Le 7/02/2017 Les migrants ne savent pas nager
- Écrit par Krishna
- Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
- Publié dans Partenariat SOS Mediterranee
- Lu 10768 fois
- Imprimer
- Media
Mardi 7 février 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble
En partenariat avec " SOS Méditerranée "
Les migrants ne savent pas nager
(Jean-Pierre Mari et Franck Dhelens, France - 2016)
« Vous savez ce que sont les limbes ?
Les limbes ne sont pas exactement l'Enfer...
C'est un endroit aux marges de l'Enfer. »
Le 8 juin 2016, l'ONU annonce que plus de 10 000 migrants sont morts en Méditerranée depuis 2014.
Sur l’Aquarius, Jean Paul Mari est parti comme volontaire pour secourir les naufragés qui se noient par milliers au large des côtes libyennes. Il a rejoint SOS Méditerranée, une association de bénévoles qui n’ont qu’un objectif : sauver le plus possible de vies dans cette portion de mer où les réfugiés se noient par milliers. Les migrants ne savent pas nager… Et quand ils grimpent sur l’Aquarius en abandonnant leurs embarcations de fortune sur le point de couler, ils sont à bout, exténués après des mois de marche dans le désert, de rétention dans des camps où ils ont été détenus en otages et parfois réduits à l’esclavage. À ce moment précis, ils n’ont plus rien d’humain. Durant cet instant suspendu à bord de l’Aquarius, ils recouvrent enfin une parcelle d’humanité. C’est cet instant que Jean Paul Mari a saisi, celui de la rencontre entre ces miraculés revenus de l’enfer et une poignée de bénévoles qui ont mis leur vie entre parenthèses pour sauver celle des autres.
En Libye on nous traite comme des esclaves [in sosmediterranee.fr]
Y., ivoirien, 26 ans, raconte les épreuves qu'il a traversées en Libye avant d'être poussé en mer à bord d'un canot pneumatique, et d'être secouru en mer par l'Aquarius le 13 janvier dernier [2016].
« Je me suis parti seul, je suis passé par le Burkina, la Côte d’Ivoire le Niger et puis la Libye pour arriver à Al Qatrun la première ville libyenne dans le désert. J’ai passé deux semaines pratiquement sans manger et sans boire. J’étais là-bas, sans aucun papiers, sans aucun document de valeur, traité comme une marchandise » raconte Y. Il explique qu’il s’est ensuite retrouvé dans un camp, où il n’avait droit qu’à « une cuillérée de nourriture et un pain par jour et rien jusqu’au lendemain». Il raconte que le 3 décembre il y a eu une révolte autour de la prison où il se trouvait, sans savoir exactement expliquer où elle se trouvait. « Vous savez, ça ne va pas très bien entre les libyens. Ils se disputent le business ».
« Ce jour là, certains ont commencé à pousser la porte et 15 à 20 personnes se sont échappées. Les autres ont été tuées. En tout une quarantaine de personnes sont mortes ». Il se souvient avoir vu certains de ses compagnons tomber sous les balles. « J’ai réussi à m’en sortir et j’ai été aidé par un noir du Niger. Il m’a récupéré et il m’a donné à manger. Il m’a mis en contact avec d’autres personnes et je suis parti pour Bani Walid. Pour 100 dinars, on m’a fourré dans un 4x4. Arrivé à Bani Walid, je ne pouvais plus retourner en arrière ». Celui qui l’a « aidé » devient alors son « tuteur », explique Y. « J’étais obligé de travailler pour lui. Faire n’importe quel travail : laver la maison, la voiture, tondre le gazon, aller aux champs. Je n’ai jamais été payé. Tout ce qu’on m’a donné c’est une cuillérée de nourriture ».
« En Libye, on nous traite comme des esclaves » explique Y. « On nous fait faire des travaux que des machines peuvent faire, tout ça pour une cuillérée de nourriture par jour. J’ai des traces dans le dos. J’ai été frappé. On me mettait un truc électrique sur la cuisse chaque matin. Et puis j’ai eu une fracture, je suis tombé, j’ai perdu connaissance. Mais il fallait que je retourne travailler. Ils ne nous payent jamais pour le travail que nous faisons, ils nous frappent. C’est pour tout le monde pareil. Et tu ne peux pas t’échapper. Il y a des enfants de dix ans, de douze ans avec des armes, ils nous chassent, ils disent « ici c’est chez nous » et ils n’hésitent pas à tirer » poursuit le jeune homme, d’un ton détaché.