Dolls
Avec la participation de Stephanie Thuery, pianiste diplômée du Conservatoire de Grenoble,
qui nous parlera de la musique de Joe Hisaishi, compositeur attitré de Takeshi Kitano et Hayao Miyazaki.
LES AMANTS DU BOUT DU MONDE
Les plus beaux films sont souvent des miracles. La naïveté de Dolls serait confondante si elle n’était sublimée par la beauté des images. On se laisse submerger par l’émotion simple et poignante qui se dégage du destin des personnages. Toucher en plein cœur par des scènes d’une tendresse inouïe. Deux vieux amants se retrouvant sur un banc, trop émus pour déclarer leur flamme. Une jeune femme qui s’épuise à souffler dans un jouet pour enfant. Une larme qui coule enfin sur un visage longtemps fermé. Le geste désespéré d’un homme qui a consacré sa vie à une chimère. Tel un peintre, Takeshi Kitano se sert des couleurs de la nature et de ses nuances pour créer une infinité de sentiments et d'humeurs. Il compose des plans magnifiques qu’il étire jusqu’à l’hypnose et refuse tout sentimentalisme, en préférant la suggestion à l'artifice. Même la musique de Joe Hisaichi, insistante dans les films du cinéaste, se fait ici plus discrète. Par son absence, elle renforce le spleen diffus qui naît de ces trois histoires d’amour immortel. La dernière demi-heure confine à la magie. Vêtus d’amples costumes traditionnels recréés à l'occasion par Yohji Yamamoto, Matsumoto et Sawako terminent leur voyage, enfin apaisés. Le rideau peut alors se lever sur la portée symbolique du plus beau film de l’année.
Yannick Vély [http://www.filmdeculte.com/cinema/film/Dolls-530.html].
Takeshi Kitano, évoquant les deux amants reliés par leur corde rouge :
« Lorsque j'étais encore un aspirant comédien à Asakusa, j'ai vu un jour un homme et une femme attachés l'un à l'autre par une corde. Les habitants du quartier les appelaient 'les mendiants errants'. Il y avait beaucoup de rumeurs à leur sujet, mais personne ne savait vraiment comment ils étaient devenus vagabonds. La vision des mendiants errants est restée gravée dans ma mémoire et j'ai toujours voulu réaliser un film avec des personnages comme eux.»
Takeshi Kitano sur les costumes de Yohji Yamamoto :
« Aussi étrange que cela puisse paraître, j'ai laissé faire Yohji Yamamoto sans aucune concertation. Je lui ai laissé une totale liberté de création, un peu comme s'il créait son propre défilé dans le film. Lors de la première session d'essayage, Yohji nous a présenté les costumes de l'automne et ceux des mendiants errants. Miho, l'actrice principale, portait une robe rouge vraiment très loin des vêtements que portent les mendiants ! Quand je l'ai vu, j'ai failli tomber à la renverse. J'ai vraiment paniqué pendant un instant. Puis je me suis calmé et j'ai dit : 'Leurs costumes ne doivent pas nécessairement être réalistes puisque c'est l'histoire de marionnettes humaines'. Nous étions devant un phénomène inverse : normalement, les costumes s'adaptent au film. En fait, il est arrivé que nous ayons à changer de lieu de tournage pour mieux s'accorder aux costumes.»
Takeshi KItano sur les couleurs intenses du film :
« On m'a dit que mes films avaient tendance à avoir une teinte bleuâtre. Alors j'ai pensé que ça vaudrait le coup de réaliser un film avec une grande variété de couleurs, celles-là même que j'avais toujours évitée dans mes films précédents par peur de décevoir. Puisque le film devait se dérouler au Japon, il était évident pour moi que je devais néanmoins filmer les quatre saisons. Au printemps les cerisiers du Japon sont en fleur, en été la mer est très calme et lumineuse, en automne les feuilles sont très rouges et nous avons de la belle neige en hiver. Ces paysages sont peut-être un peu clichés, mais j'ai osé les filmer et en faire la ligne conductrice de Dolls.»
- Publié dans Partenariat Voyage au pays de Chihiro
- Écrit par Christophe
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