Les Amours Imaginaires
- Écrit par Krishna
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- Publié dans Amours de Jeunesse
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Xavier Dolan n'est pas un génie. Ce n'est pas non plus un fumiste ni une saveur du mois. C'est un réalisateur, un vrai, un cinéaste jeune qui fait des films de son âge une qualité plus rare qu'il n'y paraît dans une industrie nord-américaine où des quinquagénaires font, en série, des films prétendument pour ados. Réglons la question de l'âge : Truffaut avait 26 ans lorsqu'il écrivit Les 400 coups, Carax en avait 23 lors du tournage de Boy Meets Girl et Forcier, également 23, lorsqu'il conçut Le retour de l'immaculée conception. Il est curieux qu'à notre époque où le jeunisme fait loi, on s'étonne de ce qu'un créateur de moins de 30 ans ait quelque chose à dire et sache comment le dire. Avec ses intuitions flamboyantes et ses maniérismes agaçants, avec sa fausse désinvolture et sa sincérité maquillée, Les Amours imaginaires confirme que Dolan est un cinéaste affirmé qui a un univers, une voix, un vrai regard sur le monde. C'est déjà beaucoup, à n'importe quel âge.[...]
Nous sommes ici au cinéma, pas dans la littérature filmée, ni dans la sociologie en images. Les personnages des Amours imaginaires n'existent qu'à l'écran, et seulement dans le contexte de cette histoire de triangle amoureux. Leur travail, leur famille, leurs amis, leur passé, leur avenir n'ont aucune importance. Ne compte que ce flux amoureux qui circule et l'univers dans lequel il s'inscrit qui, bien avant d'être à Montréal, en 2010, est celui de la planète cinéma. Musset, Dalida, Koltès, Michel-Ange, le Bauhaus sont appelés, mais ce sont les citations au 7e art qui forment le coeur de cet opus créé par un enfant de l'image. Né en 1989, Dolan n'est pas seulement un enfant de Musique Plus et du web, il est le fruit d'un siècle d'images qui, de Man Ray à Gus Van Sant, en passant par Audrey Hepburn, James Dean et Cocteau, trouve ici une expression aussi tendance qu'assumée. Les citations abondent, mais elles sont porteuses de sens. [...]
Cinéaste d'aujourd'hui, il sait filmer l'attente, le désir, la frustration, mais aussi les arbres, les ombres et les nuques. On zyeute ces dernières, on les caresse, on les gratte, on les tend : sous l'oeil amoureux de la caméra, la nuque devient une métaphore du désir. Ce n'est pas l'idée du siècle (on se souviendra, entre autres, de celle de Vanessa Paradis dans Noce Blanche, et de celle de Paul Newman, dans tous ses films), mais c'est une idée de cinéma qui atteint son but. Ceci dit, les « défauts » du cinéaste ne sont pas ceux qu'on retrouve souvent dans le cinéma québécois (images léchées, message appuyé, récit laminé par le rouleau compresseur des institutions). Ce ne sont pas non plus ceux du cinéma français ou ceux du cinéma américain, indépendant ou non. Nord-américain de sensibilité européenne (comme dit l'autre!), Dolan a des défauts qui lui appartiennent et le définissent. Si ce n'est pas la marque d'un créateur... Tout en jouant à fond la carte de la séduction, fût-elle à rebrousse-poil, il n'essaye pas de plaire à tout le monde et à son voisin. Et l'urgence palpable dans Les Amours imaginaires (tout comme dans J'ai tué ma mère) apporte un vent de fraîcheur salutaire dans un cinéma national trop souvent consensuel. Avis aux intéressés, ce film-ci ne fera pas l'unanimité, et c'est tant mieux.
[Extraits de l'article d'Eric Fourlanty qu'on peut lire dans son intégralité dans le fichier en attaché].
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