The assassination of Richard Nixon
- Écrit par Christophe
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Certains films laissent une empreinte. Sorte de trace indélébile dans le coeur, marquant à tout jamais l'idée que l'on peut se faire du cinéma. "The Assassination of Richard Nixon" est de ceux là. Un film étrange, fascinant d'inquiètude, de mystère, à la fois cruel, sordide, sombre et mélancolique. Mais dans lequel subsiste un espoir. Celui d'un homme qui veut refaire la société. Un homme qui rêve d'un monde meilleur, sans mensonge, sans amertume. Cet homme, c'est Sam Bicke.
Rapidement, le film étonne. Il surprend par sa mise en scène, discrète, légère, doublée d'une grande douceur. Un rythme assez lent, et un calme apparent des plus inquiétants. Le film de Niels Mueller carresse le spectateur, d'une drôle d'impression. A mi chemin entre un drame psychologique, toujours en retenue, et un film plus direct, inspiré d'une histoire vraie. Mais là ou le film prend une tournure intéressante, c'est justement dans le parti pris formel du cinéaste, d'utiliser en permanence, une sorte de distance entre l'action et la pensée du personnage. Effectivement, Sam Bicke, est un homme troublé, et troublant. Vendeur à la gomme dans une boutique de meubles. Peu rassurant, peu sûr de lui, il éprouve des difficultés à renouer avec un passé plus glorieux. Sorte d'homme perdu dans un présent sans véritable avenir, il vit de son job et semble s'en satisfaire. Du moins, en apparence.
Le cinéaste parvient avec beaucoup de classe, et une grande sobriété, à installer un climat d'opression constante. Il vole au dessus de Sam Bicke, le doute. L'identité bafouée d'un homme qui rêve d'une autre vie. Va naître alors en lui, l'idée morbide qui changera sa vie à jamais. Tuer le mensonge, effacer l'homme à la toute puissance d'une société qui dérape. Le président Richard Nixon, alors plongé dans le scandale du Watergate.
Le cinéaste confond presque les époques, et il plane au dessus de sa première oeuvre, présentée en 2004 dans la section parallèle du festival de Cannes "Un certain regard", une étonnante sensation d'insécurité post-11 septembre. Comme une manière d'apporter de la modernité, à une forme de classicisme.
Le jeu tout en nuance de Sean Penn, apporte sans doute, sa pierre à l'édifice. Magnifique de naturel, de classe, de subtilité. L'acteur déroule son jeu sans en faire de trop. Toujours en parfaite osmose avec la ligne directrice d'un metteur en scène prometteur.
Le film s'inscrit dans un genre particulier. A la croisée d'un cinéma indépendant américain, plein de promesse, recherchant l'audace et la créativité, et d'un cinéma grand public, tourné de manière à toucher, interpeller le spectateur, d'une manière plus subtile et réfléchie que la plupart des oeuvres dites de "genre". En somme, un cinéma commercial intellectuel. Une histoire vraie sans mélo, qui n'esquisse ni larmes forcées, ni émotion perverse. Toujours juste, sobre et simpliste, "The Assassination of Richard Nixon" marque le retour du cinéma public, à l'échelle du microcosme. Ni voyeuriste, ni extravagant.
C'est surtout, une remarquable ascension vers la folie. Une lente chute aux enfers, provoquée par la quotidienneté d'une vie. Société du mensonge, dirigée par les hautes instances. Des hommes de paroles, plus que de terrain, qui balayent d'un coup de main, l'opinion publique.
A base de discours télévisés, de débats, de meeting, les politiques attaquent la réflexion. Ils privent le citoyen de sa liberté de penser, ou d'agir comme il lui semble. Le regard de la société est détourné, noyé dans les paroles et les promesses d'une vie meilleure. Sam Bicke, derrière son visage marqué par l'incertitude, a compris depuis longtemps déjà, l'enjeu de sa démarche. De sa propre réflexion personnelle. Mettre fin à l'image de la politique sécurisante, pour montrer la face cachée des mensonges.
Dans son dernier quart d'heure, le film se réveille d'une étonnante façon. Après l'apparente décontraction du personnage, arrive le moment de mettre à execution, son plan morbide. Et la retenue du film, pendant plus d'une heure, laisse place à la sauvagerie. Non moins psychologique, que réellement physique, on y voit l'homme incertain, pris d'une étonnante certitude. Une grande confiance, sourire aux lèvres, dernier rampart de son chemin de traverse. Dernière étape de sa réflexion.
La folie de Bicke, ressemble à celle incarnée il y'a plusieurs années par De Niro dans "Taxi Driver". La ressemblance est quasi frappante. Le cinéaste lui, en revanche ne ressemble en rien à Scorsese. Plus contemplatif, son film n'a d'action que dix minutes. Le reste n'est que le parcours observateur d'un monde plus intelligent que la société elle même.
Lente descente aux enfers, chemin psychologique emprunté par un homme, défendant une cause qui lui semble juste. "The Assassination of Richard Nixon" est en fait l'inverse de son titre. C'est l'assassinat psychologique d'un homme qui rêve de mourir en effaçant le mensonge d'une société en plein déclin. Ce n'est pas la mort de l'homme qui lui semble primordiale, mais celle de la tourmente, et de l'aveuglement collectif.
Un film distancié, habile, juste.
[http://actee.canalblog.com/archives/2007/04/29/4775572.html]
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