Le 21/11/2018 Shara
- Écrit par Krishna
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Mercredi 21 novembre 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Au féminin " (3/4)
SHARA / SHARASOJYU
(Naomi KAWASE - Japon - 2000 - 100 min)
" Ce qui ici est grand, stupéfiant, presque irréel de délicatesse et de subtilité,
c’est la façon dont Kawase s’approprie ces motifs [disparition, deuil, renaissance] en cinéaste visitée par la grâce."
Serge Kaganski (Les Inrocks, 12 mars 2010).
LAISSÉE INACHEVÉE AU JAPON [Note de la Cinémathque française]
Il s’est passé quinze ans exactement depuis que Naomi Kawase a remporté la caméra d’or à Cannes en 1997 pour Moe no suzaku. Elle est depuis la cinéaste japonaise de sa génération la mieux identifiée sur la scène internationale, où ses sept long-métrages ont chacun été sélectionnés dans les principaux festivals internationaux. (...) Sa filmographie s’écrit en parallèle sur deux lignes.
• La première avance en pleine lumière : ce sont ses fictions tournées en 35 mm.
• La seconde est volontairement confidentielle (au sens plein du terme : elle y fait confidence). Il s’agit d’une dense collection de films en 16 mm, vidéos et super 8 qu’il est pratique de ranger sous la bannière « documentaires expérimentaux » – du moment que cette bannière est ravie de contenir tout à la fois des documentaires rejoués voire truqués, des fictions prises de vertiges, des journaux intimes, des essais filmés, des poèmes visuels, des témoignages.(...)
La forêt n’est pas pour rien l’espace privilégié de son monde : dangereuse et organique, bois de sortilèges anciens, forêt gardienne d’une mémoire qui pourrait, un jour ou l’autre, se venger de notre modernité oublieuse en nous jouant des tours.(...)
Qu’est devenu, par exemple, l’enfant de Shara, qui a disparu au terme de la première séquence : « les dieux l’ont sans doute pris », dit le film. Personne pour s’en étonner. Sans doute aussi parce qu’il y a chez Kawase une façon unique de faire tenir un récit, qui accepte aussi bien la spéculation, la fable, le laissé inexpliqué, les incertitudes, voire la mythomanie (une autre façon de défier les dieux).
Shara en 2003 est l’épitomé du style kawasien : tourné une fois encore à Nara, il mêle le surnaturel et l’écologie, les séquences jouent au chat et à la souris avec le sens, laissent entrevoir un monde bipolaire, traversé de questions cruciales et de rumeurs (ta mère n’est pas ta mère, ton frère est-il bien mort ?) jusqu’à s’abandonner au vertige d’une danse de rue où les danseurs dans leur chorégraphie s’appliquent à ce que leurs mouvements ne suivent surtout pas le rythme de la musique. « Shara est lui-même « un film désynchronisé : si cotonneux et planant dans sa forme, si violent et ferme dans le fond », écrit Gérard Lefort dans Libération. Ce sens du grand écart, Kawase ne cesse, depuis, de le creuser.