obsessions adolescentes pour mieux les surmonter, s’interroger sur leur nature et exprimer une certaine incomplétude, lui, le cinéaste de l’évidence (selon la formule de Rivette), de l’exaltation de la pure fonctionnalité du monde et de la souveraineté d’une action qui n’a de compte à rendre qu’à elle-même. Jean-François Rauger [Les Inrocks, 02 août 2006] 
La captive aux yeux clairs fait partie de ces quelques films, dans la carrière de Hawks, empreint d’une merveilleuse liberté, à la réalisation transparente et modeste, dont le point culminant sera Hatari, expérience jusqu’auboutiste de fausse roublardise et de vraie modernité. Hawks se soucie ici moins d’une progression dramatique de son intrigue que du parfait fonctionnement de chacune des scènes indépendamment les unes des autres. Déjà avec Le grand sommeil il avait réussi cet exploit : même si l’histoire demeure toujours aussi peu compréhensible (y compris pour l’auteur et le réalisateur), on peut regarder chaque scène hors contexte et se délecter de chacune d’elle sans avoir besoin de regarder le film dans son intégralité. C’est là que réside la modernité du réalisateur, dans son approche de la narration, assez anti-hollywoodienne de ne plus proposer d’intrigue millimétrée, mais au contraire de nous faire partager l’existence d’un groupe d’hommes et d’essayer de nous le rendre le plus humain possible en n’ayant pas peur de prendre son temps à le regarder vivre à son propre rythme : cette démarche donnera également des séquences à la limite du documentaire dignes d’un Robert Flaherty. On comprend alors mieux pourquoi ce cinéaste a été l’un des chouchous de la nouvelle vague et des "Cahiers du cinéma". [...]
L’un des thèmes principaux, typiquement hawksien, de ce film est la description d’une très forte amitié qui devra résister à l’amour que portent les deux hommes pour la même femme. Cette expédition servira de voyage initiatique qui transformera ces grands enfants bagarreurs, susceptibles et chahuteurs en hommes mûrs et sensés, sachant gérer leur vie sans que ce soit au détriment de cette formidable amitié. "Deux hommes sont amis, une fille arrive et bientôt ils ne sont plus amis du tout. L’un s’en va en laissant ce que l’autre aurait donné son bras droit pour garder et je me demande ce qu’ils vont faire pour pouvoir arranger ça" prononce Arthur Hunnicutt en résumant la situation juste avant le final. Final qui, dans un autre film aurait pu se résoudre par un affrontement dramatique, nous dévoile au contraire un Howard Hawks profondément intelligent et d’une grande maturité. La décision respective des deux amis clôt le film en beauté. Beaucoup de critiques ont voulu voir dans cette description de l’amitié virile, une homosexualité latente : Hawks a du être le premier étonné. Cette mode qui cherche à trouver des traces d’homosexualité dans un film dès qu’il aborde le sujet de fortes amitiés peut se révéler parfois ridicule et c’est le cas ici.
Erick Maurel, 14 décembre 2002 [dvdclassik.com]

N'oubliez pas:
MARDI 9 MAI à 20h
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU
CINÉ-CLUB DE GRENOBLE

dans les locaux de l'association:
4 rue Hector-Berlioz (3è étage)
(en face du cinéma Juliet-Berto)
Un pot convivial clôturera l'assemblée.
NOUS VOUS ATTENDONS TRÈS NOMBREUX !

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Le 10/05/2017 L'Atalante

Mercredi 10 mai 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle "Au fil de l'eau (3/3)
L'Atalante

(Jean Vigo, France - 1934)

" Jean Vigo, le Rimbaud du cinéma. " Henri Langlois.

 « Le but sera atteint si l’on parvient à révéler la raison cachée d’un geste, à extraire d’une personne banale et de hasard sa beauté intérieure ou sa caricature, si l’on parvient à révéler l’esprit d’une collectivité d’après une de ses manifestations purement physiques. Et cela avec une force telle que désormais le monde qu’autrefois nous côtoyons avec indifférence s’offre à nous malgré lui au-delà de ses apparences. »
Jean Vigo [in Pierre Lherminier, Jean Vigo, Editions Pierre Lherminier/Filméditions, Paris, 1984, p. 47]. 

« Plusieurs tentatives de reconstitution furent menées à partir de 1950. Mais c’est ce dimanche 13 mai 1990 que le film maudit vient de renaître dans toute sa beauté, son originalité d’écriture, son réalisme social et poétique, son exaltation de l’amour fou, son aspect onirique, son esprit anarchiste, son rythme narratif auquel s’accorde la musique de Maurice Jaubert, qui a parfois des accents à la Kurt Weill, et ses merveilleux interprètes : Dita Parlo, Jean Dasté, Michel Simon, Gilles Margaritis… Un choc, un éblouissement, même pour les cinéphiles. Et pour celle qui, à peine plus âgée que le film, se tenait, les larmes aux yeux, à la sortie de la salle : Luce Vigo, fille de Jean. »
Jacques Siclier, Le Monde [15 mai 1990].

« On envie ceux qui vont découvrir aujourd'hui ce film sublime. Son auteur, le surdoué Jean Vigo, mourut en 1934, à 29 ans, en plein montage. Évidemment, les distributeurs en profitèrent pour l'affubler d'un titre plus commercial, Le Chaland qui passe, titre d'une rengaine de l'époque. L'intrigue, apportée par le producteur Jacques-Louis Nounez à Vigo, est typique du cinéma réaliste des années 30 : la jeune femme d'un marinier, lassée de sa vie monotone et médiocre, se laisse séduire par les tentations de la ville, mais elle reviendra à son mari. Vigo l'avait même d'abord qualifiée de "scénario pour patronage". Mais il n'avait plus trop le choix, sa réputation d'anticonformiste freinant déjà sa carrière. Il décide alors de s'approprier ce scénario comme un point de départ, et à l'arrivée, en fait son film, transcendé par une poésie hors du commun : poésie dans le bouquet de la mariée qui flotte au fil de l'eau, poésie dans le bric-à-brac du père Jules (Michel Simon en clodo rabelaisien), poésie dans la course de Jean vers la mer, etc. Il faut y ajouter la dimension subversive, qui est la marque de Vigo (Zéro de conduite, son précédent film, venait d'être victime de la censure) : ici, il ridiculise par exemple la cérémonie du mariage. Cette insurrection permanente contre la société bourgeoise et cette liaison de l'idée d'amour fou avec celle de révolution font de Jean Vigo l'un des rares cinéastes surréalistes. " La fantaisie, disait-il, est la seule chose intéressante de la vie. Je voudrais la pousser jusqu'à la loufoquerie." »
Olivier Nicklaus, Les Inrockuptibles [lecinematographe.com]

Si les interprètes effectuent une composition légendaire, l’essentiel est ailleurs, à commencer par ces prises de vue inédites montrant l’avancée de la péniche et ses environs. Bien épaulé par le chef opérateur Boris Kaufman, Jean Vigo filme avec bonheur un vieux port désaffecté près d’un réseau ferré ou reconstitue une guinguette populaire qui semble sortir d’une toile de maître. Il y a dans L’Atalante une imagination foisonnante, qui culmine avec le rêve de Jean imaginant sa jeune épouse nager dans les profondeurs de la mer, en robe de mariée. Mais on pourrait citer de nombreux passages cultes de cette merveille visuelle et sonore, des boniments du camelot incarné par un acteur qui semble improviser (Gilles Margaritis), aux exhibitions du père Jules, dont le burlesque cinématographique est digne des frères Marx. Surnommé le « Rimbaud du cinéma » par Henri Langlois, Jean Vigo nous laisse avec L’Atalante l’une de ces œuvres uniques et magiques qui ont fait la réputation du 7e art.

On trouvera en fichiers téléchargeables, deux dossiers d'étude du CNC sur le film, ainsi que la fiche du film F170510.

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Le 17/05/2017 Dieu ne croit plus en nous

Mercredi 17 mai 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle Welcome in Vienna / Wohin und Zurück (1/3)
Dieu ne croit plus en nous
An uns glaubt Gott nicht mehr

(Alex Corti - Allemagne, Autriche, Suisse - 1982)

En présence de Christian EGGERS, Historien, Maître de conférences à l'UGA

Welcome in Vienna, la trilogie sauvée de l’oubli 
Pour toute une génération de cinéphiles, il fut l’homme d’un film choc qui sortit en 1986, « Welcome in Vienna  », l’histoire de Freddy Wolff, jeune juif viennois, et de George Adler, intellectuel berlinois, ayant fui le nazisme aux États-Unis et revenant en Europe dans l’uniforme de soldats américains.
La façon dont Axel Corti filmait le retour au pays de ce jeune Wolff empli de culpabilité, la façon dont il nouait des liens intimes avec l’Histoire, dont il passait du détail au général avec un souffle de prophète, tout cela fit du cinéaste alors âgé de 53 ans une figure culte.
Vingt-cinq ans ont passé, et voilà qu’on découvre que ce chef-d’œuvre (prix du meilleur réalisateur à Saint-Sébastien, prix du meilleur film à Chicago et à Baden-Baden, Léopard de bronze à Locarno) n’était que le dernier opus d’une trilogie dont les deux premiers volets « Dieu ne croit plus en nous » et « Santa Fé », racontent les débuts viennois de 1938, l’exil américain – avec des plans dignes d’Elia Kazan – et la déchirante absurdité de ce milieu de siècle où les cendres succèdent à la ruine.

[Sophie Avon, Sud-Ouest, 27 novembre 2011]
Durant six heures extraordinaires la trilogie Welcome in Vienna (Wohin und zurück) met en scène des hommes et des femmes ordinaires qui fuient ou combattent le nazisme, de la Nuit de Cristal en 1938 à la Libération en 1945. Juifs, communistes, Autrichiens ou Allemands antinazis, ils s'échappent de Vienne jusqu'à Marseille en passant par Paris (Dieu ne croit plus en nous), essaient de trouver leur place à New York (Santa Fe) et s'engagent dans l'armée américaine pour se retrouver dans Vienne détruite (Welcome in Vienna). Mais c'est avant tout l'histoire de l'émigration qui est en jeu, intégration et ségrégation, perte d'identité et renaissance. En trois films à couper le souffle, tournés de 1982 à 1986, Axel Corti dessine une fresque historique incroyable, choisissant des personnages si banals qu'ils paraissent interchangeables, les montrant comme nous sommes au lieu de comment nous devrions être. Les héros n'existent pas, ou seulement par un concours de circonstances qui ne tient qu'à la chance. Le noir et blanc donne aux images un aspect documentaire, incorporant de manière transparente les images d'archives. Filmée et montée avec une telle intelligence, cette leçon à la fois d'histoire et de cinéma est tout simplement un chef d'œuvre.
Tant de films ont été tournés sur cette période, mais ils semblent toujours romancer le désordre. Jean Renoir, Michael Powell, Lucchino Visconti, Rainer Werner Fassbinder, Samuel Fuller, entre autres, en avaient déjà montré la complexité en évitant de rabâcher les poncifs. Le cinéaste autrichien dévoile l'ambiguïté des divers gouvernements, dont la France évidemment, et filme la difficulté à laisser derrière soi le passé pour inventer l'avenir.
[https://blogs.mediapart.fr/jean-jacques-birge/blog/310812/welcome-vienna-en-dvd]

Partie 1 : Dieu ne croit plus en nous
Vienne  1938  :  après  la  Nuit  de  Cristal  et  le  meurtre  de  son  père  par  les  nazis,  Ferry  Tobler,  un adolescent juif, fuit l'Autriche. Avec un laissez-passer difficilement acquis, il échoue à Prague. Là, Il y fait  la  connaissance  de  Gandhi,  soldat  allemand  anti-nazi  échappé  de  Dachau,  et  d'Alena,  une tchèque  chargée  d'assister  les  réfugiés.  Ensemble  et  avec  d'autres  immigrants juifs,  ils  parviennent jusqu'à Paris. Mais, sans papiers, ils sont arrêtés et internés par les autorités françaises dans le camp de  rétention  de  Saint-Just-en-Chaussée.  Profitant  du  chaos  qui  suit  l'invasion  allemande,  ils s'échappent et tentent de rejoindre Marseille dans l'espoir de s'embarquer pour les Etats-Unis. 

On trouvera en fichiers téléchargeables, un bel article sur la trilogie, le dossier de presse du distributeur et la fiche du film F170517.

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Le 24/05/2017 Santa Fe

Mercredi 24 mai 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle Welcome in Vienna / Wohin und Zurück (2/3)
Santa Fe
(Alex Corti - Allemagne, Autriche, Suisse - 1986)

En présence de Christian EGGERS, Historien, Maître de conférences à l'UGA

Le deuxième volet Santa Fe se passe à New York en 1940. Un bateau pourri, Le Tonka, arrive avec, à son bord, des réfugiés, dont Ferry Tobler qui se noie accidentellement en cherchant à sauver une jeune femme échappée de Bergen-Belsen. C’est l’odyssée de Freddy Wolff, rêvant d’espace, de liberté, de Santa Fe, qui est décrite. Incapable d‘amour, d’intégration, malgré les cours d’anglais sur la terrasse des immeubles, il ne pense qu’à l’Europe et à sa Vienne natale. Son engagement dans l’armée le lui permettra. La dernière image avec les papiers déchirés s’envolant du gratte-ciel signe sa rupture avec cette ville. Et aussi son incapacité à avoir pu aider la fille de Treuman. Ce pays tant espéré, celui du bout du monde, est aussi misère et mensonge où tout est spectacle et l’annonce de Pearl Harbour mécénée par Pepsi-Cola !. Que représente pour eux la mort de Walter Benjamin ou de Zweig.
C’est, et de loin, le plus beau des volets de cette trilogie, par la galerie de personnages touchants et risibles, émouvants et noyés dans leur espoir et leur tristesse indicible. L’esprit à la fois de Charlie Chaplin et de Kafka passe dans cet épisode magistral. Le moment où pour survivre il veut vendre un livre de poèmes de Rilke, refusé avec mépris, montre tout le fossé entre l’Amérique et cette Europe Centrale qui meurt. Et pourtant le mensonge d’une Vienne mythique les habite encore.

Gil Pressnitzer [http://blog.culture31.com/2012/01/04/welcome-in-vienna-trilogie-daxel-corti/]

Si le réalisme âpre et le noir et blanc fuligineux de Dieu ne croit plus en nous évoquait le Rossellini d’Allemagne année zéro, la galerie de personnages loufoques pris dans les rais de la fatalité de ce deuxième épisode a des airs lubitschéens. Autrefois intellectuels reconnus ou bourgeois confortablement installés, les exilés viennois endurent les humiliations de leur statut d’immigrés dans une nation dont ils ne maîtrisent ni le langage ni les codes. Réfugiés dans le seul café viennois de la ville, ils sont contraints d’accepter toutes sortes d’emplois sous le haut patronage de Mrs Shapiro. Popper, le photographe qui héberge Freddy, doit se contenter de portraits d’identités en attendant le grand reportage qu’il rêve de voir publier dans Life, tandis que l’acteur Feldheim (irrésistible Ernst Stankowsky), ne maîtrisant pas l’anglais, est confiné aux rôles d’animaux, ce qui ne l’empêche pas d’aboyer sauvagement. Dans cette existence de petites humiliations, l’ironie de l’histoire n’est jamais loin, comme lors de cette scène où Feldheim se voit enfin doté d’un rôle d’être humain… pour incarner un officier nazi à Hollywood. Figure la plus pathétique de cette humanité rampante, le docteur Treumann incarne l’exilé qu’ont dépeint Brecht et Benjamin. Écrivain devenu épicier, il meurt à sa table de travail, incapable d’achever le grand roman dans lequel il voudrait inscrire sa mémoire d’une culture autrichienne dont les mots et la langue lui échappent peu à peu.
Alice Leroy [critikat.com]

On trouvera en fichiers téléchargeables, un bel article sur la trilogie, le dossier de presse du distributeur, un interview de G. Troller, scénariste du film et la fiche du film F170524.

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