Le 15/05/2019 L'envers d'une histoire
- Écrit par Krishna
- Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
- Publié dans NSK partenariat CINEDUC
- Lu 9522 fois
- Imprimer
Mercredi 15 mai 2019 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
NSK RENDEZ-VOUS GRENOBLE (1/2)
En partenariat avec CINÉDUC et GRENOBLE VIT L'EUROPE
L'ENVERS D'UNE HISTOIRE / DRUGA STANA SVEGA
(Mila TURAJLIC - Serbe - France - Quatar, 2018 - 104 min)
" Si je suis vraiment une combattante de la liberté, la liberté que j'ai gagnée est le pire échec de ma vie." Srbijanka Turajlic
" Je pense que c’est un film sur l’engagement, mais aussi sur la transmission d’un certain héritage moral qui, comme tout héritage matériel, doit être pris en compte par chaque génération pour construire sa propre existence. En ce sens, ma mère et moi sommes à l’opposé l’une de l’autre en termes d’engagement : elle ne se questionne jamais, ne se demande pas si tout cela valait le coup. Alors que moi, je suis totalement dans le doute à ce sujet." [Mila Turajlic [lepolyester.com.- 23 octobre 2018]
Une porte restée fermée pendant plus de 70 ans dans l'appartement d'une famille de Belgrade devient le point de départ d’une formidable chronique familiale, politique et historique. La famille est celle de la réalisatrice, incarnée par sa mère, la charismatique Srbijanka Turajlić, ancienne professeure universitaire et importante figure de l'opposition au régime des années 1990. Grâce aux conversations des deux femmes, à la fois profondes et drôles, on parcourt l'histoire mouvementée d'un pays, ses bouleversements et ses changements politiques. Il est souvent question d'engagement citoyen et des responsabilités portées par chaque génération - celles des protagonistes mais aussi celles des spectateurs. Grâce à la générosité du récit, on plonge dans une passionnante fresque dans laquelle la réalisatrice, telle une habile couturière cinématographique, arrive à assembler le personnel et le politique, et par ricochet, la petite et la grande histoire. Dans ce voyage à travers les époques et les idéaux, cette porte fermée se révèle être un magnifique prétexte pour explorer cette aventure humaine.
Animé par un esprit de clarté, le film parvient à entremêler des trames historiques, générationnelles et géopolitiques complexes, grâce à un travail de montage extrêmement efficace, d’une grande fluidité narrative, truffé en outre d’images d’archives étonnantes et peu montrées (l’apostrophe catastrophée de Vinko Hafner, l’un des « pères fondateurs » de la Yougoslavie, à un Milosevic drapé dans son orgueil sur les bancs du Parlement).
Mila Turajlic joue sur la façon dont l’intérieur (l’appartement) et l’extérieur (la rue, l’espace public) se convoquent mutuellement. Sa caméra joue avec habileté du motif des embrasures et des fenêtres qui permettent à l’un et l’autre de communiquer : celles qui ouvrent au-dehors et permettent d’observer, par exemple, les manifestations en cours, mais aussi la télévision, où bruissent les images du pays. Le film n’est ainsi fait que de seuils à franchir, jusqu’au seuil ultime et originel : la scission de l’appartement.
Mais, en matière de passage, le plus beau est encore le relais, d’un côté à l’autre de la caméra, entre la mère et sa fille : ce flambeau des luttes que l’on n’a pas pu mener jusqu’au bout et, avec lui, la vigueur d’un pessimisme sachant qu’il n’y a, peut-être, pas grand-chose à espérer des révolutions. Du moins jusqu’à la prochaine. [Mathieu Macheret, Le Monde, 24 octobre 2018].
Renseignements complémentaires sur NSK RENDEZ-VOUS GRENOBLE 2019 dans le dossier de presse en attaché ci-dessous.