Balancetonfilm

Balancetonfilm (3)

Le 13/06/2018 Le Mari de la femme à barbe

Mercredi 13 juin 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle "#balancetonfilm " (3/3)

Le mari de la femme à barbe
Marco FERRERI (Italie, 1964 - 100 mn)

La fiction, imaginée par Ferreri et son collaborateur Rafael Azcona après la lecture de l’histoire de Julia Pastrana, une femme à barbe exhibée à travers le monde durant la seconde moitié du XIXème siècle, n’est qu’un prétexte pour raconter l’histoire d’une solitude et, plus largement, celle de l’homme parmi ses « semblables ». Plus que de la cruauté qui se manifeste différemment dans chacune des trois versions, le regard de Ferreri sur la réalité relève d’un profond nihilisme ou d’une forme de lucidité qui fait de lui un critique implacable des mœurs dites civilisées.
En tournant le film entre Naples et Paris, le cinéaste documente en effet la décadence progressive de la civilisation occidentale, victime d’obsessions ridicules et encourageant un individualisme absurde et forcené. Ainsi, un film consacré à une « bête » s’avère-t-il bien davantage un miroir tendu à une humanité parfois monstrueuse.

[Valeria Guazzelli - 30 novembre 2017 (cinematheque.fr)]

Marco FERRERI, un cinéaste visionnaire
C'est aussi un visionnaire, chez qui une appréhension naturaliste du monde débouche sur une forme de mythologie moderne. Si l'on doit relever des thèmes dans l'œuvre de Ferreri, ils sont forcément élémentaires et universels : l'homme, la femme, le couple, les enfants. C'est ainsi que ses films ressembleront de plus en plus à des fables, le cinéaste parvenant toujours à inscrire l'intemporalité et la poésie de son propos dans un contexte social et politique parfaitement défini. Touche pas à la femme blanche, par exemple, est un pamphlet anti-impérialiste et antiraciste qui reconstitue la bataille de Little Big Hornen plein trou des Halles, et se transforme ainsi en documentaire sur le Paris de cette époque. Car jamais aucun cinéaste n'aura été aussi préoccupé par la monstruosité du monde moderne. Le New York apocalyptique envahi par les rats de Rêve de singe,les usines et les grands ensembles de Créteil dans La Dernière femme, le centre commercial du Futur est femme sont autant de visions cauchemardesques de la déshumanisation du paysage urbain, souvent proches d'un fantastique quotidien. [...]
Résistance radicale à la société de consommation et à la consommation des images, les films de Ferreri enregistrent les modes de leur époque pour mieux les railler. Réfractaire à tous les courants de pensée, hostile aux intellectuels, Ferreri n'a pourtant jamais cessé de faire un cinéma politique. Mais comme chez les Straub, l'antifascisme de Ferreri passe directement dans les sujets de ses films, pas dans un discours signifiant.
[Olivier Père (Les Inrocks, 30 septembre 1998)]

Notre saison s'achève avec cette séance, et toute l'équipe du Ciné-club prépare activement la programmation de la prochaine saison.
Très bel été à tous. Nous pouvons déjà vous annoncer que la saison 2018-2019 débutera dans la bonne humeur, avec, au programme:

Mercredi 3 octobre 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle "loser " (1/3)

The Big Lebowski
Joel et Ethan COEN (États-Unis, 1998 - 117 mn)

Comme l'expliquait l'ethnologue Isabelle Rivoal dans les colonnes du HuffPost, le regain d'intérêt du loser ne date pas des frères Coen. "Le loser, c'est l'antithèse du golden boy des années 1980. Avec lui, l'image de l'homme hyper-individualiste qui réussit s'effondre complètement. Du coup, le loser s'indiffère au monde qui l'entoure".
Un personnage mythique créé par les frères Coen, incarne peut-être mieux que tout autre la lose du changement de siècle. Jeff Lebowski, plus connu sous le nom de The Dude (traduit en Duc dans la version française) et héros de The Big Lebowski.[…]
En partant d’un simple quiproquo basé sur l’homonyme, cette comédie un rien déjantée, carburant aux répliques cultes et avec une sacrée dose de second degré, fonctionne à plein régime. Pour cause, servi par un attachant premier rôle en la personne de Jeff Bridges, The big Lebowski se caractérise par le talent d’acteurs féroces - au service de savoureux dialogues - dirigés par les prodiges frères Coen. Ceux-ci s’en donnent à cœur joie. Avec une subtilité incomparable, ils embarquent leurs personnages atypiques dans des situations inextricables, absurdes mais tellement jubilatoires où le politiquement incorrect et le ridicule sont de mises. Deux ans après l’excellent Fargo, cette œuvre au caractère bien trempé est une agréable récidive aussi inoffensive qu’irrévérencieuse constituant la marque de fabrique des talentueux frangins : humour noir irrésistible, scénario en béton, mise en scène imparable, situations cocasses et personnage(s) attachant(s).
Cet hilarant et divertissant bijou du 7ème art est à classer, sans conteste, parmi les plus cultes du genre. Incontournable. [avoir-alire.com]

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Le 06/06/2018 Calmos

Mercredi 6 juin 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle "#balancetonfilm " (2/3)

Calmos
Bertrand BLIER (France, 1976 - 107 mn)

“Aujourd'hui, ce n'est pas qu'on ne peut plus être insolent, c'est qu'on ne veut plus.”
Pour moi, il n'y a plus de cinéma
(Bertrand Blier)

Misanthrope, irrévérencieux, férocement drôle : le réalisateur divise, encore et toujours. Mais ni le temps, ni les critiques n'altèrent son goût pour la provocation. Dans Le Bruit des glaçons, son dernier film, qui sort aujourd'hui, mots et conventions continuent de valser.
Dans la première pièce de Bertrand Blier, 
Les Côtelettes, Michel Bouquet s'introduisait chez Philippe Noiret avec cette réplique définitive : « Je viens pour vous faire chier. » C'est un peu la devise de Bertrand Blier, qui aligne, depuis cinquante ans, des films drôles ou tragiques qui ne plaisent pas à tout le monde. Parfois même à personne. Deux zozos qui sèment la terreur dans la France pompidolo-giscardienne (Les Valseuses). Un mec qui en séduit un autre pour finir avec lui sur le trottoir (Tenue de soirée). Un paumé grave essayant désespérément de faire sourire une femme qui se donne à des inconnus dans les trains (Notre histoire)... Le voilà sur deux fronts en cette rentrée. Au cinéma sort aujourd'hui Le Bruit des glaçons, la rencontre entre un écrivain alcoolique et son cancer. Au Théâtre Antoine, dès le 9 septembre, une bourgeoise accueillera chez elle une SDF dans Désolé pour la moquette...

Rencontre avec un cinéaste resté zen sous les compliments et les insultes...
[Propos recueillis par Pierre Murat, Télérama, 27 août 2010].
Dans votre deuxième film, Calmos, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle rembarrent une femme. « Vous pourriez être polis », leur dit-elle. Et Marielle de répondre : « Polis. En quel honneur ? » N'est-ce pas là une définition de votre cinéma ?
C'est mon côté « noir ». Mon côté Cioran : à quoi ça sert d'être poli ? A quoi ça sert de se lever de bonne humeur ? N'empêche, Calmosest la grosse connerie de ma vie. Le scénario était bon, mais je n'avais, pour le tourner, ni le fric, ni les acteurs.
Ils étaient pourtant très bien, Marielle et Rochefort...
Très. Mais tout ça manquait de vigueur, de folie. C'était un film « kubrickien », vous savez, avec tout un univers à construire, sauf qu'on n'avait pas les moyens de Kubrick. Et que je n'avais pas son talent. Mais le talent, on s'en arrange. L'argent, jamais...
Il y a, pourtant, une scène formidable dans Calmos : le festin auquel participent votre père, Bernard Blier, en curé rubicond, et Pierre Bertin en chanoine...
Là encore... Je voulais Gabin pour le chanoine. Le rôle était court, mais j'avais un bon contact avec lui. Un matin, à 11 heures, il semble d'accord et me dit : « Envoie-moi ton producteur, mais pas avant 15 heures, que je puisse becqueter ». Et à 15 heures, il dit à Christian Fechner : « Vous savez, que vous m'ayez deux jours ou trois mois, c'est le même prix !». Vu ce qu'il demandait, Fechner est évidemment tombé par terre...
C'est Calmos qui a fait votre réputation de misogyne forcené...
Non, non, tout a commencé avec Les Valseuses, en 1974. On était en plein MLF et il y a eu des manifestations devant les cinémas. Des banderoles... La cinéaste Chantal Akerman allait de salle en salle en apostrophant les futurs spectateurs : « N'allez pas voir cette merde, c'est une insulte envers les femmes.» Et, dans Le Figaro – Le Figarode l'époque, le vrai, le pur, le dur –, le professeur Debray-Ritzen demandait carrément l'interdiction du film. C'était extravagant... Je m'en fichais un peu, moi, car j'avais reçu l'aval de Buñuel. Je le rencontre, un jour, par hasard, et il me dit : « Ah, la scène de l'autorail... avec la femme qui donne le sein... c'est très érotique !» J'étais inondé de bonheur. [...]

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Le 30/05/2018 Les Galettes de Pont-Aven

Mercredi 30 mai 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle "#balancetonfilm " (1/3)

Les galettes de Pont-Aven
Joël SÉRIA (France, 1975 - 101 mn)

Les Galettes de Pont-Aven, définitivement cul...
Un rendez-vous avec le réalisateur Joël Séria, c'est un fantasme qui se réalise. Celui de tourner autour du plus beau culte du cinéma français. Les lois de la grammaire voudraient que l'on ajoutât "film" entre beau et culte, mais les règles ne sont plus de mise quand il s'agit d'évoquer Les Galettes de Pont-Aven,vaisseau amiral de la carrière de Séria, tornade libertaire de 1975, moins dévastatrice que Les Valseuses de Bertrand Blier sorti un an avant, mais inscrit au panthéon des longs-métrages inclassables, incomparables, inoxydables.  
C'est pourquoi ce trésor du patrimoine, où un représentant de commerce, amateur éclairé de postérieurs, abandonne femme et enfants pour devenir peintre sur les côtes du Finistère, sera la pièce maîtresse du Festival du film culte organisé à Trouville (Calvados) par Karl Zéro et dont le jury sera présidé par... Jean- Pierre Marielle, héros des Galettes de Pont-Aven! Ce n'est pas un hasard, non. "J'avais écrit le film pour lui, se souvient Joël Séria, 80 ans. Le texte le faisait saliver."
Plus de quarante ans après, les mots n'ont rien perdu de leur truculence ni de leur saveur. "Je me suis lâché, c'est vrai. Le producteur Jean Bolvary m'avait laissé carte blanche. Après Charlie et ses deux nénettes, mon film précédent, il m'a fixé rendez-vous dans un café et m'a demandé ce que j'avais en tête. Je lui ai dit penser à une histoire avec Marielle. Sans rien savoir d'autre, il m'a donné une liasse de billets et m'a incité à écrire."  
Le bon vieux temps... Mais les distributeurs n'en étaient pas moins frileux. "Tous ont refusé en lisant le scénario, raconte Joël Séria. L'un d'eux m'avait reçu uniquement pour me dire en face qu'il le trouvait 'd'une vulgarité abominable'." Tout cela parce que Marielle n'a de cesse de s'extasier, avec un langage fleuri régulièrement ponctué d'un "Oh, nom de dieu de bordel de merde!",sur les paires de fesses d'Andréa Ferréol ou de Jeanne Goupil, laquelle, peintre, est l'auteur de tous les tableaux du film... 
Des sentiments éternels qui traversent les époques
Le fait que Séria soit déjà passé sous les fourches caudines de la censure avec son premier long-métrage très anticlérical Mais ne nous délivrez pas du mal (1970) n'arrange rien. Les Galettes de Pont-Aven est moins sulfureux, mais son ton totalement décomplexé teinté de désespoir effraie les décideurs. "Heureusement, Jean-Paul Belmondo, ami de Marielle, a convaincu UGC de prendre le film", explique le metteur en scène.  
Grand bien leur en a pris, car Les Galettes de Pont-Aven dépasse le million d'entrées et reste le plus gros succès de Séria qui, ensuite, tournera Les Deux Crocodiles puis Mumu, loin d'avoir la même étoffe. "Si Les Galettes de Pont-Aven traverse les époques, c'est parce que le film ne s'inscrit pas dans l'air du temps. Il traite de sentiments éternels. Un homme amoureux dira toujours à sa femme que son cul est magnifique." Et il avoue le répéter à l'envi à son actrice Jeanne Goupil, avec qui il file encore le parfait amour. Les Galettes de Pont-Avenest finalement l'œuvre d'un grand romantique. 
[Christophe Carrière, L’Express, 16 juin 2016].

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