Café Lumière
- Écrit par Krishna
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- Publié dans Amours de Jeunesse
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“ Ce Café Lumière, beau comme un matin prometteur.”
Sylvain Coumoul [Cahiers du Cinéma, n° 596 (déc. 2004), p. 30-32].
“ Le tout compose une mélodie d’une telle douceur, d’un tel naturel ;
la ligne du film est si claire, si pure que le réel suscite un effet de
stupéfaction, voire de fascination.”
Jean-Christophe Ferrari, [Positif, n° 526 (déc. 2004), p. 6-7].
Hou Hsiao-hsien sur son film
« Le grand studio japonais Shochiku m'a proposé d’écrire et de réaliser un long métrage à l’occasion du centième anniversaire de la naissance de Yasujirô Ozu. Jamais je n'aurais imaginé avoir un jour une telle chance. Je suis un réalisateur taïwanais. Même si je suis allé une vingtaine de fois au Japon au cours de ces vingt dernières années, je n'y habite pas. J’y suis un étranger. C’est donc instinctivement que je remarque les particularités du pays et de ses habitants. Dans mon observation de la vie japonaise, j’allais prendre un risque considérable : celui de passer à côté de la réalité. Or, je suis persuadé que la vérité du quotidien constitue la véritable base d'un film... Je craignais donc que ma perception du pays ne paraisse quelque peu superficielle. Mais finalement, c’est en termes très simples que je me suis interrogé : pourquoi tourner, moi, un film japonais ? Dans une langue que je ne comprends pas... Ma réponse fut plus simple encore : parce que j'en avais le désir. Et de tout mon cœur. »
Extraits de la critique de Vincent Ostria
L’Asie ! l’Asie ! l’Asie ! l’Asie !… C’est par cette exclamation mallarméenne qu’on pourrait célébrer le cinéma d’Extrême-Orient, fer de lance culturel du changement de polarité mondiale qui s’annonce. A l’est toute ! Radicalisme esthétique rime désormais avec Asie. Après l’amour en fuite de 2046, la maladie tropicale thaïe, la cyber-innocence d’Oshii, voici que Hou Hsiao-hsien construit un pont entre deux écoles asiatiques, entre deux îles, la sienne, Taiwan, et le Japon. Le prétexte officiel de Café Lumière est une commande de la Shochiku dans le cadre d’un hommage à Yasujiro Ozu, mort il y a quarante et un ans. Ce n’est certes pas un hasard si l’on s’est adressé à HHH. Voilà longtemps, nous avions décelé des airs de famille entre le cinéma de Hou et celui de Ozu. Dans ma critique de Un temps pour vivre, un temps pour mourir, je voyais l’influence d’Ozu dans cette tendance de HHH " à mettre les choses à plat, ce filmage frontal et ce goût du plan-séquence ". Je terminais mon article ainsi : " Il est clair que HHH n’a qu’un but, le plus ambitieux : faire entrer toute la vie dans un film." Réflexion à laquelle fait écho celle de Hou sur Ozu : " Il ne raconte pas de simples histoires familiales, son propos est plus ample. Ozu raconte le Japon tout entier…"[...]
Café Lumière donne à voir le réel avec une acuité aveuglante, tout en montrant une relative sérénité par rapport aux films précédents du cinéaste, dont le moteur était l’inquiétude. Trivialité de la vie de Yoko, cernée avec autant de maniaquerie que de poésie. On ne peut pas oublier un détail aussi gracieux que la manière dont elle drape son rideau au lieu de le tirer complètement. Mais on ne peut pas pour autant parler de vérisme. Sur ce plan, HHH est battu par une cinéaste coréenne, Gina Kim, dont le journal filmé a un sens de la banalité presque insoutenable. Avec Café Lumière, on voit simplement mieux. On voit le monde comme dans une loupe, plus profondément, plus intensément que dans n’importe quel autre film. Le plan récurrent d’immeubles et de voies superposées où se croisent différents trains un peu l’équivalent des plans de coupe paysagers chez Ozu possède une extraordinaire force expressive. C’est de l’hyperréalisme en 3D. Pour HHH, Café Lumière est sans doute une œuvre de transition, peut-être en raison même de cette limpidité extrême. Beaucoup de silences et de non-dits, certes, dans la famille de Yoko, mais pas de réelle zone d’ombre ni de manipulation. Le film décrit un entre-deux, un moment de latence chez les personnages. Yoko attend un enfant, elle ne sait pas encore ce qu’elle va faire. Repartir (à Taiwan) ou rester ? Son père remarié reste mutique ; son copain Hajime est un peu flasque. Hou Hsiao-hsien ne fait que passer au Japon, comme un usager des transports en commun. Et peut-on rêver d’un meilleur transport en commun au Japon que ce film, qui nous plonge dans la fascination du "vierge, du vivace et du bel aujourd’hui" ?
[Les Inrocks, 01 janvier 2004]
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