Le Samouraï
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(Jean-Pierre Melville, France - 1967)
"Je crois que le monde des hors-la-loi est le dernier bastion où s'affrontent les forces du bien et celles du mal.
C'est le refuge de la tragédie moderne. Ce ne sont pas des héros mais des anti-héros.
Je ne leur fournis d'ailleurs ni excuse ni circonstances atténuantes. Ce sont des êtres amoraux.
Le spectateur ne s'identifie pas à eux. Mais, à force de les regarder vivre, il s'y intéresse. [...]
La construction du film est très importante. Elle n'est pas faite pour des gens distraits
qui s'absentent de l'écran. Au mot fin, il subsiste encore un point d'interrogation.
Il faut que les gens réfléchissent, car tout ne leur a pas été expliqué."
Jean-Pierre Melville [in Télérama, 12 novembre 1967].
« Pari ambitieux, et film très difficile puisqu’il exige de la part du spectateur un don de soi,
une vraie participation, et un certain mépris de l’émotion primaire, et du réalisme.
Mais si l’on a franchi le cap, si l’on a compris que Melville ne cherche pas l’effet bon marché
dans la minute, alors les portes sont ouvertes au rêve, à l’évasion. »
Henry Chapier, Combat [02 novembre 1967].
Le Samouraï en 1967 est une étape décisive vers l’abstraction glacée qui caractérise la dernière partie de la filmographie de Jean-Pierre Melville. La rencontre entre Jean-Pierre Melville et Alain Delon, tueur à gages à la tristesse minérale, donne naissance à une œuvre désincarnée, une épure de film noir. Le minimalisme de l’action s’accompagne d’une stylisation extrême des costumes (l’imperméable et le chapeau de Delon) et surtout des décors (des rêves de commissariat et de night-club). Les deux titres suivants avec Delon, Le Cercle rouge et Un flic (ultime film de Melville, ultime poème à la gloire de l’acteur) poursuivront cette approche fantasmatique du cinéma et des stars masculines. Car ces trois films sont aussi un écrin amoureux pour l’icône Delon, silhouette frigide et opaque obsédée par la mort.
Olivier Père [Présentation du film sur la chaîne ARTE].
Film totémique, Le Samouraï condense à lui seul toutes les caractéristiques de ce style melvillien dont se réclament ou s'inspirent aujourd'hui plusieurs cinéastes internationaux comme Quentin Tarantino, Joel Coen, Michael Mann ou encore John Woo et Johnnie To, qui en reprennent les figures et les motifs tout en recourant à des principes de mise en scène radicalement opposés. Le style de Melville, c'est d'abord un sens de l'épure qui peut faire songer aux estampes japonaises : une sécheresse de trait, une forme d'acuité pour l'essentiel uniquement, et un sens de la dramaturgie qui ne s'embarrasse d'aucune forme de superflu. Les scènes d'action sont par exemple le plus souvent vidées de tout contenu spectaculaire : seule "l'exécution" l'intéresse, c'est à dire la façon dont les professionnels s'y prennent, la précision des gestes, la droiture des âmes et la solitude qui accompagne l'excellence acquise dans tel ou tel domaine. C'est pourquoi chez Melville, toute action s'accompagne d'une certaine ritualisation, d'une solennité qui confine à l'ascèse.
Youri Deschamps [Eclipse, n°44 (2009)]
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