Trois Femmes
- Écrit par Krishna
- Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
- Publié dans Altman
- Lu 8551 fois
- Imprimer
- Media
Mercredi 23 mars 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Robert Altman " (2/3)
Trois femmes / 3 Women
Robert Altman (Etats-Unis - 1977)
Festival de Cannes 1977 : Prix d'interprétation féminine à Shelley Duvall
« Le rêve est un théâtre où le rêveur est à la fois scène, acteur,
souffleur, régisseur, auteur, public et critique. » (Carl Gustav Jung)
La présentation de Jean-Pierre Coursodon et Bertand Tavernier
Une parabole introspective où Robert Altman met à nu chez trois femmes des mécanismes d'autodéfense - mythomanie, hystérie, refoulement - et leurs causes. Une attention respectueuse, que le format Scope - magistralement utilisé - entraîne au-delà du naturalisme et du regard clinique. L'osmose entre Millie et Pinky (Shelley Duvall et Sissy Spacek), cette dernière finissant par s'identifier totalement à son idole et à la supplanter, est un des éléments les plus fascinants de ce film d'une richesse thématique et visuelle étonnante. Une fin déroutante.
Ainsi, Three Women poursuit les recherches et les expériences de Images, en les épurant, en gommant tout le côté thriller psychanalytique. Un utilisation admirable du Scope renforce paradoxalement l'intériorité de la mise en scène (les gros plans y prennent une force étonnante), met à nu les sentiments sans jamais sacrifier un décor qui, au contraire, les révèle et les exacerbe. Décor dans lequel les personnages semblent littéralement englués: les deux piscines, celle du début, véritable antichambre de la mort, et celle que peint Janice Rule - où Sissy Spacek tentera de se tuer -, l'appartement de Shelley Duvall (qui compose un déchirant personnage de mythomane). Le Scope donne une ampleur à cette introspection intimiste, cette exploration des fantasmes (qui recoupe jusque dans le travail sur la couleur, en l'occurence le jaune, la thématique hitchcockienne du transfert et du double), plus proche de la symbolique poétique d'un Bergman ou d'un Ferreri deuxièe manière que du cinéma psychanalytique hollywoodien.
[50 ans de Cinéma américain, Nathan, 1995, p. 277].
L'oeuf absolu
Tout au long de cet itinéraire labyrinthique, Altman poursuit trois études de femmes. Millie, la jolie bavarde, totalement idiote parce que totalement décervelée par les magazines, la publicité, les mass media, tout ça pense pour elle, et elle, la pauvre chérie, parle comme tout ça; Pinky, désarmante à force d'être désarmée mais portant en elle une redoutable garce; Willie, enceinte jusqu'aux dents, écrasée, bafouée, trompée, exploitée par un mari pseudo-cowboy spécialiste en cascades pour feuilletons de télévison, Willie s'enferme dans un silence quasi somnambulique. Le thème des jumelles charpente l'évolution des rapports entre Millie et Pinky, toutes deux en fait prénommées Mildred: Pinky s'attache à Millie, par un élan filial et saphique, jusqu'au désir d'identification complète - non seulement avoir Millie pour soi mais être comme Millie, être Millie, ne faire plus qu'un avec elle. Le thème de la femme-ventre, c'est Willie la silencieuse qui le fait vivre jusqu'au point de non-retour où, le trois femmes ne faisant qu'une, Willie devient la mère "rêvée" de Millie et de Pinky. [...]
Mais cette "virilité", au bout de compte victime de ses rêves de confort à gadgets compensé par une vie sauvage pour western en carton-pâte, n'est-ce pas la "civilisation" à l'américaine qui en est fondamentalement responsable? Et voici que l'Altman d' "Images" et de "Trois femmes" renoue avec l'Altman de "Nasville" et de "Buffalo Bill et les Indiens".
Jean-Louis Bory, Le Nouvel Observateur.
Informations supplémentaires
- Référence: Imdb