Le 14/11/2018 LES GLANEURS ET LA GLANEUSE
- Écrit par Krishna
- Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
- Publié dans Au Feminin
- Lu 11401 fois
- Imprimer
Mercredi 14 novembre 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Au féminin " (2/3)
LES GLANEURS ET LA GLANEUSE
(Agnès VARDA - France - 2000 - 82 min)
On ne peut plus regarder comme avant ceux qui soulèvent les couvercles des poubelles...
LES INTENTIONS D'AGNÈS VARDA
« Ce film est documentaire par son sujet. Il est né de plusieurs circonstances. D'émotions liées au vu de la précarité, du nouvel usage des petites caméras numériques et du désir de filmer ce que je vois de moi : mes mains qui vieillissent et mes cheveux qui blanchissent. Mon amour de la peinture a voulu aussi s'exprimer. Tout cela devait se répondre et s'imbriquer dans le film sans trahir le sujet de société que je souhaitais aborder : le gâchis et les déchets… Qui les récupère ? Comment peut-on vivre des restes des autres ? Au départ d'un film, il y a toujours une émotion. Cette fois-ci, celle de voir tant de gens qui vont ramasser ce qui traîne en fin de marchés ou les restes jetés dans les containers des grandes surfaces. Quand on les voit, on veut filmer ces personnes et c'est aussi cela qui ne se peut filmer sans leur accord. Comment témoigner pour eux sans les gêner (…)
Comme il n'y a pas de mot français pour road-movie, je pourrais dire que j'ai tourné un road-documentary. Il fallait traiter le sujet en mode rural (le glanage et le grapillage) et en mode urbain (la récupération) et je m'autorisais des digressions variées avec un point d'accroche au sujet (…)»
Cinéaste française née en 1928, Agnès Varda passe son enfance en Belgique puis à Sète. Après des études aux Beaux Arts et à l'École du Louvre elle devient la photographe du TNP aux côtés de Jean Vilar dans les années 1950. Elle tourne son premier long métrage en 1954 "La Pointe Courte", qui l'inscrit dans le cinéma de la Nouvelle Vague. La suite de sa carrière sera riche de trente-trois titres, fictions ou documentaires, parmi lesquels on peut citer des classiques tels "Cléo de 5 à 7" (1961) et "Les Glaneurs et la Glaneuse" (2000).
Un peu partout en France, Agnès a rencontré des glaneurs et des glaneuses, récupéreurs, ramasseurs et trouvailleurs. Par nécessité, hasard ou choix, ils sont en contact avec les restes des autres. Leur univers est surprenant. On est loin des glaneuses d'autrefois qui ramassaient les épis de blé après la moisson. Patates, pommes et autres nourritures jetées, objets sans maître et pendule sans aiguilles, c'est la glanure de notre temps. Mais Agnès est aussi la glaneuse du titre et son documentaire est subjectif. La curiosité n'a pas d'âge. Le filmage est aussi glanage.
"Les Glaneurs et la glaneuse", le ciné-brocante d'Agnès Varda
Les années n'ont aucune prise sur la vivacité d'esprit d'Agnès Varda, son ludisme curieux, sa générosité sociale et son intelligence cinématographique. Les Glaneurs et la glaneuse est un nouveau bijou dans sa riche et longue filmographie, un documentaire aussi libre et joueur que Murs murs, une expérience aussi ouverte et aléatoire que Daguerréotypes, un travail "politique" aussi puissant et fort que Sans toit ni loi.
L'auteur de Cléo de 5 à 7 est parti d'une image, un tableau magnifique de Millet représentant les glaneuses de blé d'autrefois, et d'un mot, "glaner", tel que défini par le dictionnaire. De ce point de départ, Varda entreprend un réjouissant voyage non organisé, une sorte de road-movie à pied, en voiture et en train, armée de sa seule curiosité et d'une petite caméra numérique, outil providentiel (pour ce projet-là) qui rend le geste de filmer aussi naturel et commode que tendre la main. [Frédéric Bonnaud, Les Inrocks, 07 juillet 2000].