Vent du Nord

Vent du Nord (3)

Morse

Mercredi 17 février 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Vent du Nord " (1/3)

Morse
Tomas Alfredson (Suède - 2008)

                        • Tomas Alfredson sur son film
                          " Le mélange entre réalisme social, le portrait de ce garçon malmené et renfermé… C'était vraiment dénué de sentiment et, en même temps, cela provoquait énormément d'émotions en moi. A mon sens, lorsqu'un film est trop sentimental, on décroche assez vite et je déteste ça. J'aime davantage que les sentiments d'un métrage ne soient pas forcés et qu'ils soient en partie créés par moi. C'était d'ailleurs l'une des grandes qualités du livre original. Mais aussi parce que j'ai eu pas mal de mauvais moments à cet âge là moi-même. Cela m'a ramené beaucoup de souvenirs et de sentiments assez forts de mon enfance. Ce type d'émotion, ceux que l'on éprouve à cet âge là, sont souvent très forts et ils font partie de vous même. C'était d'ailleurs un bon moteur pour avancer sur un film que l'on développe sur plusieurs années."
                          [http://www.devildead.com/indexdossier.php3?langage=1&dossier=31&page=3]

                          Subversif et choquant, onirique et touchant, hypnotique et horrifiant, MORSE (LET THE RIGHT ONE IN) est tout cela et beaucoup plus encore. Tout en situant dans un contexte actuel les règles du mythe du vampire, le film frappe fort en devenant à la fois un sombre «coming-of-age flick» et une mystérieuse histoire d’amour explorant les côtés sombres de l’aliénation adolescente. Des performances extraordinaires, un scénario inoubliable (que le Suédois John Ajvide Lindqvist adapte de son propre best-seller), une mise en scène maîtrisée et une splendide direction artistique usant brillamment de contrastes entre les scènes d’intérieur et d’extérieur s’unissent en une parfaite tempête noire. Il n’est pas surprenant d’apprendre que JJ Abrams a été séduit par ce film et qu’il tente présentement de mettre un remake en chantier. Le réalisateur Tomas Alfredson émerge avec un chef d’œuvre absolu et un classique instantané du cinéma d’horreur contemporain.
                          Mitch Davis [http://www.fantasiafestival.com/2008/fr/films/film_detail.php?id=42]

                    • Enfants acteurs
                      Le film repose en grande partie sur la performance de deux très jeunes interprètes inconnus du public. Après un casting qui a duré près d’un an, le réalisateur arrête son choix sur la brune aux yeux noirs Lina Leandersson pour Eli et le blond aux yeux clairs Kåre Hedebrant pour Oskar.
                      Leur jeu est complémentaire pour souligner leurs différences, la fragile détermination et le caractère lunaire du garçon avare de mots répondant à la troublante force d’incarnation de Lina Leandersson, tiraillée entre les âges. L’actrice a la faculté de moduler ses traits de manière à passer à vue, et grâce au maquillage, d’un visage de gamine à celui d’une femme usée par le temps. En revanche, Tomas Alfredson a recouru à Elif Ceylan pour doubler intégralement la voix trop aiguë de Lina Leandersson et obtenir des tonalités vocales plus caverneuses dans le but de suggérer plus encore le caractère sans âge et l’androgynie du personnage.
                      [Dossier d'étude proposé par le CNC] 

                    • On trouvera ci-dessous, en fichier téléchargeable, le dossier d'étude proposé par le CNC.
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La Fille aux allumettes

Mercredi 2 mars 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Vent du Nord " (2/3)

La Fille aux allumettes
Aki Kaurismaki (Finlande - 1990)

" De l'autre coté de la haute mer,
il existe un pays où des vaques clapotent sur les rives du bonheur...
 "

Le film clôture la "trilogie prolétarienne". Après l’éboueur amoureux (Shadows in Paradise), après le chômeur devenu voleur parce que la société l’a volé (Ariel), voici l’ouvrière qui devient tueuse parce que la société l’a tuée.
Le film évoque par son titre une oeuvre d’Andersen et se joue des personnages et des rebondissements classiques des contes de fées : les parents aigris exploitent leur fille, le prince est tout sauf charmant et la fin s’avère aussi efficace que tragique.
Avec son économie de gestes et de paroles, sa briéveté, son refus de la dramatisation, il y a de la rigueur bressonnienne dans le traitement du pitoyable destin d’une jeune fille que tout le monde exploite, dans une Finlande où la vie quotidienne ne semble pas d’une folle gaieté et qui se conclut par une noire vengeance .
La réalité mondiale perçue par la télévision glisse sur Iris : la répression de la place Tien anh Men, l'explosion de gaz en URSS et ses 700 victimes, la mort de l'ayatollah Komeny en Iran. Perdue en elle-même, dans la salle de bal elle écoute la triste chanson et ses faux espoirs :" De l'autre coté de la haute mer, il existe un pays où des vaques clapotent sur les rives du bonheur... "
[http://www.cineclubdecaen.com/realisat/kaurismaki/filleauxallumettes.htm]

Ce pourrait être un mélo genre « séduite et abandonnée », suivi de « la vengeance d’une femme », ce n’en est pas un. Ce pourrait être un film social, un film sur ce qu’on appelait naguère le prolétariat, ce n’est pas ça non plus. C’est autre chose. Qui ne ressemble à rien de connu. Un film d’Aki Kaurismaki. La Fille aux allumettes n’est jamais pesant. Kaurismäki filme au rasoir. Pas d’attendrissement, pas d’explications superflues. Rien que l’essentiel. Des images acérées, magnifiquement éclairées et cadrées, qui fuient le misérabilisme comme la peste. Et toujours cet humour désanchanté, ce sens du dérisoire, toujours cet humanisme sans complaisance qui illuminent les films de Kaurismäki.
[http://www.cinemas-utopia.org/bordeaux/index.php?id=247&mode=film]

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Adalen 31

Mercredi 9 mars 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Vent du Nord " (3/3)

Adalen 31
Grand Prix du Jury -  Festival de Cannes 1969
Bo Widerberg (Suède - 1969)

                        • " Les films d'ingmar Bergman sont verticaux. Les miens sont horizontaux. Il aime plonger dans l'âme humaine.
                          Moi j'aime découvrir les beautés et les grandeurs de l'homme quotidien tel qu'il m'apparaît avec ses qualités et ses défauts."

                          [in Jean-Loup Passek, Dossiers Casterman, 1972]
                        • Redécouverte de Bo Widerberg, cinéaste suédois des sixties au style vigoureux et charnel

                          Alors qu’ils connurent une vraie reconnaissance en leur temps, les films de Bo Widerberg étaient devenus des trésors inaccessibles du cinéma suédois, cités ici et là par quelques cinéphiles pas franchement remis de leur découverte. On les comprend.

                          Il est probable que la place écrasante occupée sur le terrain du cinéma nordique par le maître Bergman y est pour quelque chose. Il faudra d’ailleurs à Widerberg tuer le père (il lui reprochera notamment son orientation métaphysique) alors qu’il est encore jeune critique de cinéma.

                          Comme les cinéastes de la Nouvelle Vague, qu’il admire, c’est mû par un désir farouche de liberté et de changement qu’il fait ses premiers pas derrière la caméra. Dans son premier long métrage, Le Péché suédois (1963), produit par Pierre Braunberger, cette liberté formelle s’articule subtilement avec la liberté recherchée par son héroïne, véritable petite sœur de la Monika d’Ingmar (pas totalement répudié !), issue d’un milieu modeste, qui quitte le père de son enfant.

                          Apparaît déjà dans ce sublime portrait de femme tout ce qui fait la richesse du cinéma de Widerberg et se déploiera pleinement dans ces deux chefs-d’œuvre que sont Elvira Madigan (1967) et Adalen 31 (1969) : l’art de faire des sentiments une matière première, lumineuse et vibrante, une force autonome, à partir desquelles le cinéaste regarde le monde, en extrait sa beauté la plus pure et sa violence (sociale) la plus folle. D’où une mise en scène jamais psychologique, des plans habités et un montage audacieux, toujours prompts à saisir des états, des émotions au fil de motifs, d’éclats poétiques incroyablement charnels et vivants.

                          Pas étonnant que le nom de Pierre-Auguste Renoir soit répété inlassablement par le jeune garçon d’Adalen 31, comme un credo, au moment où il découvre les reproductions de ses tableaux, car le cinéma de Widerberg reste on ne peut plus fidèle à cette idée de la peinture comme art du jaillissement.

                          Dans Adalen 31, où les premiers émois adolescents sont bouleversés par l’ordre social et les conséquences sanglantes d’une importante grève d’ouvriers (qui marqua la Suède en 1931), aussi bien que dans Elvira Madigan, qui retrace le destin tragique (réel) au XIXe siècle d’un couple adultère formé par une célèbre funambule et un lieutenant déserteur, tout se vit comme si c’était la première et la dernière fois, comme une ultime et intense expérience de vie et de mort, inoubliable.
                                                                                                Amélie Dubois [Les Inrocks, 28 janvier 2014].

                    •  La critique de la Revue des deux mondes
                      Adalen 31 est une œuvre romanesque, mais s'appuyant sur des faits réels (...) Sur ce fond historique, l'auteur a raconté la vie de deux familles, celle d'un docker et celle d'un contremaître dont les enfants de dix-sept ans nouent une idylle et découvrent les premiers émois de l'amour à travers le drame social et la tragédie finale qui les entourent.

                    • Le trait le plus caractéristique de ce film, c'est le ton dans lequel Bo Widerberg l'a placé. Nous sommes à l'opposé de la tranche de vie : c'est de l'Anti-Zola. En effet, tout au long de ces troubles et de ces émeutes, l'auteur ne perd jamais de vue l'aspect comique et humoristique du drame qui se joue. Il nous montre le sang et la mort, mais aussi la vie quotidienne, familière de ces hommes et de ces femmes qui, entre deux charges de cavalerie, entre deux rafales de mitrailleuses, préparent leur repas, font la lessive, étendent le linge, répètent le prochain concert de l'Harmonie municipale, il nous montre aussi ces jeunes garçons et ces filles qui échangent leurs premiers mots d'amour, qui se donnent leurs premiers baisers..

                      Il y a la vie dans ces images saisissantes, il y a le champ et le contrechamp, et la nature parée de ses plus belles couleurs. Car Bo Widerberg est un peintre impressionniste, il nous l'a bien montré dans Elvira. Madigan.

                      Renoir (Auguste) le hante : de ce point de vue, son film est une admirable réussite photographique (...) le film est beau, émouvant, d'une belle tenue cinématographique. Enfin les quelques scènes osées que Bo Widerberg a tournées gardent toujours une fraîcheur, une sorte de pureté et d'innocence qui nous empêchent d'être choqués (...)

                      Tous les interprètes (ils sont inconnus du public français) sont excellents : ils entrent dans la vie de leurs personnages, dans leurs meubles, dans leurs habits, dans leur nudité.

                      Si If... est un bon film, c'est tout de même à Adalen 31 que j'aurais donné cette année le Grand Prix du Festival de Cannes (ex aequo peut-être avec Ah ! ça ira du hongrois Miklos Jancso)..."

                                                                     Roger Régent, La Revue des deux mondes, 01 juillet 1969.

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