Le 28/11/2018 QUEEN OF MONTREUIL
- Écrit par Krishna
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Mercredi 28 novembre 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Au féminin " (4/4)
QUEEN OF MONDTREUIL
(Solveig ANSPACH - France - 2011 - 87 min)
C’est ce qu’on appelle un feel good movie. Un film qui fait du bien, où l’on sourit, où l’on rit, et qui devrait être remboursé par la Sécu parce qu’il nous rappelle pourquoi on aime la vie, même quand elle est chienne. Garanti sans bons sentiments gluants, « Queen of Montreuil » parle en effet rien moins que du deuil et de nos vies en cendres… Agathe (Florence Loiret-Caille) vient de perdre son mari et semble elle-même avoir choisi le camp des fantômes. Mais les humains n’ont pas dit leur dernier mot… Au fil du film, on s’attache à cette bande de potes, avec leurs qualités et leurs défauts encore meilleurs. Quand les lumières se rallument, on ne veut plus les quitter. [Marjolaine Jarry, L’Obs, 12 mars 2013]
Queen of Montreuil est une tragicomédie qui joue sur toute une gamme de décalages : psychologiques, culturels, linguistiques, amoureux… Aucun des personnages ne fonctionne sur le même karma, d’où quiproquos, incompréhensions, petits gags doux-amers.
Loin de vouloir rétablir un certain ordre des choses, Anspach considère cette asynchronie comme un réenchantement poétique du quotidien, une façon pas idiote de faire son deuil et de mettre à distance les drames de l’existence. [Serge Kaganski, Les Inrocks, 19 mars 2013]
« QUEEN OF MONTREUIL », PHOQUE YOU
Zoulou. Fable dingue avec jeune veuve, Islandais et un rescapé de zoo.
Solveig Anspach est-elle folle ? Oui, mais pas plus que nous. Est-elle cinéaste ? Oui, mais beaucoup plus que nous. C’est cette qualité surnuméraire qui fait de son nouveau film une ciné-folie de première. Une folie comme on l’entendait architecturalement au XVIIIe siècle quand, en marge des châteaux, il s’agissait de construire au fond du parc des pavillons de plaisir, propices aux partouzes ou aux conversations philosophiques, les unes n’excluant pas les autres.
Sauf qu’ici, le parc est plutôt une déchetterie, et le pavillon, un pavillon de banlieue, à Montreuil, commune limitrophe et un peu limite de l’est parisien. Agathe (Florence Loiret-Caille, nickel), la trentaine, y revient après des vacances un peu particulières, partie à l’étranger pour récupérer les cendres de son mari, mort dans un fâcheux accident de mob. Pourquoi pense-t-on alors au Solex de monsieur Hulot dans Mon oncle ? Parce que Anspach filme comme assise sur le porte-bagages de Tati : même humour et amour des personnes qui sont des personnages, même façon de carburer au frappadingue.
Queen of Montreuil est une fantaisie composite, un bazar zoulou où l’on peut chiner à sa guise : un duo d’Islandais (mère allumée et fils sage) en rade à Roissy suite à la faillite de leur compagnie aérienne, un grutier jointé, un gérant de laverie qui fait aussi place Net, un passant qui toque chaque jour à la fenêtre de la cuisine pour guigner 5 euros (en fait 6, c’est pour ses clopes), une robe de mariée transsexuelle, et un phoque. Un quoi ?! Un phoque (Fifi, immense actrice), oublié dans le déménagement du zoo de Vincennes. C’est le phoque qui fait le liant. Parce que l’animal triste est recueilli par le fils islandais qui l’installe dans la baignoire de la jeune veuve, parce que son appétit de poisson va résoudre le problème de l’urne funéraire et du devenir des cendres qu’elle contient, parce que son humanité animale et ses grands yeux de Bette Davis vont retaper la veuve en vrac et rallier les humains dispersés.
Pourquoi vivre seul, alors qu’on pourrait vivre ensemble ? C’est la question politique posée par Anspach. Trop cool ? Voire. Le phoque n’est pas qu’une grosse peluche vivante, il est aussi un carnivore qui montre les dents et fout les foies à Agathe lors d’un face-à-face en salle de bains. Quant à la communauté : sur le mode de «l’attraction passionnée» chère à Fourier, elle lorgne plus vers le phalanstère que vers la famille, fût-elle recomposée.
[Gérard Lefort, Libération, 19 mars 2013]