Le 11/04/2017 Les larmes ameres de Petra von Kant
- Écrit par Krishna
- Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
- Publié dans Partenariat Festival Vues d'en Face
- Lu 8238 fois
- Imprimer
ATTENTION :
Mardi 11 avril 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble
En partenariat avec le Festival "Vues d'en face"
Les larmes amères de Petra von Kant
Die bitteren Tränen der Petra von Kant
(Rainer Werner Fassbinder, Allemagne - 1972)
" Annie - Est-ce qu'il ne s'arrête jamais ?
Lora - Il ne peut pas, Annie. S'il le faisait, il se rendrait compte combien il est triste."
Rainer Werner Fassbinder sur sa pièce
« Avec Les Larmes amères de Petra von Kant, je continue un travail autour du couple, du vivre à deux, commencé avec Parasites de Marius von Mayenburg et Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. Cette fois-ci, je m’intéresse à une passion dévorante entre deux femmes. C’est cela que je veux mettre en scène : une pièce sur les ravages d’une passion, et absolument pas une pièce sur l’homosexualité féminine. Dans cette pièce, un peu comme dans Roberto Zucco, les autres personnages sont des figures rassemblées autour de Petra : la meilleure amie, la mère, la fille... J’ai surtout travaillé jusqu’ici sur des personnages mythiques comme Electre ou Médée, je me suis peu confronté à des portraits féminins contemporains. Pour moi, même s’il n’y a rien de subversif dans cette histoire d’amour entre femmes, j’ai cependant très envie que les scènes de séduction et d’amour entre Petra et Karine soient traitées de manière charnelle et sensuelle voire presque carnassière.»
Le cinéma de Rainer Werner Fassbinder
Le cinéma de Fassbinder est une maison témoin, celle de la mauvaise conscience de l'Allemagne après-guerre [et qu'on pourrait appliquer à d'autres démocraties européennes en plein ronronnement post-soixante-huitard]. Volker Schlöndorff disait qu'il était le "moteur du nouveau cinéma allemand" d'après-guerre. Et voulant tout dire, tout répéter sur son pays, il allait vite, carburant à la vie, aux autres. Il bouffait tout, jusqu'à l'accident. La rage. Chez Fassbinder, tout est réversible : il parle des marginaux pour mieux faire la lumière sur un état général de la société - la RFA prise en flagrant délit de pacte faustien en guise de miracle économique. Il use de l'artifice le plus outrancier pour dire la vérité. "Pas d'utopie est une utopie", écrivait-il. Dans le même temps, il succombe de son plein gré au glamour hollywoodien, sous lumière germanique certes - Hanna Schygulla était sa face B, sa Marlène, lui qui se rêvait plus Marilyn qu'Orson Welles, look vers lequel il tendait de plus en plus. Sous une douce glace, les films de Fassbinder sont tour à tour lucides et attendris, politiques et triviaux, frontaux et distanciés, solitaires et familiaux. Beaucoup de choses seront répétées dans les lignes à venir - situations, noms, éthique de réalisation - mais le cinéaste a composé un univers propre, de variations sur une même cellule, où l'on prend plaisir à retrouver les mêmes têtes dans les mêmes rôles mais pas toujours, où un film est gigogne. On est bien à la maison, on y a chaud et froid.
Une présentation du film
Les larmes amères de Petra von Kant est le premier film de Fassbinder à avoir été distribué en France. C’est son treizième film, l’adaptation d’une pièce de théâtre qu’il a lui-même écrite et qu’il met en scène sans chercher à en masquer les origines. C’est un film vraiment étonnant venu d’un réalisateur âgé de 27 ans. D’abord par son contenu car les dialogues sont d’une rare profondeur, il suffit de voir avec quelle acuité Petra raconte à Karin l’épanouissement et le déclin de son ancien mariage ou l’évolution de leurs rapports au sein du couple. Il y a aussi une réflexion sur l’amour fou et la dépendance, sur l’admiration et la soumission, sur la possession et le manque. Fassbinder aurait puisé son inspiration dans sa propre vie, ayant lui aussi vécu une séparation douloureuse. Le film est aussi étonnant par la maitrise de la mise en scène, filmé sobrement dans un seul lieu avec quelques mouvements de camera très amples qui tournent autour des actrices comme pour nous en approcher. La structure du récit, quatre actes séparés par de grandes ellipses, met en relief l’évolution de la relation entre Petra et Karin. Le décor est un mélange de kitsch et de classicisme qui, avec les toilettes excentriques, apportent une touche de surréalisme et affirme le caractère atemporel du propos, propre aux grandes tragédies. Seule la fin est un peu faible. Les larmes amères de Petra von Kant est un film intense et riche qui porte l’empreinte du cinéaste. [films.blog.lemonde.fr]