Le 06/06/2018 Calmos
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Mercredi 6 juin 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle "#balancetonfilm " (2/3)
Calmos
Bertrand BLIER (France, 1976 - 107 mn)
“Aujourd'hui, ce n'est pas qu'on ne peut plus être insolent, c'est qu'on ne veut plus.”
“ Pour moi, il n'y a plus de cinéma ”
(Bertrand Blier)
Misanthrope, irrévérencieux, férocement drôle : le réalisateur divise, encore et toujours. Mais ni le temps, ni les critiques n'altèrent son goût pour la provocation. Dans Le Bruit des glaçons, son dernier film, qui sort aujourd'hui, mots et conventions continuent de valser.
Dans la première pièce de Bertrand Blier, Les Côtelettes, Michel Bouquet s'introduisait chez Philippe Noiret avec cette réplique définitive : « Je viens pour vous faire chier. » C'est un peu la devise de Bertrand Blier, qui aligne, depuis cinquante ans, des films drôles ou tragiques qui ne plaisent pas à tout le monde. Parfois même à personne. Deux zozos qui sèment la terreur dans la France pompidolo-giscardienne (Les Valseuses). Un mec qui en séduit un autre pour finir avec lui sur le trottoir (Tenue de soirée). Un paumé grave essayant désespérément de faire sourire une femme qui se donne à des inconnus dans les trains (Notre histoire)... Le voilà sur deux fronts en cette rentrée. Au cinéma sort aujourd'hui Le Bruit des glaçons, la rencontre entre un écrivain alcoolique et son cancer. Au Théâtre Antoine, dès le 9 septembre, une bourgeoise accueillera chez elle une SDF dans Désolé pour la moquette...
Rencontre avec un cinéaste resté zen sous les compliments et les insultes...
[Propos recueillis par Pierre Murat, Télérama, 27 août 2010].
Dans votre deuxième film, Calmos, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle rembarrent une femme. « Vous pourriez être polis », leur dit-elle. Et Marielle de répondre : « Polis. En quel honneur ? » N'est-ce pas là une définition de votre cinéma ?
C'est mon côté « noir ». Mon côté Cioran : à quoi ça sert d'être poli ? A quoi ça sert de se lever de bonne humeur ? N'empêche, Calmosest la grosse connerie de ma vie. Le scénario était bon, mais je n'avais, pour le tourner, ni le fric, ni les acteurs.
Ils étaient pourtant très bien, Marielle et Rochefort...
Très. Mais tout ça manquait de vigueur, de folie. C'était un film « kubrickien », vous savez, avec tout un univers à construire, sauf qu'on n'avait pas les moyens de Kubrick. Et que je n'avais pas son talent. Mais le talent, on s'en arrange. L'argent, jamais...
Il y a, pourtant, une scène formidable dans Calmos : le festin auquel participent votre père, Bernard Blier, en curé rubicond, et Pierre Bertin en chanoine...
Là encore... Je voulais Gabin pour le chanoine. Le rôle était court, mais j'avais un bon contact avec lui. Un matin, à 11 heures, il semble d'accord et me dit : « Envoie-moi ton producteur, mais pas avant 15 heures, que je puisse becqueter ». Et à 15 heures, il dit à Christian Fechner : « Vous savez, que vous m'ayez deux jours ou trois mois, c'est le même prix !». Vu ce qu'il demandait, Fechner est évidemment tombé par terre...
C'est Calmos qui a fait votre réputation de misogyne forcené...
Non, non, tout a commencé avec Les Valseuses, en 1974. On était en plein MLF et il y a eu des manifestations devant les cinémas. Des banderoles... La cinéaste Chantal Akerman allait de salle en salle en apostrophant les futurs spectateurs : « N'allez pas voir cette merde, c'est une insulte envers les femmes.» Et, dans Le Figaro – Le Figarode l'époque, le vrai, le pur, le dur –, le professeur Debray-Ritzen demandait carrément l'interdiction du film. C'était extravagant... Je m'en fichais un peu, moi, car j'avais reçu l'aval de Buñuel. Je le rencontre, un jour, par hasard, et il me dit : « Ah, la scène de l'autorail... avec la femme qui donne le sein... c'est très érotique !» J'étais inondé de bonheur. [...]