Tueurs de dames

Mercredi 10 juin 2015, 20h
Alexander Mackendrick (1)
Tueurs de dames / The Ladykillers
[Alexander Mackendrick (GB - 1955)]
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Pour terminer notre saison cinématographique dans la bonne humeur,
rien ne vaut un retour aux sources: deux comédies d'Alexander Mackendrick 

Alexander Mackendrick, le représentant le plus brillant de l’humour anglais.
Après la Seconde Guerre mondiale débute l’histoire légendaire de la comédie made in Ealing. Elle suppose un arrière-plan réaliste, une situation logique poussée jusqu’à l’absurde, la peinture d’une petite communauté, et enfin une bonne dose d’humour pince-sans-rire. « Nous prenions un personnage – ou un groupe – et nous le laissions foncer tête baissée sur un problème apparemment insoluble », écrira Michael Bacon [un des producteurs des studios Ealing]. De nombreux films illustrent parfaitement ces propos : avec notre complicité amusée, les îliens écossais de Whisky à gogo (1949) bernent la douane anglaise ; le charmant Louis Mazzini (Dennis Price) de Noblesse oblige (1949), trucide méthodiquement une famille d’aristocrates, dont tous les membres sont interprétés par Alec Guinness ; l’équipe de De L’or en barre (1951) vide les coffres de la  Banque d’Angleterre, et, dans une fable sur la mutation industrielle de l’après-guerre, L’Homme au complet blanc (1951), le génial et inventeur Sidney Stratton (Alec Guiness) affronte d’un même mouvement patrons et syndicats de l’industrie textiles. Dernier petit chef-d’œuvre made in Ealing, Tueurs de dames (1955), dans lequel, sur un air de Boccherini, un groupe de malfrats conduit par le Dr Marcus (Alec Guiness) bute sur la candeur d’une petite vieille dame, Mrs Wilberforce (Katie Johnson).
                                                                          Philippe Pilard, « La comédie à l’anglaise », in N.T. Binh et Philippe Pilard (dir.)
                                                       Typiquement British, Le cinéma britannique, Editions du Centre Pompidou, 2000, p. 67-68.

Tueurs de dames / The Ladykillers
                     " Vous avez six personnages, et à la fin, cinq d'etre eux sont morts. Et vous me dites que c'est une comédie ? "
                                                                                                                                                                              Michael Bacon.
La conduite du récit comique de Tueurs de dames est implacable, et fait oublier que le film est entièrement construit sur une seule idée : comment l’innocence simplette d’une vieille dame peut venir à bout de la plus élaborée des machinations criminelles. Mackendrick oppose savoureusement l’hystérie croisante de la bande d’escrocs (où se distingue particulièrement Alec Guiness, Peter Sellers et Herbert Lom) au calme posé et méthodique de l‘incroyable Mrs Wilberforce (Katie Johnson). Là encore, il importe our susciter l’adhésion des spectateurs que le personnages ne soient pas de simples pantins. Selon une tactique héritée de Hitchcock de la période anglaise, ou des films de Launder et Gilliat, le réalisateur procède à une identification du public aux différents personnages pour faire monter le suspence. Alternativement, il est important que nous trouvions cette petite vieille exaspérante dans ses tentatives involontaires à faire échouer l’ingénieux hold-up, et attachante pour qu’il nous soit insupportable de la voir assassinée par nos maladroits gangsters.
Les couleurs chatoyantes du film contrastent avec sa cruauté macablre (mise en valeur, dans sa seconde partie, par de spectaculaires clairs-obcurs), ce qui ajoute à sa force comique. De même l’astucieuse styllisation des décors de studios lui donnent une allure de contes de fées qui « déréalise » le parfum d’exaspération croissante des Tueurs de dames. Et l’amoralisme de l’épilogue n’en acquiert que plus de saveur : la charmante madame Wilberforce, que personne ne croit, profitera seule du pactole volé et pourra enfin s’acheter un nouveau parapluie. Entre-temps, Mackendrick aura une fois de plus brossé un tableau peu reluisant de la société britannique : une vieille demeurée, des escrocs pitoyables, des autorités incompétentes sont le protagonistes révélateurs de la dernière comédie anglaise du cinéaste, qui s’engagera bientôt dans d’autres voies sans jamais cesser de nous surprendre.
                                                                                                                         Yann Tobin, Positif (Février 1992), p. 85-86.

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Whisky à Gogo

Mercredi 17 juin 2015, 20h
Alexander Mackendrick (2)
Whisky à gogo / Whisky Galore!
[Alexander Mackendrick (GB - 1949)]
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

« La plus amusante famine du cinéma. »
Pauline Kael
« Whisky à gogo offre à chaque vision un plaisir renouvelé, comme si on y retrouvait,
parmi les personnages, de vieux amis, qui, malgré le passage des ans,
gardent le pouvoir de nous réjouir ou de nous émouvoir comme la première rencontre. »
Yann Tobin, Positif (Février 1992), p. 85-86.

Comique racé
Le film ne réserve qu’un rôle accessoire aux femmes : l’alcool, c’est une affaire d’hommes. Un rien sexiste, le film est aussi raciste au sens littéral : c’est une question de lutte des races. D’un côté, les habitants de l’île sont donc voulus comme des Écossais caricaturaux, tandis que le capitaine Waggett est un Anglais bon teint, pétri de morale rigide et stricte. On prête cependant cette citation à Alexander Mackendrick, qui éclaire le film sous un nouveau jour : « Je me suis rendu compte que le plus Écossais des personnages de Whisky à gogo ! n’est autre que Waggett l’Anglais. Il est le seul puritain, calviniste – tous les autres ne sont pas écossais, mais irlandais ! ». Le triomphe final de l’ingénuité têtue des Irlandais/Écossais contre l’esprit bureaucratique imbécile de l’Anglais local peut donc étonner, mais le succès du film à l’époque dénote bien la capacité à l’autodérision du public britannique. Waggett est un personnage typique de la dynamique des comédies Ealing : l’expression d’une autorité aveugle, imbécile et rigide, incapable de s’affronter à une situation qui ne rentre pas dans ses cases. Typique en cela des comédies Ealing, Whisky à gogo ! charme avant tout par ses seconds rôles, que ce soit Joan Greenwood, Wylie Watson ou la myriade d’extras, tous amateurs, recrutés sur l’île même où a été tourné le film. Du cinéma populaire, littéralement.
                                                                     Vincent Avenel [http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/whisky-a-gogo.html]

Essentiellement tourné en décors naturels sur une petite île du nord de l’Écosse avec la participation des habitants, Whisky à gogo est considéré comme un grand classique de l’école humoristique anglaise. C’est la seule comédie de la Ealing qui soit adaptée d’un roman, celui éponyme de Compton MacKenzie, fortement inspiré d’un fait réel. Première réalisation d’Alexander Mackendrick, une satire acerbe de l’Angleterre vue par les Ecossais.  
« Ealing donne parfois l’impression d’avoir été une sorte de parenthèse enchantée, tant dans la production des films que dans leur nature, une synthèse assez parfaite de toutes les composantes (culturelles, sociales, humoristiques...) de l’esprit britannique qui aura débouché sur quelques films qui n’auraient pu être tournés ni dans un autre pays, ni à une autre époque, mais qui sont, tels qu’ils sont, très exactement ce qu’ils devaient être. Whisky à gogo en est l’un des exemples les plus représentatifs. »
                                                                Antoine Royer pour le site DVD Classik. [On peut lire l'article dans le fichier attaché].

 

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