Le 29/11/2017 La Servante

Mercredi 29 novembre 2017 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle " Femmes d'Asie " (2/3)

La servante / Hanyoe

Kim Ki-young (Corée du Sud 1960 - 102 mn)

Le film est à l'Asie ce que Psychose est à l'Occident : la pierre fondatrice du cinéma d'épouvante.»

En voyant La Servante, qui ressort le 15 août en France, on se rend compte qu’on n’est plus très souvent choqué au cinéma. Il faut un film coréen vieux de plus d’un demi-siècle pour sortir de l’accoutumance à la violence, à la trahison, à la débauche qui s’est emparée du spectateur. La Servante a été tourné en 1960, est sorti en 1961, pendant la seule année de liberté d’expression que la Corée du Sud ait connue entre sa fondation en 1948 et les élections libres de 1987.
La nécessité d’exprimer tout ce qui avait été refoulé pendant la guerre et la dictature explique sans doute en partie l’incroyable violence du film. Celle-ci tient aussi au caractère provocateur de son réalisateur, Kim Ki-young, oublié pendant une décennie avant de devenir, au tournant du siècle, la figure tutélaire du nouveau cinéma coréen, juste avant sa mort dans l’incendie de sa maison, en 1998.
Les raisons importent finalement moins que le résultat. La Servante, c’est cent dix minutes de concentré de désir destructeur, de haine de classe, de perversité, une image saisissante d’une société ravagée par la violence. Sans vouloir se risquer à la psychanalyse de toute une nation, les séquelles de la guerre ne sont pas étrangères au climat délétère qui règne de bout en bout.[...]
Un mélange de grâce et de voyeurisme
L’irruption de cette créature étrange, fantasque, primitive, détruit en quelques semaines l’harmonie du foyer en un crescendo de transgressions qui ira jusqu’à l’horreur. Il ne faut pas se leurrer, La Servante relève en partie de ce genre, l’horreur, suscitant un plaisir pervers né du spectacle du dérèglement violent de la norme sociale et morale.
C’est aussi, et surtout, un film d’une immense beauté formelle. L’aisance avec laquelle Kim Ki-young installe son histoire dans une société qui plonge dans la modernité (les séquences à l’intérieur du chaebol, où les ouvrières compensent la contrainte par le libertinage) laisse bientôt la place au huis clos familial, dans lequel la caméra s’insinue avec un mélange proprement terrifiant de grâce et de voyeurisme. [...]
En 1997, une première rétrospective de son œuvre est organisée au Festival de Busan, et l’année suivante, la Berlinale lui rend hommage. En 2006, c’est la Cinémathèque française qui lui consacre une rétrospective.
Ce retour en grâce a pour promoteurs les jeunes cinéastes coréens, au premier rang desquels Im Sang-soo. Celui-ci réalise en 2010 un remake de La Servante, The Housemaid, présenté en compétition au Festival de Cannes. La comparaison entre l’original de Kim Ki-young et le film d’Im Sang-soo est passionnante. Si la trame du récit reste la même – l’irruption d’une créature étrangère dans une famille –, le milieu dépeint n’est plus la petite bourgeoisie mais le monde des très riches. Là où le père de famille de 1962 tapait laborieusement sur un piano droit pour gagner sa vie, le jeune et beau patriarche de 2010 joue en virtuose sur un instrument à queue. Manque cependant à cette variation la vigueur féroce de l’original. 
[Thomas Sotinel, Le Monde, 14 août 2012]

 

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Le 6/12/2017 Charulata

Mercredi 6 décembre 2017 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle " Femmes d'Asie " (2/3)

Charulata

Satyajit Ray (Inde, 1964 - 117 mn)

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En quoi les émois d’une épouse délaissée tentée par l’écriture et l’adultère dans le Bengale de la fin du XIXème siècle peuvent-ils nous toucher en plein cœur ? Il suffit de regarder « Charulata », un des chefs d’œuvre de Satyajit Ray, pour tomber sous le charme. Le film, réalisé en 1964, nous livre le portrait subtil d’une femme en quête d’émancipation et la radiographie du mouvement des âmes dans le huis clos d’une maison, microcosme du monde. Le maître du cinéma d’auteur indien, amoureux de Jean Renoir et admirateur des néo-réalistes italiens, a été longtemps à lui seul un « continent » dans son propre pays, du fait du caractère protéiforme de son œuvre, avant de connaître la reconnaissance nationale et la notoriété internationale. Aujourd’hui, « Charulata », que son auteur lui-même considérait comme son plus beau film, nous revient, dans l’absolue modernité de son sujet et de sa forme. 
Une mise en scène dans la pénombre des âmes
Ecrivain, scénariste, compositeur, Satyajit Ray, en véritable « homme-orchestre » sait ce que le cinéma doit aux autres arts : la littérature, la musique et la danse. Il sait aussi ce qu’il doit aux cinéastes qu’il a aimés : Jean Renoir, qu’il assista un temps sur le tournage du « Fleuve », aux environs de Calcutta, sa ville natale, Vittorio de Sica pour « Le voleur de bicyclette », dont la vision dans une salle à Londres fut déterminante. Il partage, en effet, avec les cinéastes européens, les néo-réalistes en particulier, ce regard humaniste, cette infinie attention aux êtres et à leurs aventures intérieures, que l’on retrouve dans « Charulata ».
Ici le visage de l’héroïne, tantôt saisi en gros plans fixes, tantôt en plans plus larges et mouvants, s’apparente à une plaque sensible dont la caméra capte les moindres frémissements, dont la musique, composée par Ray lui-même, transcende les sentiments à travers la variété thématique et la tonalité dominante. Pour donner à voir la perception du temps et la durée d’une transformation en profondeur, -la marche lente d’une femme à la découverte d’elle-même et l’effritement irréversible d’un couple-, le cinéaste invente sans cesse des mouvements d’appareil audacieux - travellings, zooms et superpositions de plans fixes- en une sorte d’harmonie imitative des états successifs de la conscience. L’évolution des lumières à l’intérieur de la demeure, ses variations du noir et blanc contrasté et chatoyant aux clair-obscur prégnants, crée ainsi une atmosphère de désenchantement qui gagne. Et le visage de Charulata en larmes, terrassée par le départ d’Amal, penchant sa tête en bordure du lit, fait revenir l’image d’un autre visage, celui d’Henriette, juste après le baiser du séducteur dans « Une partie de campagne » de Jean Renoir : des lèvres entrouvertes, un regard douloureux qui se déplace vers un ailleurs et l’humidité de la joue sous la paupière perlée de larmes. [Samra Bonvoisin (cafepedagogique.net, 09 avril 2014].)]

 

 

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Le 13/12/2017 La Vie de O'Haru, femme galante

Mercredi 13 décembre 2017 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle " Femmes d'Asie " (3/3)

La vie de O'Haru, femme galante
Saikaku ichidai onna

Kenji Mizoguchi (Japon, 1952 - 130 mn)

« Kenji Mizoguchi est au cinéma ce que Jean-Sébastien Bach est à la musique,
Cervantes à la littérature, Shakespeare au théâtre, Titien à la peinture, le plus grand
. »
« La critique se trouve désarmée devant une telle évidence de la perfection
(Jean Douchet).

On pourrait encore parler longuement d’un tel chef-d’œuvre. On pourrait essayer de parler de l’esthétique si forte et si puissante de Mizoguchi, qui est probablement le cinéaste qui parvient à tirer le plus de force de sa mise en scène. Cette force tirée de la mise en scène avant tout se ressent, ensuite s’explique. Pas la peine d’être un cinéaste confirmé pour ressentir toute la puissance de la mise en scène de Mizoguchi, qui provient de la perfection de tous les cadrages, de la « force tranquille » des mouvements de caméras, de l’utilisation de l’espace et des jeux de lumières resplendissants. On pourrait essayer également de convaincre que l’histoire d’O’Haru est sans nul doute la plus forte que Mizoguchi nous ait contée.
O’Haru n’est pas un résumé des personnages de Mizoguchi, car chacun de ses personnages est différent des autres. Quoi qu’il en soit, il est très difficile de ne pas être ému par son tragique destin. Finalement, on a bien le droit à un mélodrame. Mais un mélodrame bien différent de ce qui peut se faire à l’époque au Japon. Tous les films de Mizoguchi sont en fait plus ou moins des mélodrames. Et tous ses films, sans exception, recèlent une force extraordinaire. Seul un Ozu, au Japon, aura réussi l’exploit, toutes époques confondues, d’être aussi constant (dans un style très différent, attention).
On pourrait effectuer une comparaison frappante : Kurosawa, considéré par d’aucuns comme le plus grand cinéaste japonais, s’est lui aussi essayé au mélodrame. Sa plus belle réussite, incontestablement, est Vivre (1952, l’année même de La Vie d’O’Haru, femme galante) ; L’Idiot, dans son genre, n’est pas mal non plus, quoi qu’il souffre de quelques longueurs. Cependant, Kurosawa cède dans quelques uns de ses films à des élans mélodramatiques assez pathétiques : le meilleur exemple en est Le Duel silencieux ; la tendance à la « mélodramatisation » exacerbée est également présente dans Scandale (film qui par ailleurs possède de très bonnes qualités). Là où Mizoguchi nous livre des mélodrames froids et implacables, animés d’une forte quasi transcendante, Kurosawa nous pond des mélos indigestes accumulant pas mal de clichés inhérents au genre.
Reste, pour conclure définitivement, que La Vie d’O’Haru, femme galante a pleinement participé à faire connaître le cinéma japonais en Occident. En 1951, le fabuleux Rashomon (Kurosawa) obtient le Lion d’or au festival de Venise. L’année suivante, c’est au tour du film de Mizoguchi d’être récompensé par un Lion d’argent (qui reste tout de même une insulte !). Pour finir, une petite anecdote : peu après le festival, un critique occidental dit à Mizoguchi, avec beaucoup d’enthousiasme, qu’il est l’égal de…William Wyler. Mizoguchi va voir un film de ce cinéaste (qu’il ne connaissait pas avant que le critique lui en parle). Il dira peu après « Eh bien, je n’ai rien à craindre »…
[Kim Berdot (iletaitunefoislecinema.com)]

 

 

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Le 20/12/2017 L'Homme de Rio

Mercredi 20 décembre 2017 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Pour finir 2017 dans la joie

L'homme de Rio

Philippe de Broca (France/Italie, 1964 - 110 mn)

« C'est un film sur le plaisir. Sur le fait qu'on peut se laisser emporter par une aventure. On tombe amoureux, et on part au bout du monde.» (Cédric Klapisch).

L’Homme de Rio (1964) est un classique inégalé du cinéma d’aventures français. Philippe de Broca lui-même nous offrit de beaux moments de cinéma de divertissement avec Cartouche ou Le Magnifique, mais il ne fit jamais mieux entouré d’une fidèle et belle équipe : Daniel Boulanger aux dialogues, Jean-Paul Rappeneau au scénario, Georges Delerue à la musique, et bien sûr Jean-Paul Belmondo en héros casse-cou, bondissant et sympathique. L’Homme de Rio est l’équivalent cinématographique des aventures de Tintin signées Hergé : ligne claire de la mise en scène et de la photographie, qui magnifient les décors naturels et urbains du Brésil, entre favélas colorées, jungle luxuriante et architecture moderne et monumentale de Brasilia ; péripéties, poursuites et action non stop, qui trimbalent notre héros de Paris à Rio à la recherche de sa fiancée enlevée par de mystérieux individus ; McGuffin (un vol d’objets archéologiques précieux) prétexte à une intrigue de sérial avec des cascades et des méchants dignes des meilleurs James Bond (Adolfo Celi reprendra du service un an plus tard dans Opération Tonnerre) ; personnage féminin aussi horripilant qu’irrésistible (la belle Françoise Dorléac) qui renvoie autant à une misogynie très Nouvelle Vague (de Broca fut longtemps considéré comme le pendant commercial des films de Godard, Chabrol et Truffaut) qu’aux ingénues excentriques de la « screwball comedy » hollywoodienne. Ce va-et-vient entre dandysme germanopratin et hommage au cinéma américain, série B et bande dessinée, virtuosité et vocation populaire ne va pas vraiment connaître de postérité en France ailleurs que dans les autres films de de Broca, hélas moins réussis que L’Homme de Rio, comme Les Tribulations d’un Chinois en Chine ou Le Magnifique. En revanche, un jeune cinéaste nommé Spielberg se souviendra de L’Homme de Rio en réalisant presque vingt ans plus tard Les Aventuriers de l’Arche perdue, qui lui emprunte certains épisodes, eux-mêmes inspirés par les serials américains des années 40. Aller-retour transatlantique Hollywood-Paris-Hollywood, comme celui de Tuttle-Melville-Tarantino à propos du film noir. Sauf que L’Homme de Rio est beaucoup plus gracieux, virevoltant et amusant que le premier épisode des aventures d’Indiana Jones, et que chaque nouvelle vision, surtout dans cette restauration numérique, est source de plaisir de d’enchantement. [Olivier Pere, 29 mai 2013 (arte.tv]

Il faut le dire une bonne fois pour toutes : L'Homme de Rio est le meilleur film d'aventures-divertissement-populaire-comédie-d'action jamais produit par le cinéma français. Un bijou, une merveille. On exagère ? Certes non. Le film ne serait pas ce qu'il est sans la fougue juvénile de Belmondo, ­ héros idéal de cette BD qui voyage de Paris à Rio pour s'achever dans la forêt amazonienne. Mais Bébel ne serait pas non plus ce héros à la fois familier et athlétique si Françoise Dorléac — kidnappée par d'odieux trafiquants — ne lui imposait pas ce copieux programme de prouesses. ­ Laquelle Françoise Dorléac est résolument irrésistible.
Mais, rendons à César ce qui lui appartient, ces deux personnages ne seraient pas si séduisants, et si élégamment placés dans des situations rebondissantes, si les quatre auteurs du scénario ne s'étaient pris le chou pour accoucher d'une histoire jubilatoirement abracadabrante et tintinophile. Histoire qui profite de la verve exceptionnelle de Philippe de Broca qui, ici, égale quelques-uns des maîtres hollywoodiens... Comme parfois dans ces cas-là, rarissimes, le film est encore supérieur à la somme de ces savoir-faire. — Aurélien Ferenczi [Télérama, 30 mars 2013]

En attendant de nous retrouver Mercredi 10 janvier 2018 à 20h,
avec au programme Le Faucon maltais ( John Huston, 1941),

Toute l'équipe du Ciné-Club de Grenoble vous souhaite une
TRÈS BELLE ANNÉE 2018 

 

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Le 10/01/2018 Le Faucon Maltais

Mercredi 10 janvier 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle John Huston (1/4)

Le faucon maltais
The Maltese Falcon

John HUSTON (États-Unis, 1940 - 100 mn)

« Qu'est-ce que la mise en scène ? C'est Le Faucon maltais de John Huston » (Positif)
« Bogart, (…) son humeur, son insolence, la pudeur ombrageuse de son masque fermé,
la précision presque abstraite de ses gestes ont conservé tout leur pouvoir sur le spectateur »
(Télérama).

Attention: Vous pouvez gagner le très beau livre de Patrick Brion: John Huston (Éditions de La Martinière) en participant au QUIZZ SUR LE CYCLE JOHN HUSTON qui aura lieu après la projection du dernier film du cycle (Mercredi 7 février 2018).

Le Cycle John Huston
John Huston est ce qu’il convient d’appeler un « monument » du cinéma américain. Cinéaste rigoureux et inspiré, son œuvre est ponctuée de grands classiques reconnus (African Queen, Les désaxés, Le Faucon Maltais) et de films plus confidentiels, voire maudits (Reflets dans un œil d’or). Huston était notamment un grand maître de l’adaptation au cinéma de romans et pièces de théâtre.
Le premier film de John Huston, Le Faucon Maltais, est un classique déjà révélateur de sa maîtrise de la caméra et de la direction d’acteurs. Quelques années plus tard, il réalise un film noir intéressant et original, Quand la ville dort, qui se démarque par un traitement approfondi des personnages et de leurs motivations : les gangsters ne sont pas des gros durs implacables mais des êtres humains sensibles et rêveurs. Le film est aussi célèbre pour la présence de Marylin Monroe, alors méconnue – actrice à laquelle Huston offrira son plus beau rôle, 11 ans plus tard, dans le superbe Les Désaxés, aux côtés de Clark Gable, Monty Cliff et Eli Wallach.

Le faucon maltais
Loin de se contenter de signer un petit film de série, Huston a réussi à trouver toute l’ambiguïté et la dureté du roman. Sam Spade, interprété par Bogard sous la férule de Huston, n’est nullement un héros manichéen après avoir profité, mais au contraire un homme qui n’hésite pas à coucher avec la femme de son collègue Miles Archer, à profiter des bonnes fortunes de sa secrétaire Effie Perine – la scène où la jeune femme roule une cigarette pour Sam Spade et la lui allume est un beau moment d’allusion érotique – et à trahir, après avoir profité d’elle, Brigid O’Shaunessy.
Autour de Spade, c’est toute la galerie des grands archétypes du film noir qui est mise en place : aventuriers plus ou moins louches, femmes vénéneuses et tueuses, épouse volage, policiers prêts à être violents, etc. La dernière scène du film voit Sam Spade embrasse et laisser arrêter Brigid, qui disparaît dans un ascenseur dont la grille est  déjà – une prison. (Patrick Brion, John Huston, Editions de La Martinière, 2003, p. 437).

 

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Le 17/01/2018 Le Vent de le Plaine

Mercredi 17 janvier 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle John Huston (2/4)

Le vent de la plaine / The Unforgiven
John HUSTON (États-Unis, 1960 - 125 mn)

Attention: Vous pouvez gagner le très beau livre de Patrick Brion: John Huston (Éditions de La Martinière) en participant au QUIZZ SUR LE CYCLE JOHN HUSTON qui aura lieu après la projection du dernier film du cycle (Mercredi 7 février 2018).

" La couleur de la peau ne signifie rien, seuls comptent les rapports
 entre hommes de bonne volonté.
" (John Huston).
« Le vent de la plaine flamboie de vérisme mythologique, nuancé et tranché
 à la fois, ample et subtil, galvanisé par la rude sensibilité du beau trapéziste 
désertique Burt Lancaster ; roux, doux et fou comme un dieu
. » (Libération).

On se souvenait de Lilian Gish jouant du Mozart sur un piano, en plein air. De beaucoup de chevaux. D'Indiens méchants, massacrés par des cow-boys virils. On se souvenait d'un western, en somme, qui avait pu faire hurler au racisme. Lilian Gish est bien là, son piano aussi, ainsi que les chevaux et les Indiens, mais de racisme point et de manichéisme pas davantage. Au contraire, film ambigu que Le Vent de la plaine, western, si l'on veut ; mais surtout réflexion désabusée de Huston sur le mensonge et la lâcheté. Rachel Zachary, recueillie autrefois par une famille de pionniers et réclamée aujourd'hui par une tribu de Kiowas, est-elle ou non une Indienne ? A partir de là, plus rien n'est tout à fait blanc, ni tout à fait rouge. Et si l'amour finit par vaincre l'intolérance, c'est au prix d'un meurtre. Plus de trente années après sa sortie, l'oeuvre n'a pas pris une ride. Elle est drue, dense, hallucinée à certains moments, tendrement humoris­tique à d'autres (la passion lentement avouée par Burt Lancaster). Sous la direction de John Huston, Audrey Hepburn est sublime. [Pierre Murat (Télérama, 19 janvier 2008)]

Une oeuvre construite sur un scénario dépouillé, sobre, limpide, qui fait la part belle, pour ne pas dire unique, aux émotions, aux sentiments, à la psychologie de personnages simples, mais profondément humains, dans leurs faiblesses comme dans leurs idéaux. Illuminée de bout en bout par la sensibilité, la grâce, la radieuse beauté d'Audrey Hepburn, l'oeuvre se développe avec lenteur, dessinant progressivement les fractures qui vont s'ouvrir dans les coeurs et les amitiés des membres de la famille Zachary, tout comme de leurs voisins et associés. Dans un temps où la haine Indiens-Blancs, inexorable, prend le pas sur toutes les autres valeurs, la révélation qui s'impose peu à peu, et paraît naturelle, anodine, à tout observateur extérieur, prend ici la forme d'un coup de tonnerre capable de fracasser les liens les plus solides. Capable d'embraser les esprits et de transformer un racisme larvé (même Ben n'y échappe peut-être pas totalement, comme le suggère sa réaction vis à vis de Johnny Portugal (John Saxon)), en une violence extrême. Si Ben se révèle, grâce en partie à l'autorité naturelle et noble de Burt Lancaster, particulièrement intense dans sa détermination, ce sont en fin de compte les deux femmes qui imposent leurs personnalités riches et fascinantes. L'une, Mattilda, par la complexité de son attitude, l'autre, Rachel, par le déchirement intérieur dû à l'éclatement de la vérité. L'inné domine-t-il l'acquis ? Les liens du sang peuvent-ils se révéler plus forts que l'affection vécue ? Une oeuvre toute en pudeur, grave, poétique, dans laquelle les émotions parlent plus haut que les armes.  
[Bernard  Sellier  (http://www.imagesetmots.fr/pages/cinema/vent_plaine.htm)]             

 

 

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Le 31/01/2018 L'homme qui voulut être roi

Mercredi 31 janvier 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle John Huston (3/4)

L'homme qui voulut roi
The Man Who Would Be King

John HUSTON (États-Unis, 1973 - 125 mn)

Attention: Vous pouvez gagner le très beau livre de Patrick Brion: John Huston (Éditions de La Martinière) en participant au QUIZZ SUR LE CYCLE JOHN HUSTON qui aura lieu après la projection du dernier film du cycle (Mercredi 7 février 2018).

Huston a toujours clamé son admiration pour l'auteur du Livre de la jungle. Longtemps, il rêva de porter à l'écran une de ses œuvres en s'imprégnant du charme à la fois mystérieux et mystique de cette lumineuse nouvelle. Le résultat est un film d'aventures palpitant, à la fois chargé d'humour et de gravité, idéale adaptation du monde de l'écrivain, en parfaite cohérence avec l'œuvre du cinéaste. En choisissant d'ancrer l'extraordinaire odyssée de Dravot et Carnehan dans un long flash-back, Huston donne au récit l'allure d'une épopée et la couleur sombre de la tragédie. Liés par un pacte insensé, ses deux héros partagent la même vigueur, la même loyauté, une envie identique de mettre leur vie en danger. Dans un incroyable décor, portés par les événements, servis par le destin, persuadés de leur supériorité morale, ils accèdent un moment à leur rêve impérialiste, démentiel et finalement dérisoire. Sean Connery, emporté et mystique, Michael Caine, ironique et pragmatique, sont inoubliables.[...]
Michael Caine a raconté sa rencontre avec John Huston : « Pour moi, c’était le Bon Dieu. Je suis sûr qu’il lui ressemble et qu’ils ont la même voix, une voix douce et rassurante. Huston savait pardonner. C’est grâce à lui que j’ai aimé le cinéma. À 14 ans, j’ai vu Le Trésor de la Sierra Madre. Le film m’a bouleversé et j’ai alors décidé de devenir comédien. Ce film raconte l’histoire de personnages impossibles, qui courent après un trésor impossible, et moi j’étais là, bouche bée, et je regardais ce rêve impossible : celui de tourner un jour avec lui. Je ne savais pas encore qu’il me dirigerait dans L’homme qui voulut être roi.»[...]
« Les deux personnages du film ne font en réalité qu’un et ils tiennent le dialogue qu’un homme peut avoir avec lui-même, plutôt un soliloque. Ils sont divisés en deux êtres, parce qu’il est difficile d’être aussi introspectif au cinéma. Lorsque l’histoire réclame leur division, c’est une sorte de séparation d’une seule personnalité, et lorsqu’ils se rejoignent à nouveau, l’individu est réuni. La moitié de lui, comme la moitié de nous-mêmes dans bien des cas, est en proie à cette maladie qui nous gagne lorsque nous accédons aux plus hauts postes, la folie des grandeurs. Nous pensons être plus que ce que nous sommes : des dieux. L’autre moitié est celle qui nous réprimande, et nous répète que nous sommes absurdes » (Patrick Brion, John Huston, Ed. de La Martinière, p. 546-547).

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Le 7/02/2018 Quand la ville dort

Mercredi 7 février 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle John Huston (4/4)

Quand la ville dort
Asphalt Jungle

John HUSTON (États-Unis, 1950 - 112 mn)

Attention: Vous pouvez gagner le très beau livre de Patrick Brion John Huston (Éditions de La Martinière) en participant au QUIZZ SUR LE CYCLE JOHN HUSTON qui aura lieu à la fin de la séance.

« D’une manière ou d’une autre nous travaillons tous pour nos vices.»
« Le  crime n’est après tout qu’une forme dégénérée de l’ambition.»

[Patrick Brion – Le film noir – Editions de La Martinière, 2004, p. 242)]

Quand la ville dort, fait partie des films noirs les plus marquants des années 40 et 50. Il marque en effet le début d’un genre, c’est le premier film qui montre toute la préparation, le déroulement et les suites d’un cambriolage de haut vol. C’est le premier « film de casse » (caper movie). Auparavant les films décrivant le parcours de gangster les présentaient comme des hommes parfois brillants mais invariablement avides de pouvoir et de grandeur. La grande originalité de John Huston est de présenter ses personnages comme des hommes ordinaires. Ils ne sont pas brillants mais professionnels, avec des problèmes ordinaires : ils vont tenter de faire le plus gros casse de leur vie. Le film nous décrit la préparation puis le déroulement avec une précision digne d’un documentaire, sauf que Huston est surtout intéressé par les personnages plus que par l’action elle-même. Cela donne à Quand la ville dort une profondeur qui dépasse le genre. Pour accentuer cette authenticité, Huston a choisi de ne pas prendre d’acteur connu ; Sam Jaffe incarne remarquablement ce petit homme, cerveau de l’opération, et Sterling Hayden, à la fois gros bras et gros poupon, parvient à traduire tous les tiraillements internes de son personnage. Il faut aussi signaler la présence de la jeune Marilyn Monroe dans un petit rôle, petit mais assez important toutefois. L’atmosphère est citadine, nocturne, engendrant une impression d’enfermement qui ne se relâchera qu’à la toute fin, superbe fin apportant une sensation d’air libre et frais dans la campagne du Kentucky. Quand la ville dort a été copié maintes et maintes fois, citons notamment Du rififi chez les hommes de Jules Dassin qui en reprend la trame avec bonheur.
[http://films.blog.lemonde.fr/2009/04/14/quand-ville-dort/]

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Le 27/02/2018 Les Dieux du Stade

Olympia - Leni Riefenstahl Allemagne - 1938 - 201 min MARDI 27 FEVRIER à 20h A l’occasion du cinquantenaire des Jeux Olympiques d’hiver de Grenoble, 1968-2018, Cinéduc a décidé pour sa biennale d’explorer le thème “A contre-courant des JO”.
Les Dieux du stade, film politique, tourné à la demande d'Hitler pour promouvoir, à travers les jeux olympiques, représente une image radieuse du nazisme et la race aryenne, comparée à la pureté d'une statue grecque. On ne peut nier cette visée propagandiste. Mais en dépit de son message politique, Les Dieux du stade est une véritable prouesse cinématographique.

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Le 28/02/2018 Jeremiah Jonhson

Mercredi 28 février 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle " Blanche comme neige " (1/3)

Jeremiah Johnson

Sydney POLLACK (États-Unis, 1972 - 108 mn)

" Nous ne voulions pas insister sur l’aspect excessivement violent ou barbare du personnage, mais plutôt
raconter l’histoire d’un homme qui renie la société organisée et s’élève jusqu’à des montagnes vierges
pour se modeler une vie à sa mesure, libérée des contraintes imposées par la civilisation.
Il découvrira que pareille beauté n’existe pas
…" (Sydney Pollack).

Partir à la recherche d'un mode de vie en harmonie avec la nature, voilà un thème faisant précisément écho au mouvement hippie en vogue depuis les années 1960. Pourtant en cette année 1972, Sydney Pollack, tout comme Wes Craven et John Boorman la même année avec respectivement La dernière maison sur la gauche et Délivrance, va malmener cette douce utopie. Ce que Jeremiah va fuir, il le retrouvera dans les montagnes qui vont l'entourer. La violence, l'incompréhension entre les hommes et l'impossibilité de trouver une place dans un monde qui ne veut pas de lui. Tout ce qu'il avait laissé derrière lui, il devra fatalement à nouveau y faire face. Road movie, Western, film d'aventure, Jeremiah Johnson est tout cela à la fois mais avant tout l'œuvre cruelle d'un cinéaste qui pendant plus d'une heure et demi placera son héros devant des chimères impossibles à vaincre. (...)
Alors que Wes Craven organisait la rencontre entre de jeunes filles rêveuses et des tueurs en cavale dans La dernière maison sur la gauche, que John Boorman plaçait des citadins en mal d'émotion fortes face à une certaine idée de l'Amérique profonde dans Délivrance, Pollack met ici Jeremiah face à ses désillusions. Le résultat est sensiblement le même: la destruction d'une époque utopique. [Fabien Alloin (iletiaitunefoislecinema.com)].

Jeremiah Johnson est un grand et beau western ! Sydney Pollack et Robert Redford nous embarquent dans une aventure humaine, où la glace, le sang et le feu s’entrechoquent. Une œuvre viscérale qui se veut le plus authentique possible, tout en conservant le spectacle cinématographique.
La scénographie nous offre des plans somptueux, une beauté visuelle qui contraste parfaitement avec l’hostilité que génère la nature et l’homme. Le réalisateur est au plus près du héros, pour nous transmettre chacune de ses sensations, aussi bien dans son apprentissage que sa quête de vengeance. Sydney Pollack varie magistralement son regard sur les trois actes du script, sa caméra s’adapte et prend en considération du vécu de Jeremiah. Au départ, tout est assez nouveau pour lui, puis peu à peu ça devient instinctif, comme nous le montre la sublime scène du duel entre l’indien et le héros. Le montage prend du coffre au rythme du personnage, c’est assez fascinant.
Au niveau de l’écriture, on est en plein dans la quête identitaire. Un déserteur de l’Armée américaine qui souhaite être loin du conflit et de la civilisation. On peut y voir un parallèle avec la guerre du Vietnam, surtout de la part du scénariste d’Apocalypse Now. Seul, Jeremiah Jonhson a pour objectif de tracer son propre chemin. Celui-ci va le conduire à des embuches, des rencontres, ce qui va construire notre héros et lui donner des raisons de vivre, mais encore plus de survivre. L’intrigue développe intelligemment les différentes cultures indiennes et leurs tempéraments, ce qui rappelle un certain Danse avec les loups. Les scénaristes s’éloignent des stéréotypes de l’époque et humanise vraiment les indiens, on est en plein de le Nouvel Hollywood. (lecinemaavecungranda.com).

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