Le voleur de Bagdad
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Le Voleur de Bagdad
(Michael Powell, The Thief of Bagdad, USA - 1940)
Mercredi 11 décembre 2013 à 20h
Salle Juliet Berto - Grenoble
Michael Powell sur son film
Quand je pense à la manière dont nous avons tourné ce film, en improvisant l’histoire et l’action, jour après jour, je l’admire et m’émerveille encore.(...)
Personne n'avait de contrôle sur le scénario, on a beaucoup inventé sur le plateau, je ne m'en souviens pas, mais je crois que je n'ai jamais eu un scénario complet en tout cas. Peut-être quelques feuilles. J'étais très sûr de moi, les autres aussi, nous nous concertions. Moi, j'avais plutôt des décors en extérieur, d'autres scènes se tournaient sur d'autres plateaux en même temps. Quand on était en train de préparer quelque chose, on laissait l'équipe, on prenait une bicyclette et on allait voir à côté, ce n'était pas plus compliqué que cela ! J'ai fait presque toutes les scènes avec Conrad Veidt et la plupart de celles avec Sabu. (...)
Il y avait des centaines de figurants, des costumes, des décors qui n’étaient jamais assez grands pour Alex ; il fallait toujours les faire plus grands et les peindre en rouge, en bleu...(...)
Le cinéma doit être magique, doit provoquer le rêve. Il faut sans cesse expérimenter, avec le son, l’image, la vitesse.
" À qui doit-on alors cette somptueuse aventure tirée des Mille et Une Nuits ? Sa splendeur visuelle, ses décors et ses couleurs incroyables de beauté appartiennent totalement à l'esthétique de Michael Powell, habilement servie par le travail du chef opérateur Georges Périnal. C'est un véritable enchantement, un plaisir de tous les instants (auxquels participent, parmi les comédiens, l'inquiétant Conrad Veidt autant que le bondissant Sabu),
la richesse visuelle contrebalançant quelques faiblesses du script."
Aurélien Ferenczi, Télérama, 21 février 2009.
Célèbre superproduction britannique des années 40, Le Voleur de Bagdad reste célèbre pour constituer l'une des meilleures et rares adaptations des fameux contes des Mille et une nuits, qui ambitionnait alors d'être un spectacle excitant et chatoyant avec la volonté de régaler tous les publics par sa poésie naïve et ses effets spéciaux novateurs (pour l'époque). A la tête de ce film d'aventures exotiques, on trouve le producteur anglais d'origine hongroise Alexandre Korda, sorte de Selznick londonien dont l'importance au sein de l'industrie du cinéma anglais fut considérable des années 30 jusqu'au début des années 50. Sur Le Voleur de Bagdad, Korda fit travailler pas moins de six réalisateurs (dont lui-même), mais son frère Zoltan et le grand directeur artistique William Cameron Menzies ne furent crédités que comme producteurs associés. Officiellement le film est donc signé de l'Allemand Ludwig Berger, de l'Américain Tim Whelan et de... Michael Powell. Ce dernier fut engagé suite à la forte déception du producteur démiurge devant les scènes tournées par Ludwig Berger, qui fut si maltraité par Korda qu'il claqua la porte du studio. Les frères Korda retournèrent pour partie les scènes de Berger et Powell fut chargé de nombreuses scènes d'action (comme l'apparition du génie joué par Rex Ingram).
Le tournage en lui-même fut bouleversé par l'irruption de la guerre et le film dût s'achever en Californie. Tout cela bien considéré, le résultat ne manque finalement pas d'harmonie, et il serait bien présomptueux pour le spectateur de s'amuser à déterminer les styles des uns et des autres. D'ailleurs, ce n'est pas sur le terrain de la mise en scène pure qu'il faudra aller chercher une quelconque originalité dans ce spectacle. Le Voleur de Bagdad demeure avant tout un film de producteur, dont le vrai talent fut de s'entourer d'hommes compétents à leur poste et de faire la part belle aux départements artistiques (avec trois Oscars à la clé en 1941) comme les décors somptueux, la photographie en Technicolor, les innombrables costumes et les effets spéciaux. Il en ressort une fantaisie délicieuse - même si passablement surannée - avec tout ce qu'il faut comme péripéties fantastiques pour nourrir un imaginaire typique de ces contes orientaux : un royaume dirigé par des despotes, une jolie romance contrariée, de la magie, des créatures légendaires, un danger permanent, le poids du destin, de l'action et de l'humour bon enfant. Le casting du film compte en tête l'élégant et inquiétant Conrad Veidt (Le Juif Süss de 1934, L'Espion noir et Espionne à bord de Powell et Pressburger, Echec à la Gestapo avec Humphrey Bogart, Casablanca de Michael Curtiz) et le virevoltant acteur indien Sabu, alors âgé de 15 ans, le héros de Elephant Boy, d'Alerte aux Indes et du Livre de la jungle, tous trois réalisés par Zoltan Korda. Sabu sera également de l'aventure du somptueux Narcisse noir de Michael Powell et Emeric Pressburger.
Aujourd'hui, si Le Voleur de Bagdad accuse bien son âge par ses effets spéciaux d'un autre temps - et qui peinent surtout à conserver leur capacité de séduction sur la totalité du film -, par le statisme de sa réalisation malgré quelques rares séquences dynamiques et par un jeu d'acteur assez inégal selon les interprètes, il faut reconnaître que son charme naïf, sa pincée d'exotisme, son innocence assumée, son onirisme enfantin et sa volonté constante de flatter les rétines en font toujours une œuvre éminemment sympathique, ainsi qu'une curiosité du fait de sa rareté au sein d'un cinéma anglais habituellement peu versé dans la fantaisie débridée.
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