Man Hunt

Chasse à l'homme / Man Hunt

(Fritz Lang, USA - 1941)

Mercredi 29 janvier 2014 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

« Man Hunt n'est pas un film de propagande - le public n'aime pas la propagande 
mais des choses intelligentes - mais un film d'aventures sur un
arrière plan de nazisme, avec la Gestapo dans le rôle des chasseurs 
».

Fritz Lang, 11 juin 1941.

La présentation du film par Lotte H. Eisner
Lang voyait en Rogue Male l’occasion de réaliser un premier film antinazi, d’alerter le public américain encore indifférent contre les méthodes des Nazis et de l’appeler à prendre position. Trois autres de ses films devaient servir le même objectif, deux après Pearl Harbour et l’entrée en guerre des Etats-Unis : Hangmen Also Die et The Ministry of Fear, tous deux en 1943, et, après la fin de la guerre – conclusion et règlement de comptes à la fois – Cloak and Dagger, en 1946.
Une forêt, si authentique qu’il est difficile d’admettre qu’elle est reconstituée à la Fox par le décorateur Wiard Ihnen. La caméra panoramique lentement ; nous voyons « d’énormes traces de pas dans le sol humide » (comme l’indique déjà le script). Nous savons que Lang n’utilise le gros plan que motivé par l’action : c’est le cas ici, comme un peu plus tard celui de la main qui règle le fusil téléscopique.
Nichols ouvre le scénario sur une introduction dramatique, en pleine action : près de la résidence de Hitler à Berchtesgaden, le capitaine anglais Thorndike (Walter Pidgeon) observe sa proie dans le viseur téléescopique de son fusil : il fixe l’image du Führer au centre de la mire. Le chasseur expérimenté est parvenu à s’en approcher sans être découvert par les gardes nazis.
L’arme ne contient pas encore de balle lorsqu’il appuie sur la détente, en manière de test. Puis l’instinct du chasseur reprend le dessus : il charge une balle dans le canon. Veut-il véritablement tirer, ou simplement satisfaire son instinct et se prouver à lui-même qu’il a la liberté de le faire ? Ce n’est qu’à la fin du film que Thorndike connaîtra la réponse : il voulait libérer l’Europe du monstre.
Lotte H. Eisner, Fritz LangCahiers du cinéma – Cinémathèque française (1984), pp. 255-256].

L’analyse de Patrick Brion
La position de Thorndike et le fait qu'il n'ait pas, dès le début, tiré sur Hitler avec une arme chargée ont été l'objet de diverses questions. A Peter Bogdanovich qui lui demande ainsi : " Dans Man Hunt, est-ce que vous pensez que Pidgeon payait pour ne pas avoir tué Hitler quand il avait eu l'occasion, un peu comme l'Angleterre a raté l'occasion de le mettre hors d'état de nuire ? " Fritz Lang répond :
" C'est une très bonne question. Peut-être ai-je fait un lapsus freudien - je ne sais pas. Dans la scène, Hitler est juste au milieu du viseur ; Pidgeon tire, le fusil fait un clic mais il n'y a pas de détonation ; il n'y a pas de balle dans la culasse. Ensuite - et c'est une chose que j'avais complètement oubliée, mais j'ai revu le film, il y a peu, à la télévision - il ouvre la culasse et y met une balle. C'est alors qu'il se fait arrêter. J'avais complètement oublié cette scène. A vous de psychanalyser le metteur en scène..."
L'évolution de l'intrigue se déroule parallèlement à une prise de conscience de Thorndike qui comprend peu à peu le danger réel que représente Hitler et ses complices. Son propre pays, l'Angleterre, et sa propre ville, Londres, sont déjà envahis par des hommes sans uniformes. La révélation de la mort de Jerry, innocente et héroïque victime, pousse Thorndike à laisser éclater sa colère et sa haine d'Hitler.
Le chasseur du début est à la fin un soldat décidé à tuer. Le commentaire qui termine le film en apporte la preuve : " Et désormais, quelque part en Allemagne, se trouve un homme portant un fusil de longue portée, et doté de l'intelligence et de l'entraînement nécessaires pour s'en servir. Il faudra peut- être des jours, des mois ou même des années, mais cette fois il connaît exactement son  objectif ".
Deux ans plus tard, Lang racontera dans Les Bourreaux meurent aussi l'assassinat d'un des plus fidèles d'Hitler, Reinhard Heydrich.
Patrick Brion, Regards sur le cinéma américain 1932-1963, Editions de la Martinière (2001).

Dernière modification lemercredi, 29 janvier 2014 19:16

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