Les Enfants de la belle ville
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Mardi 9 février 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
En partenariat avec CINEDUC 2016: "Cinéma d'ici et d'ailleurs"
Les enfants de belle ville / Shah-re ziba
Asghar Farhadi (Iran - 2012)
Ala et la fureur de vivre
En juin 2011, comme pour mieux contourner le rance et insidieux embrouillamini franco-français sur l’islam et la laïcité, notre société se ruait dans les salles d’art et d’essai voir un film iranien, Une séparation. Depuis cette déflagration, Farhadi en France, c’est l’œuvre à l’envers. Après un film inégal de 2006, La Fête du feu, et l’inégalé À propos d’Elly en 2009, le distributeur Memento Films expie sa frilosité passée en nous présentant aujourd’hui un opus du cinéaste daté de 2004, Les Enfants de Belle Ville. Le public y retrouvera l’écheveau complexe qui a fait le succès des films suivants. Au milieu des couleurs, il fera surtout une rencontre restée orpheline dans sa filmographie, d’une passion-obsession plus grande que la mort : Ala et sa fureur de vie.
Farhadi a dit : « La tragédie moderne n’est pas le combat du bien et du mal, mais du bien et du bien. » Quand ce combat se condense dans l’esprit malmené d’un seul personnage, on appelle ça un dilemme ; quand tous les personnages d’un écheveau en portent un avec les contraintes, le passé et les désirs qui leur sont propres, on obtient une situation. Enfin, quand chacune des branches des alternatives n’obligent pas seulement les vies et l’honneur des concernés, mais force toute une société à constater que les lois des hommes ne sont pas à l’image de celles du Dieu dont ils se réclament, on appelle ça un film de Farhadi. Ajoutez un plan ou un personnage manquant, et la recette est complète. Certes, cela pourrait bien finir par lasser. Mais Farhadi n’a rien de l’aventurier, de l’homme des lointains. Quand certains nomades arpentent le champ formel des possibles cinématographiques (Kiarostami, Panahi), Farhadi, démiurge casanier, reste l’esprit bien planté dans son sol, à triturer les matériaux jadis rencontrés sur son infime parcelle.[...]
Voir Les Enfants de Belle Ville, c’est regarder opérer sous nos yeux la mutation d’un schéma actanciel en course passionnelle. À côté de la passion d’Ala, de sa force qui va, le reste du film n’est plus qu’une affaire de vis et de boulons. À rebours, mais encore une fois, Farhadi nous prouve qu’il est un cinéaste de l’éthique, jamais un moraliste. En ces temps de discours populistes, une telle intelligence de la formulation plutôt que de la solution, une foi inconditionnée dans le principe plutôt que l’action du cynique, deviennent libérateurs. Dans un film de Farhadi, l’esprit respire.
Matthieu Bareyre [critikat.com]
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