Krishna

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Les Évadés de la nuit

Cycle " Vive la liberté "

Les Evadés de la nuit (Era notte a Roma)

(Roberto Rossellini, France - Italie, 1960)

Mercredi 28 mai 2014 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

En Italie, fin 1943, une jeune femme qui vit du marché noir cache dans son grenier trois soldats alliés - un Américain, un Anglais, un Russe - évadés d'un camp de prisonniers. Seize ans après Rome, ville ouverte, le chef-d'oeuvre fondateur du néoréalisme, Roberto Rossellini rendait à nouveau hommage aux résistants avec ce film méconnu, et rarement diffusé. On retrouve dans Les Evadés de la nuit un éloge sincère du courage des gens de peu (sympathisants communistes et prêtres unis dans le même combat) et une ­figure féminine émouvante dont la prise de conscience citoyenne prend l'allure d'une quête spirituelle. A la dimension tragique de la dernière heure, on peut toutefois préférer le ton plus ­léger, voire buissonnier, de la première partie, qui chronique avec un humour inattendu la cohabitation entre la belle Esperia, son fiancé Renato et leurs trois invités aussi encombrants qu'incompréhensibles...
Samuel Douhaire [Télérama, 26 septembre 2009].

Le cinéma de Roberto Rossellini
" Il y a d'une part, le cinéma italien, de l'autre Roberto Rossellini ", écrivait naguère Jacques Rivette, pour bien marquer à quel point l'auteur de Voyage en Italie doit être distingué des autres cinéastes de son pays, situé en marge de l'école néoréaliste dont il fut pourtant l'un des pionniers. L'important, dit en substance Rossellini dans ses films, n'est pas d'être prêtre, soldat, homme du monde ou mendiant, ni certes d'avoir bonne ou mauvaise conscience de l'être, mais d'assumer sa condition, et son comportement envers autrui, avec le maximum de générosité et de dignité ; là est la liberté, et là seulement. L'important, ce n'est peut-être pas la force de l'homme, mais plutôt sa faiblesse, les risques d'échec qu'il encourt et parvient à surmonter par ce qu'il faut bien appeler un sursaut d'héroïsme. Toute l'attention du cinéaste doit aller à capter ce moment-là, le moment où l'homme doute et se relève. [...]
En outre, Rossellini a toujours proscrit les idées générales, le « message », la thématique préalable à la mise en chantier de l'œuvre. « Il faut connaître les choses, dit-il, en dehors de toute idéologie. Toute idéologie est un prisme ». Pour lui, le cinéma ne doit être en aucun cas une affaire d'idées, mais d'abord une affaire de sentiments. Tous les sujets de ses films, de ce point de vue, se ressemblent : ils ne tendent qu'à l'affirmation patiente, têtue, de la dignité de l'homme ou de la femme par-delà la méchanceté, l'envie, la jalousie, la peur. La trajectoire esthétique épouse ici le difficile chemin qui conduit l'être vivant à l'affirmation juste et haute de soi, au-delà de tout ce qui peut l'asservir, l'humilier. En un mot, l'œuvre de Rossellini témoigne d'un sursaut désespéré de défense de l'individu. [...]
Claude BEYLIE.

 

 

Le Trou

Cycle " Vive la liberté "

Le Trou

(Jacques Becker, France - Italie, 1960)

Mercredi 21 mai 2014 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

Dépouillement et suspens intense : un très grand film.
Un jeune homme accusé de tentative d’homicide sur la personne de son épouse est incarcéré à la prison de la Santé. Il est conduit dans une cellule déjà occupée par quatre détenus. Ces derniers lui révèlent bientôt qu’ils creusent un tunnel qui doit les conduire hors des murs de la prison, en empruntant les égouts. Dernier film de Jacques Becker, terminé deux semaines avant sa mort, Le Trou est une œuvre à part dans sa carrière et dans le cinéma français. Dans ce récit définitif d’amitié et de quête de la liberté, Becker rejoint Hawks (c’est un film d’hommes, soudés par la même obsession mais aussi la camaraderie), Bresson (pour son style épuré et son fétichisme) et Buñuel (l’hyperréalisme quasi-documentaire du film débouche à de nombreuses reprises sur de pures images poétiques). Le Trou est basé sur une histoire vraie, interprété par des comédiens néophytes choisis dans un souci d’authenticité. Certains feront carrière, comme Michel Constantin et Philippe Leroy, tandis que l’un d’entre eux, Jean Keraudy, est un ex-taulard qui participa à la véritable tentative d’évasion que relate le film. Un chef-d’œuvre inaltérable, stupéfiant de modernité et d’intensité dramatique.
Olivier Père [Les Inrocks, 08 août 2006].

 

La Leçon de piano

Pour fêter l'Ouverture du Festival de Cannes 2014

La Leçon de piano 

(The Piano, Jane Campion, Australie, Nouvelle Zélande, France - 1993)

Mercredi 14 mai 2014 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

« J’ai mis sous microscope l’embryon du désir, de la curiosité et de l’érotisme,
puis j’ai observé ces trois éléments se transformer en amour. »
Jane Campion.

Thierry Frémaux :
« Elle me fait penser aux grands écrivains femmes qui, dans une certaine solitude et dans une grande singularité, ont mené une œuvre très personnelle qui s'est adressée d'emblée au monde entier. Le type de films que fait Jane Campion et a fortiori La Leçon de pianosont des choses dont on n'a pas revu l'équivalent. C'est pour cela qu'il s'agit d'un auteur au sens large du terme, une artiste ».

Gilles Jacob :
« 
Il était une fois une jeune réalisatrice inconnue venue des antipodes qui aurait été fière que le Festival de Cannes présentât un des trois courts-métrages qu’elle venait d’achever. Ils affirmaient déjà une telle vaillance, une telle humanité, un tel univers que se refusant de choisir, le Festival montra les trois d’un coup – car c’en était un. Jane Campion était née. Et un style avec elle. Ensuite ce furent Sweetie, La Leçon de piano ou récemment Bright Star, ce merveilleux film où la poésie circule comme jamais. Etonnez-vous après tant d’émotions que je l’appelle ma Lady Jane. »

Jane Campion Présidente du Festival de Cannes 2014
La réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion présidera le jury du 67e Festival de Cannes qui se déroulera du 14 au 25 mai 2014. La cinéaste succède au producteur et réalisateur américain Steven Spielberg.
Jane Campion représente un cas unique dans l'histoire du Festival de Cannes. Elle seule a obtenu deux Palmes d'or : la première en 1986 pour son court-métrage Peel, alors qu'elle était inconnue, et la seconde en 1993 pour La Leçon de piano. Jane Campion sera la première femme réalisatrice à présider le jury d'un Festival souvent critiqué pour intégrer très peu de femmes dans son jury ou sa sélection, et le cas échéant, des actrices et presque jamais des réalisatrices.

Découverte de la séduction, de l’amour et de la jalousie dans le bush néo-zélandais. Une nouvelle splendeur de Jane Campion
La leçon de piano est un grand film romantique, plein de bruit et de fureur, de passions et de larmes, de sang et de boue. C'est un film charnel sur les hommes et les femmes du XIXè siècle qui se débattent avec la culture qu'on leur a inculquée et leurs pulsions naturelles. A la sagesse des Indiens Maoris répond la trouble permanent des colons, privés de leurs racines. Tous les films de Jane Campion parlent de la douleur de vivre, de la difficulté des rapports humains, de la frontière ténue entre l'anormalité et la normalité, du vertige qui vous prend soudain de plonger dans la mort. [...]
Jane Campion reconcilie les contraires: le baroque et la modernité, la violence et la tendresse, la noirceur et l'optimisme. A travers ce portrait de femme qui tient littéralement sa vie entre ses mains, elle nous entraîne au coeur de l'être humain, comme une entomologiste qui serait aussi une lyrique, comme une romantique qui serait un peu psychanalyste.
Isabelle Danel, Télérama, n° 2262 (19 mai 1993).

Présentation du film sur la Chaîne ARTE
À la fois substitut de son corps et écho de sa voix intime, le piano exprime directement la révolte d’Ada, condamnée au silence dans un monde de colons blancs à la morale puritaine. C’est grâce à la musique – et grâce à son éveil à la sensualité – qu’elle sort de son mutisme. Le désir devient le chemin de l’harmonie – et vice versa –, comme le montre la scène où Baines (formidable Harvey Keitel !) découvre chaque grain de la peau d’Ada à partir d’un trou dans l’étoffe, où les caresses courent sur les corps comme les doigts sur un piano. [...] Le climat onirique, romantique et sensuel de ce film envoûte le spectateur et fait basculer le cinéma de Jane Campion (Sweetie, Un ange à ma table) vers un genre plus grand public, sans pour autant le déparer de son émotion et de son empathie.

Naissance des pieuvres

Naissance des pieuvres

(Céline Sciamma, France - 2007)

Mercredi 23 avril 2014 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

Voici deux films réalisés par des réalisatrices débutantes, Céline Sciamma et Mia Hansen-Love, toutes deux couronnées par le prix Louis Delluc du premier film. La relève du cinéma français sera-t-elle plutôt féminine ?
A la dernière cérémonie des César, le cinéma français fêtait les 60 ans de carrière de Jeanne Moreau. Un hommage auquel la doyenne répondit par un cadeau, conviant sur scène la pas encore trentenaire Céline Sciamma et les actrices adolescentes de Naissance des pieuvres pour leur offrir son césar d'honneur. Un passage de relais entre l'ancienne et la nouvelle génération, et une jolie manière d'affirmer que le futur du cinéma français s'écrira aussi au féminin. Une autre réalisatrice débutante aurait tout aussi bien pu être appelée sur scène ce soir-là : Mia Hansen-Love, colauréate, avec Céline Sciamma, du prix Louis-Delluc du premier film pour Tout est pardonné.
Les deux réalisatrices, comme leurs films, n'ont guère en commun que leur jeunesse. Céline Sciamma, 29 ans, est issue de la section scénario de la Femis alors que Mia Hansen-Love, 26 ans, revendique son statut d'autodidacte « " formée " par la critique aux Cahiers du cinéma. D'un point de vue formel, Naissance des pieuvres est le plus impressionnant. La mise en scène tirée au cordeau de Céline Sciamma restitue l'ambiance moite et ouatée d'une piscine, jolie métaphore du monde clos de l'adolescence où nagent (ou, plutôt, rament) trois filles de 15 ans confrontées à la découverte de la sexualité. Mais l'émotion est plus forte encore dans Tout est pardonné, moins maîtrisé et plus libre. Par le récit sur douze années d'une relation magnifique entre un père mal dans sa vie (Paul Blain, magnétique) et sa fille (la révélation Constance Rousseau), Mia Hansen-Love se place dans la tradition romanesque de Truffaut, avec un style et une direction d'acteurs qui rappellent le cinéma à fleur de peau d'Eustache. Après ces brillantes premières fois, on ne peut que souhaiter aux deux jeunes cinéastes de rester fidèle à l'injonction du poète Joseph von Eichendorff, cité dans les derniers instants de Tout est pardonné : « Prends garde, reste alerte et plein d'entrain ! »
Samuel Douhaire, Télérama, n° 3039 (12 avril 2008).

Un premier film très réussi sur la sidération des premiers émois sexuels teenage.
On ne peut pas dire que les eaux dans lesquelles naissent ces pieuvres soient les moins fréquentées du jeune cinéma d’auteur. Il y a même un lien organique, et assez typiquement français (sous les auspices Vigo/Truffaut), entre deux types de première fois : la réalisation d’un premier long métrage et le passage de l’enfance à l’âge adulte. Dans ce cadre ainsi familier de jeune cinéma et cinéma de jeunes, Naissance des pieuvres a donc un certain mérite à s’aménager un petit territoire à soi, à tracer ses propres chemins de traverse et affirmer au final moins de ressemblances et plus de singularité.[...]
Céline Sciamma a indéniablement un regard, un univers, un ton. Et aussi, déjà, beaucoup de maîtrise, du cadre, du rythme, de la direction d’acteurs. Cette discipline sent encore un peu l’angoisse du débutant soucieux du plus grand contrôle. Le film est logique, tenu, très bouclé. Méthodiquement, il décline les fluides (bains, douches, taches de sang, crachats – d’eau puis de salive). Il rétrécit l’univers au caisson d’obsessions de ses personnages (pas de parents, pas de lycée, aucune extériorité à leur problématique). Au-delà de la cohérence, de l’homogénéité (qui pourrait être une limite), le film touche à une forme d’entêtement fébrile qui le fait exister très fortement.
Jean-
Marc Lalanne, Les Inrocks (14 août 2007).

 

 

Les Aventures de Robinson Crusoé

Les aventures de Robinson Crusoé

(Robinson Crusoe, Luis Bunuel, Mexique - 1954)

Mercredi 16 avril 2014 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

Longtemps négligé parmi les films « mexicains » de Buñuel, son adaptation du roman de Daniel Defoe ne se limite pas, loin de là, à « un bel hommage cinématographique à l’athéisme » comme on l’a écrit parfois. Cettte confrontation de l’homme à la nature (comme le sera Simon du désert), puis de l’homme à l’homme (au sous-homme dans l’esprit de Robinson, en passant par la relation homme-animal – voir le Luis Buñuel de Charles Tesson, Ed. Cahiers du cinéma, p. 213-214) est un cas unique de relecture totale d’un classique de l’humanisme naïvement colonialiste sous le regard perçant d’un esprit plus lucide que provocateur. Malgré un Pathécolor aux effets discutables (et en tout cas dénaturalisant), Les Aventures de Robinson Crusoé est un grand Buñuel méconnu.
Cahiers du cinéma, n° 497 (Décembre 1995), p. 17.

Le génie de Buñuel, manifestement assisté du blacklisté Hugo Butler pour le scénario, transparait toutefois. Il y a d’abord une ironie constante à l’égard de ce personnage de bourgeois qui se plait à établir une civilisation dans la nature, d’un oisif qui découvre soudainement qu’il aime construire, pêcher, etc, toutes sortes d’expériences qui lui étaient jusqu’alors inconnues. De plus, le film se plait à souligner la facilité avec laquelle Robinson fait de Vendredi son valet, qu’il perçoit d’emblée comme inférieur. On sent enfin que le cinéaste s’amuse de cet homme ridicule qui persiste à croire en l’espoir d’être secouru et l’exprime à travers force bondieuseries. Les touches d’humour abondent: Robinson se balade avec une ombrelle de peaux, parle avec des fourmis ou dialogue avec l’écho de sa voix dans la vallée ; affamé, Robinson casse un œuf puis le « referme », s’apercevant qu’il est occupé par un poussin ; et, dans une scène de délire, Robinson rêve qu’il discute avec son père, caricature réactionnaire.
Le Robinson Crusoéde Buñuel surprend de son auteur par le paradoxe de sa sagesse évidente et de sa discrète subversion.
[http://labruttin.blogspot.fr/2012/07/robinson-crusoe-les-aventures-de.html]

 

 

Les Hauts de hurlevent

Les hauts de hurlevent 

(Abismos de pasion, Luis Bunuel, Mexique - 1954)

Mercredi 9 avril 2014 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

« Avant tout, on a voulu respecter l'esprit du roman. Les personnages sont esclaves de leurs instincts.
Pour eux les convenances sociales n'existent pas. L'amour d'Alejandro
est un sentiment féroce et inhumain et ne pourra se réaliser que dans la mort

Luis 
Buñuel.

" Le film est à conseiller aux buñueliens inconditionnels, ils retrouveront quelques images du maître : papillons épinglés, cochons saignés et araignées, quelques personnages aussi (…). Il ne faudrait pas croire qu’il s’agit là simplement d’un film de commande : Buñuel travailla dès 1932 à une adaptation du roman d’Emily Brontë. Ce film est donc beaucoup plus buñuelien que certaines grosses productions comme La mort en ce jardin".
Michel Polac, [Art, 19 juin 1963].

Abismos de pasion de Luis Bunuel (1953).
En espagnol, les Hauts de Hurlevent se dit Cumbres borrascosas et si Luis Buñuel avait voulu en faire l'adaptation littérale, il l'aurait sans doute appelé ainsi. S'il a pourtant choisi de le baptiser Abismos de pasion, c'est sans doute pour des raisons qui ne tiennent pas qu'au contexte commercial du Mexique des années cinquante: il va de soi que dans cette affaire comme en toutes choses, Don Luis Buñuel est un créateur souverain. On ne s'étonnera donc pas d'un carton prégénérique qui dit à peu près: « Nous nous sommes avant tout attachés dans ce film à respecter l'esprit de l'oeuvre immortelle d'Emily Brontë», convention qui va surtout permettre au cinéaste de faire exactement ce qu'il veut d'une trame universelle. Mais qu'a-t-il voulu en faire, au juste?
On pourrait dire: un concentré, une essence. Abismos de pasion est en effet un film à la rapidité extraordinaire. Un film qui démarre au canon et nous plonge d'emblée au coeur du problème. Lorsque s'ouvre la première scène, Catarina, déjà mariée à Eduardo, apprend le retour d'Alejandro-Heathcliff après des années de disparition: « Pour lui, je vendrais mon âme », prévient-elle illico. Dès lors, les scènes vont s'emboîter au pas de charge, dans un incessant crescendo de passion morbide, de violence et de cruauté, au rythme de dialogues excessifs et fous, qui évoquent autant le premier degré d'un roman de gare outrancier que le second d'une fable à l'ironie méchante. Dans Abismos de pasion, les haines sont irrévocables, les amours irréversibles, les caractères absolus, les visages transfigurés, les sentences définitives. Cette exacerbation du moindre élément dramatique a pour effet d'enchaîner le spectateur à l'avant d'une locomotive échevelée et de lui faire traverser dans cet état de stupéfaction un théâtre tout à fait dément, où les effluves de l'alcool se mêlent à celles d'une fièvre mortelle. Un théâtre où chaque personnage joue son destin à chaque réplique, où les enfants sont roués de coups, les animaux massacrés et les domestiques sempiternellement humiliés. Pour mieux souligner encore la folie abstraite de cette histoire insoutenable, Buñuel ne la situe jamais: le décor est un huis clos, une latifundia magnifique perdue on ne sait où, probablement au pays du cinéma, un cinéma pseudo-hollywoodien auquel Buñuel semble s'amuser à donner le change.
Souvent, la construction dramatique se ressent de ce rythme tachicardiaque, mais le film y gagne une manière de filer droit au but, qui laisse pantois, surtout lorsque l'on sait qu'en 1952-1953, l'insolent cinéaste réalisa cinq films, dont El et Robinson Crusoé !
D'un casting qui lui fut imposé, Buñuel n'a pu transcender que l'héroïne, Lilia Prado, danseuse de rumba plutôt décalée mais excellente de morgue dominatrice, qui, seule, se sort avantageusement de son rôle, laissant loin derrière les très mauvais Jorge Mistral et Ernesto Alonso. C'est sans doute pourquoi le metteur en scène ne perd pas plus de temps avec ses acteurs qu'avec son histoire: ce qui l'intéresse, c'est autre chose. Cet «autre chose» forme toute l'ineffable matière d'Abismos de pasion, qui surgit entre les événements visibles, à la faveur de petites scènes miniatures où la caméra s'égare en considérations animalières au goût des plus troublants. Des plans d'animaux martyrisés, qui voient un papillon transpercé d'une aiguille, un cochon étripé, une grenouille carbonisée, un oiseau en cage et une phalène dévorée par une araignée. Ces plans sont les pépites d'un filon qui va courir ainsi tout le film, un bestiaire métaphorique animé d'un sadisme assez ahurissant. Mais en passant ainsi à la trappe le «gothisme fantastique» prévisible d'une adaptation des Hauts de Hurlevent au profit d'une sauvagerie bien plus concrète, Buñuel parvient à son but: l'ensorcellement de Catarina et Alejandro est là, dans sa naturelle monstruosité; nul besoin de le démontrer ou de le justifier tant il est déjà indiscutable.
Conçu sur les chapeaux de roues, un tel film ne pouvait avoir de fin que paroxystique et celle que Buñuel a cette fois concoctée est un monument de nécrophilie baroque. Elle vient asséner, dans un tonnerre musical empesé de grandiloquences wagnériennes, le coup de gong final sur le mental déjà passablement ahuri du spectateur, le laissant à la fois pantelant et rasséréné, mais toujours dubitutatif quant à la nature de ce qui vient de lui passer sur le corps: était-ce une étreinte ou un passage à tabac ?
OLIVIER SÉGURET [Libération, 8 JUILLET 1995]

L’Ange exterminateur

L'Ange exterminateur 

(El angel exterminador, Luis Bunuel, Mexique - 1962)

Mercredi 2 avril 2014 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

« Ce que je prétends faire par mes films, c'est inquiéter,
violenter les règles d'un conformisme qui veut faire croire

aux gens qu'ils vivent dans le meilleur des mondes possibles » Luis Bunuel.

" Si le film que vous allez voir vous semble énigmatique, ou incongru, la vie l'est aussi. Il est répétitif comme la vie et, comme, elle, sujet à beaucoup d'interprétations. L'auteur déclare qu'il n'a pas voulu jouer sur des symboles, du moins consciemment. Peut-être la meilleure interprétation pour L'Ange exterminateur,
c'est que, raisonnablement, il n'y a aucune.
Luis Bunuel [Texte passant avant le générique lors de la projection à Paris]

Le cycle Buñuel " Mexicain "

Dans l'oeil de Luis Buñuel
La cruauté, le fétichisme, le désir et la frustration sexuelle, la bourgeoisie, la lutte des classes, la religion, le surréalisme, la puissance de l'imagination : les principaux thèmes qui traversent l'œuvre de Luis Buñuel (1900-1983) portent en eux la promesse d'un cinéma puissant, parfois dérangeant, irrationnel et subversif au sens le plus complexe et le plus intéressant du terme (souvent galvaudé par ailleurs). " Le cinéma est la meilleure arme pour exprimer le monde des songes, des émotions et de l'instinct ", annonce le réalisateur d'Un chien andalou (impressionnant premier court-métrage écrit avec Salvador Dali en 1929), de Los Olvidados (1950) ou encore du Charme discret de la bourgeoisie (1972).
"Pour Buñuel, le mal est inhérent à la nature humaine. La poésie qu'elle délivre révèle quelque chose d'atroce et de sordide", explique l'écrivain et metteur en scène Jean-Claude Carrière, scénariste de nombreux films, dont La Voie lactée (1969), certainement l'un des plus beaux et aboutis du cinéaste d'origine espagnol naturalisé mexicain. " Il y a un inconformisme chez moi depuis mon enfance ", précise Buñuel.
Si l'on qualifie parfois rapidement son cinéma de "pervers", le comédien Michel Piccoli , qui a tourné avec Jeanne Moreau sous la direction du réalisateur dans Le Journal d'une femme de chambre (1964), mais aussi avec Catherine Deneuve dans Belle de jour (1967), nuance et approfondit cette image : " Il aimait beaucoup raconter des histoires d'hommes irresponsables de leur vulgarité et de leur comportement immonde, surtout sexuellement. Il n'y a pas de perversité chez Buñuel. Il y a de la tragédie et du silence."[…]
Hélène Delye, Le Monde (1er juillet 2013).

Jean-Claude Carrière sur Luis Buñuel
Généralement considéré comme un cinéaste « surréaliste », il était sans doute un homme d’imagination, faculté de l’esprit qu’il mettait au premier plan. Et cette imagination était aussi libre, insolente et vagabonde que possible. Aucun territoire ne lui était interdit. Il affirmait qu’elle était toujours innocente, même si elle inventait les pires crimes, perfidies ou dépravations. Pourtant, malgré cette apparente liberté, malgré ce qu’on appelle l’« audace » de Buñuel, son travail obéissait à des règles secrètes, que j’ai partagées et observées pendant dix-neuf ans, sans jamais pouvoir les formuler. Ces règles sont probablement inscrites dans une relation invisible qui s’établit – dans le meilleur des cas – entre le conscient et l’inconscient des cinéastes et des spectateurs.
D’un côté, il est évident que nous devons éviter le banal, le prévisible, le cliché. Rien de plus personnel qu’un film de Buñuel, qui a tracé dans le cinéma un chemin qui ne ressemble à aucun autre, et qui ne peut ni se définir ni s’imiter. Mais nous devons aussi écarter l’extravagant, le saugrenu, le bizarre facile. Comme il me l’a dit une fois : « On peut faire n’importe quoi, sauf n’importe quoi. »
Autrement dit : rien de facile dans cet imaginaire. Au contraire. Il s’agissait d’une recherche patiente, difficile, constante et souvent décevante. Buñuel évoluait toujours entre deux gouffres, où il évitait soigneusement de tomber. D’un côté les histoires toutes faites, souvent racontées, les situations attendues, de l’autre côté les vampires grimaçants ou – par exemple - l’intrusion d’un hippopotame dans un salon de thé.
Le « n’importe quoi ». Entre les deux s’avance lentement un chemin très étroit, presque une corde raide, avec le danger de tomber de ce côté-ci, ou de ce côté-là. Sans oublier le maintien nécessaire d’une relation d’intérêt avec le public, et cela jusqu’à la dernière image. Et aussi le fait, pour les films que nous avons écrits ensemble, que nous possédions chacun un droit de veto sur les idées proposées par l’autre. Droit de veto instantané, qui devait être formulé en moins de trois secondes (pour éviter toute intervention de la raison, de la logique quotidienne, qui a tendance à tout justifier), veto que nous ne pouvions pas contester, discuter, et sur lequel il nous était impossible de revenir.
Il fallait oublier - à regret, quelquefois - l’idée rejetée par l’autre et passer aussitôt à autre chose, à une autre action, à une autre image. De là une immense sollicitation de l’esprit, la plus ardue peut-être de toutes celles auxquelles j’ai participé. Et cela se continuait – avec parfois de longs silences – jusqu’à ce que nous tombions d’accord, tous les deux. Il m’a dit, une fois : « Quand il ne reste plus qu’une seule idée, c’est la bonne. »
Jean-Claude Carrière [ARTE - Magazin].

La critique de Marine Landrot, [Télérama, 28 mai 2011].
On connaît la naissance simultanée du cinéma avec celle de la pratique psychanalytique. Et si Freud ne croyait pas beaucoup à la capacité de mettre sur pellicule les processus de transformation de l’inconscient*, il n’en demeure pas moins que leurs résultats, c’est-à-dire nos étranges comportements, sont quant à eux parfaitement filmables (c’est même ce qui « occupe » le cinéma dans la plupart des cas !). Buñuel fut certainement l’un de ceux qui filma au plus près nos déviations avec un souci maniaque. L’ange exterminateur est de ce point de vue l’un des films les plus énigmatiques de son auteur.
Lors d’une réception dans une maison de notables mexicains, l’ensemble des invités se trouvent dans une impossibilité physique (et probablement psychique) de quitter les lieux. Ce « blocage » produit des comportements violents et surtout  différents selon la nature profonde de chacun des invités et de leurs hôtes.  Et cette violence, sur l’autre ou sur soi, prend totalement possession de l’assemblée qui, poussée par la soif et la faim perd alors toute sa dignité et ses conventions sociales. Pour se libérer de l’entrave inconnue, il convient de désigner un bouc émissaire. Celui-ci ne devra la vie sauve qu’à l‘intuition d’une invitée qui demandera que chacun retourne à la place qu’il occupait au tout premier moment du « blocage ». Ce  retour à « l’origine de la malédiction » délivrera les malheureux. On ne saura pas grand-chose sur la nature de ce blocage, mais comme celui-ci prenait sa source dans une sorte d’inconscient collectif, ses effets collatéraux retomberont sur un autre groupe: des prêtres qui, tout à coup, à leur tour, ne pourront plus sortir de leur église. Le mal voyage, c’est bien connu…
L’ange exterminateur est une parfaite illustration de ce que nos inconscients peuvent produire comme enfermement et surtout de ce que nos énergies vitales inventent comme stratégies pour s’échapper à tout prix : cruauté, sexualité, cupidité et même suicide. Buñuel nous avertit que le mal est un patrimoine qui se partage et qu’on a tôt fait de dénoncer chez l’autre la chose qui vous appartient et vous accable inconsciemment. Ce film, comme une vaste auto-analyse collective, ressemble à une longue nuit d’où émergent les plus lucides. Quand l’oppresseur ne se montre pas, il y a tout lieu de penser que c’est alors un bel enjeu cinématographique que de montrer justement l’«infilmable». Et comme la chose se tient en l’homme, en tout homme, pauvre ou riche, puissant ou impuissant, croyant ou athée, c’est bien cet homme que Buñuel filme sans complaisance mais avec une force cinématographique que peu de réalisateurs atteignent sans quelques compromis…
* « Il ne me paraît pas possible de faire de nos abstractions une présentation plastique qui se respecte un tant soit peu » (Freud).

A Scanner Darkly

A Scanner Darkly

(Richard Linklater, USA - 2006)

Mercredi 19 février 2014 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

En partenariat avec la Biennale CINEDUC 2014

Le programme complet de la 5è Biennale CINEDUC "Réinventer, au cinéma"
du 18 au 23 février 2014 est en fichier téléchargeable ci-dessous.

« Substance D... D.... D is for Dumbness and Despair and Desertion.
The desertion of your friends from you, you from your friends,
everyone from everyone.
Isolation and loneliness and hating and suspecting each other.
D is finally Death. Slow Death. From the head down. 
»

Richard Linklater : « En quoi la SF est devenue réelle. »
L’idée était de m’interroger, comme K. Dick, sur ce qu’est la réalité, mais aussi de réfléchir à ce qui, de la science fiction, est devenu réel aujourd’hui : Big Brother, les caméras de surveillance, les réseaux de traffic de drogue liés aux intérêts d’Etat. […]

Narration et schizophrénie. Le film est entièrement répété et tourné en prise de vues réelle, avec des acteurs connus, puis « refait », pusiqu’on peint par-dessus. Donc dans la fabrication, cela équivaut à faire deux films. Ce n’est pas indifférent, évidemment, puisque dans Substance mort, la nouvelle de Philip K. Dick, l’identité du personnage de Bob alias Fred (Keanu Reeves) est un véritable kaléidoscope : c’est un agent des stups qui se fait passer pour quelqu’un d’autre pour enquêter, mais lui-même, parce qu’il se drogue, souffre du dédoublement de la personnalité… Ce qui m’intéréssait, c’était de rendre cinématographique de cette dissolution de l’identité, par exemple le flash-back sur la famille de Bob, qui n’est peut-être qu’un hallucination. Or un film d’animation réalisé de cette manière, ça paraît presque réel, mais l’autre partie de votre cerveau sait que c’est peint. C’est cette contradiction permanente, cette gymnastique du cerveau qui m’intéréssait.[…]
Entretien paru dans Les Cahiers du cinéma, n° 615 (Septembre 2006), p. 27.

D, ce pourrait être aussi pour « Dream » (rêve) tant A scanner darkly, dans toute l’inconstance de ses traits, semble perpétuer la fascinante mélancolie de l’inconscient. Loin de n’être qu’une habile technique déployée avec ruse, Richard Linklater a bel et bien réalisé un des plus intéressants films de science-fiction de ce siècle, adapté de façon personnelle et imaginative mais aussi, pour la première fois, fidèle, de l’œuvre de K. Dick.
D, ce pourrait être aussi pour Doute tant le film poursuit une réflexion complexe sur l’image cinématographique critique et expression du doute, sous ses formes les plus psychotiques et paranoïaques. Ce doute, paradoxal puisque s’exprimant plastiquement comme esthétiquement par des principes constants et inéluctables (constance qui aura parfois épuisé ou lassé les journalistes cannois), fera de A scanner darkly le digne héritier de Kafka (comme on aime à le comparer à K. Dick). La recherche par l’individu d’une place dans la société se transformera peu à peu en quête identitaire levant le voile sur l’isolation, le désespoir, la solitude du monde moderne.
A Scanner darkly n’est donc pas un film de science-fiction, ni un brûlot contre les drogues, mais une quête existentielle, maquillée par le drame et la comédie, qui remonte à l’origine de l’homme, à l’image du titre du film. Celui-ci prend source dans la première épître de Paul aux Corinthiens dans le Testament (Chap. 13, verset 12) : « Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir d’une manière obscure (“we see in a mirror darkly”), mais alors nous verrons face à face. » Le film est donc cette réflexion sur l’image, le miroir, le reflet, la réalité, l’identité, Dick interrogeant la prémonition de Paul : Peut-on voir au-delà du miroir ? Ou à travers celui-là ? Faut-il briser le miroir ? Ou briser l’image même ?
[Extrait de l'article de Daniel Dos Santos en fichier téléchargeable ci-dessous] 

2046

2046

(Wong Kar-waï, HK - 2004)

Mercredi 26 mars 2014 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

« Etre cinéaste à Hong-Kong, c’est refuser de suivre le rythme effréné des métamorphoses pour en imposer d’autres. C’est conserver le droit au secret, aux affections particulières que l’on révèle peu à peu,
à l’échelle d’une œuvre. Cela veut dire : filmer des lieux et imprimer le souvenir. »

Wong Kar-waï, L’Architecte et le vampire,
Cahier du Cinéma / Made in China (Numéro Hors-Série, 1999).

Wong Kar-wai est sans conteste le cinéaste le plus fascinant de sa géneration. Ses films emprunts d'un romantisme désenchanté sont sans équivalent dans le cinéma actuel. Tantôt percutant et chaotique, tantôt éthéré et langoureux. Sans cesse imité, au cinéma comme dans la publicité, à Hong Kong comme dans le reste du monde. Un style qu'il a développé avec le chef opérateur Christopher Doyle. Un style hérité à la fois du cinéma de sabre chinois et du cinéma d'action de Hong Kong mais aussi du cinéma occidental et de sa passion pour la photographie.
Aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands cinéastes contemporains, et récent Président du Festival de Cannes (2006), Wong Kar-wai passionne par son travail sur ses personnages, son expérimentaiton de l'image et sa fragmentation du temps.

In the Mood for Love et 2046
Les deux longs métrages du cinéaste chinois Wong Kar-Wai, In the Mood for Love et 2046, peuvent être regardés comme un seul et même poème narratif se continuant d’un film à l’autre. Cette continuité ne se présente pas comme une suite à l’américaine, mais comme la poursuite d’une réflexion qui ramène sans cesse l’artiste aux figures qu’il a un jour créées. Ce diptyque maniériste relate l’histoire d’un amour irréalisé et l’obsession de son souvenir : un ancien amour impossible ouvre sur une série d’amours possibles dont il tend en retour à déterminer la fin. [URI:http://id.erudit.org/iderudit/012320ar]

La critique de Télérama
Rares sont les films à provoquer une impression physique aussi manifeste : frisson jubilatoire, intense sourire intérieur, heureuse empathie avec la beauté à l'œuvre sur l'écran. En vrac et en majesté, l'apprentissage du japonais par une jeune femme (adorable Faye Wong), saisi à travers un élégant jeu de jambes. L'érotisme juvénile, et moqueur, d'une amoureuse courtisane (Zhang Ziyi, dont le visage de porcelaine s'anime enfin). Des corps, des visages, des étoffes. Plus obstinément, la fine moustache désabusée de M. Chow, ce viveur triste, traversant les couloirs de l'Oriental Hôtel au milieu des années 1960, les salles de restaurant enfumées, les ruelles pluvieuses.
Wong Kar-wai a l'art de filmer comme aucun autre un Hongkong stylisé et chatoyant, une certaine idée de l'Orient et du désir. Il manie en maître les couleurs du songe ou du souvenir (ici ocre et émeraude), et jamais ce maniérisme ne fait obstacle à l'ivresse des yeux - et des oreilles, le cinéaste n'étant pas sourd aux BO. langoureuses. Il explore avec entêtement son sujet de prédilection, le temps qui passe et les amours qui filent. On le sait depuis In the mood for love, dont 2046 est... quoi, au juste ? la suite officieuse ? le dérivé officiel ? la version « upgradée », comme on dit d'un logiciel qu'il est « mis à jour » ? Peu importe, puisque le spleen enjoué de son héros, ce paumé magnifique, est à jamais, par ricochet, le nôtre. [Aurélien Ferenczi, TELERAMA, 25 avril /2009].

 

 

 
 
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