Les Loosers Magnifiques

Les Loosers Magnifiques (3)

Le 17/10/2018 Le Pigeon

Mercredi 17 octobre 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle " Les Losers magnifiques " (3/3)

Le pigeon / I soliti ignoti

Mario MONICELLI (Italie, 1958 - 102 min)

" La vie est une farce cruelle que seul le rire peut déjouer." (Mario Monicelli).

MARIO MONICELLI, MONSTRE SACRÉ DE LA COMÉDIE À L'ITALIENNE
Le triomphe du Pigeon (1958) apporte une célébrité internationale à Mario Monicelli scénariste et metteur en scène très actif dès les années 30 et qui avait déjà cosigné avec son camarade Steno de nombreuses comédies souvent interprétées par le génial Totò. Le titre original du Pigeon, que l’on pourrait traduire par « les éternels inconnus » ou « les habituels laissés-pour-compte » explicite l’héritage du néo-réalisme dans son souci de filmer la réalité des classes populaires et de la misère du pays, mais avec un cynisme et une férocité propres à la culture italienne et à l’humour romain. Les protagonistes du Pigeon sont des ratés, constamment frappés par la malchance, mais leur énergie et leur appétit de vivre leur permettent de surmonter humiliations et échecs à répétition. Le Pigeon est un pastiche assumé du Rififi pour les hommes de Jules Dassin, transposé dans le sous-prolétariat de Rome : la préparation minutieuse d’un cambriolage par une équipe disparate, assortie de péripéties et imprévus cocasses, puis sa réalisation marquée par un coup de théâtre absurde. Le film, extrêmement bien écrit et interprété, avec des situations et des dialogues irrésistibles a la particularité de réunir plusieurs générations d’acteurs formidables. Le vétéran Totò, prince de la comédie napolitaine, y donne la réplique aux jeunes Mastroianni et Gassman – au bagout extraordinaire – qui ne sont pas encore des stars mais qui vont le devenir bientôt, et réapparaîtront régulièrement dans des comédies. La belle Claudia Cardinale y fait sa deuxième apparition à l’écran, après Goha de Jacques Baratier tourné la même année dans sa Tunisie natale. Ce classique à l’immense popularité permettra à Monicelli d’enchaîner plusieurs chefs-d’œuvre du cinéma italien dans les années 60 et 70. Le succès du Pigeon engendrera une multitude de copies, remakes, imitations ou suites plus ou moins officielles, lançant la mode de la fameuse « comédie à l’italienne. » [Olivier Père (Mai 2014), arte.tv]

BRAQUEURS AMATEURS 
On célèbre aujourd’hui la reprise d’une comédie culte de la belle époque italienne. Un mets de choix à déguster sans modération avant la grande bouffée d’hilarité qu’apporteront deux décennies de comédie à l’italienne.
C’est une tendresse et une légère nostalgie pour l’Italie d’alors qui pointent le bout de son aile lorsque l’on revoit Le Pigeon. Sorte de Touchez pas au grisbi transalpin, le film met en scène une fricassée d’italiens à la petite semaine dont le but est de remporter le pactole en organisant un menu fric-frac. Malheureusement, en bons amateurs indécrottables, le gang bigarré doit faire face à des embûches conséquentes, des conseillers maladroits et un anti-professionnalisme constant. Le pigeon en question est d’abord ce remplaçant de fortune que les Mario, Michele et consorts cherchent à tout prix à recruter pour sauver des geôles le malheureux Cosimo, pris plus tôt la main (et la manche) dans le sac. Ce sera le boxeur Peppe qui passera par cette case tandis que Cosimo, lui, y restera. Une infortune crasse que la suite du film ne fera qu’infirmer et que les minables gangsters, dans leurs humbles manigances, appelleront aussi.
Le Pigeon pose les bases de la comédie italienne. Derrière sa toile de fond populaire où se rencontrent des personnages gouailleurs et bons vivants, il distille un mélange d’humour pittoresque et de théâtralité débonnaire. Si le genre repose essentiellement sur des gueules d’acteurs prêt à toutes sortes de cabotinage, le film de Monicelli se démarque par son casting de choix. Ainsi, l’on pourra savourer la tchatche de Vittorio Gassman, être une fois encore séduit par la beauté généreuse de Claudia Cardinale (ou de Mastroianni) et goûter à un large choix de répliques savoureusement lancées. Des superpositions de voix canailles lorsque l’on se chamaille, aux bons mots (« Tu pourrais crier doucement ? », « La vie est comme une longue fleur qui ne s’ouvre qu’une fois ») jusqu’aux piteux préparatifs d’un casse que Woody Allen exportera dans un sketch fameux (Prends l’oseille et tire-toi), Le Pigeon fonctionne tout du long. Même les cartons (ironiques à souhait) seront contaminés par la fièvre drolatique de l’entreprise. Enfin, la réitération d’un idéal de braquage (« Faire les choses scientifiquement ») opposé dans les faits à des ustensiles de bazar, instruit sur les mécanismes du rire tendre et moqueur de la comédie à l’italienne. Toujours alimentées par d’improbables perturbations (la scène de la clé) qui enrayent continuellement la machine, les situations du Pigeon ne font qu’enregistrer le cadre précaire de ces existences en marge pour ensuite les embellir en un rire noble et franc. [Romain Genissel (critikat.com)]

UN QUATUOR DÉCISIF
Le scénario fut écrit par Mario Monicelli, Suso Cecchi D’Amico, Age et Scarpelli. Cecchi D’Amico était directement issue du néoréalisme puisqu’elle avait travaillé avec Francesco Rosi, Michelangelo Antonioni et surtout Luchino Visconti dont elle restera la principale scénariste. Quant à Age et Scarpelli, ils avaient déjà souvent collaboré avec Monicelli pour ses films avec Totò. Ce tandem de scénaristes s’était formé au sein du journal satirique Marc’Aurelio où le premier (Agenore Incrossi de son vrai nom) écrivait des histoires comiques tandis que l’autre (Furio Scarpelli) faisait des caricatures.
Selon Jean A. Gili, Age et Scarpelli sont ceux qui ont définitivement opéré « la greffe du néoréalisme sur l’arbre de la comédie populaire ». Ils ont travaillé avec tous les grands réalisateurs de la comédie à l’italienne, et beaucoup d’historiens les considèrent comme les véritables cerveaux de ce courant. Leur ton très corrosif se caractérise par une connaissance profonde de la réalité sociale de leur pays (due notamment à leur expérience de journaliste) associée à un sens aigu de l’observation et à un humour féroce.

 

 

 

 

 

 

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Le 10/10/2018 Macadam Cowboy

Mercredi 10 octobre 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle " Les Losers magnifiques " (2/3)

MACADAM COWBOY / MIDNIGHT COWBOY

John Schlesinger (États-Unis, 1969 - 110 min)

Macadam Cowboy et le Nouvel Hollywood
Courant majeur dans l'histoire du cinéma américain, le Nouvel Hollywood a marqué les années 70 et profondément renouvelé la manière de faire des films. La tendance est à la fin du héros américain ordinaire (Butch Cassidy et le Kid, Les Désaxés …); dans Macadam Cowboy, le cow-boy est un gigolo, qui vit dans un studio avec un tuberculeux. Les deux amis (interprétés par les stupéfiants Jon Voight et Dustin Hoffman) vivent dans des conditions indignes et sordides, mais John Schlesinger les filme toujours avec respect. Le nouveau héros l'est par ses qualités humaines et la façon dont il surmonte ses difficultés.

Le prostitué et le clochard
Il fallait beaucoup de tact, d'humour et de virtuosité pour rendre supportable cette histoire sordide. John Schlesinger a su éviter le pire sans pour autant édulcorer le roman de James Leo Herlihy, d'où est tiré ce Midnight Cowboy rebaptisé en français Macadam Cowboy.
Oui, il fallait de la part du réalisateur beaucoup de tact, d'humour et de virtuosité... Aussi souvent qu'il a pu, John Schlesinger a gommé la crudité des situations en faisant bifurquer son récit vers la comédie (les premières rencontres de son cow-boy sont plus cocasses que déplaisantes), en multipliant les gags et les notations satiriques et, surtout, en utilisant - avec habileté - les ressources d'un style dont l'élégance et la fantaisie nous distraient de la réalité immédiate. Il y a de l'illusionniste chez Schlesinger. Mais cet illusionniste n'est pas un tricheur. S'il jette de la poudre aux yeux, il n'escamote pas l'essentiel. Sa description de New York est impitoyable (sur un trottoir, cet homme affalé que personne ne regarde, cette crasse des bas quartiers et partout cette fange morale...), et c'est sans concession qu'il dépeint ses personnages, leur veulerie, leur abjection, la stupidité de Joe, le cynisme de Ratso. La désinvolture du ton n'exclut jamais ici la franchise et la sensibilité.
Les interprètes sont parfaitement dirigés. Jon Voight fait d'excellents débuts dans le rôle du cow-boy et la composition de Dustin Hoffman sous les traits du clochard souffreteux et boiteux confirme le talent de ce comédien révélé par le lauréat.
On peut souhaiter d'autres films sur d'autres sujets. Mais si, dans Macadam Cowboy, John Schlesinger remue beaucoup de boue, du moins, personnellement, garde-t-il les mains propres.
TROIS OSCAR EN 1970. [Jean de Baroncelli, Le Monde, 2 mai 2008]

Macadam Cowboy, une tragédie urbaine d'une poésie sans limite
Premier film américain d’un grand cinéaste anglais, classé X (strictement interdit aux moins de 17 ans) aux Etats-Unis lors de sa sortie en 1969, porté par les interprétations éblouissantes de John Voight et Dustin Hoffman, Macadam Cowboyest typiquement LE FILM impossible à produire dans le système hollywoodien actuel.
Du fait, Macadam Cowboy commence fort : le premier plan du film fait entendre une bande-son de western alors qu’un zoom arrière s’éloigne de l’écran de cinéma d’un drive-in. John Schlesinger annonce la couleur et semble dire: « Je vais vous sortir du mythe du Far West, du Western, du rêve américain ! Macadam Cowboy ne va pas vous caresser dans le sens du poil !»
Et c’est parti pour 1h53 d’un cinéma tant en avance sur son temps qu’il n’a quasi pas pris une ride (on ne s’habille plus vraiment comme cela aujourd’hui, mais on s’en fiche royalement).
L’une des grandes forces de Macadam Cowboy, c’est évidemment ses interprètes. On découvre à l’époque un jeune gars qui fera une belle carrière : Jon Voight. Le futur papa de Angelina Jolie n’a que quelques films à son actif lorsqu’il est préféré à des stars plus confirmées comme Warren Beatty; mais beaucoup trop identifiables par le public. Voight impose un mélange assez inédit de candeur, sex-appeal. Son personnage de Joe Buck amuse autant qu’il agace, attendri ou effraie.
Dustin Hoffman, quant à lui, est exceptionnel dans le rôle de Ratzo Rizzo: loser number one de la Grosse Pomme. Hoffman qui sort à peine de Le Lauréatde Mike Nichols est méconnaissable. On a quitté un gamin propre sur lui pour découvrir un homme aux aboies, habitant un taudis dégueulasse et vivant d’arnaques minables. Ratzo Rizzo est le rôle qui restera de Hoffman avec ceux de Little Big Manet Le Lauréat!
L’association des deux acteurs est explosive ! En un sens Macadam Cowboyest le plus grand Buddy Movie de l’histoire du cinéma américain.
Le film est une histoire d’amitié bouleversante, d’une noirceur qui se déroule tout au long du récit. Jusqu’à une fin désespérée – que nous ne dévoilerons pas – et qui rendra hystérique tout amateur de happy end! Aucun studio n’oserait produire un tel film aujourd’hui ! D’autant plus que Schlesinger (qui n’a jamais vraiment fait mystère de son homosexualité) y aborde la sexualité de manière crue, misérable, réaliste, sordide mais aussi joyeuse ou hilarante.
Dans Macadam Cowboyle sexe est homo, hétéro, gratuit ou tarifé. Schlesinger se permet même de montrer sous formes d’images mentales (et dans un noir et blanc crapoteux) le viol commis sur le personnage de Joe Buck. On imagine la tête des spectateurs lorsqu’ils ont découverts le film au moment de sa sortie ! Mais, une fois de plus, Macadam Cowboy est avant tout une histoire d’amitié, qui chavire le cœur et vous fait monter les larmes. Sans démagogie. Sans putasserie !
Macadam Cowboy recevra l’Oscar du meilleur film pour son producteur Jerome Hellman. John Schlesinger celui du meilleur réalisateur. L’Oscar de la meilleure adaptation sera décerné à Waldo Salt pour son travail sur le film.
Schlesinger – mort en 2003 – retrouvera Dustin Hoffman sept ans plus tard pour un autre futur classique du cinéma américain : Marathon Man (1976). Un seul mot résume Macadam Cowboy: CHEF-D’OEUVRE ! [Grégory Marouzé (toutelaculture.com)]

Attention
Samedi prochain, 13 octobre 2018

Soirée spéciale dans le cadre de notre évènement
NSK Rendez-vous Grenoble 2018

LIBERATION DAY
Ugis OLTE / Morten TRAAVIK (Letttonie / Norvège - 2016)
Ouverture de la buvette à 19h
Séance à 20h

 

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Le 03/10/2018 The big Lebowski

Mercredi 3 octobre 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle " Les Losers magnifiques " (1/3)

The Big Lebowski

Ethan & Joel COEN (États-Unis, 1998 - 117 mn)

" L’œuvre des Coen est au-delà d’une simple farce. Dans un monde rationalisé et
tourné vers la rentabilité, le Dude propose une forme de rébellion salvatrice.
 C’est un film post-idéologique : le Dude fait la révolution tout seul dans son coin.
 Mais il peut, si on l’imite, ébranler le système." 
(Olivier Maulin).

Mythologie
Comme l'expliquait l'ethnologue Isabelle Rivoal dans les colonnes du HuffPost, le regain d'intérêt du loser ne date pas des frères Coen. "Le loser, c'est l'antithèse du golden boy des années 1980. Avec lui, l'image de l'homme hyper-individualiste qui réussit s'effondre complètement. Du coup, le loser s'indiffère au monde qui l'entoure". L'émergence de figures telles que celle de Homer Simpson est symptomatique de cette époque. Mais un autre personnage mythique créé par les frères Coen, incarne peut-être mieux que tout autre la lose du changement de siècle. Jeff Lebowski, plus connu sont le nom de The Dude (traduit en Duc dans la version française) et héros de The Big Lebowski. [avoir-alire.com]

Comment « The Big Lebowski » est devenu un film culte
A sa sortie en 1998, le film des frères Coen, présidents du Festival de Cannes 2015, n’a pas fait grand bruit. C’est au fil des ans et des fans que cette ode à la non-performance s’est imposée comme un phénomène mondial.
« Ils n’ont ni notre bénédiction ni notre malédiction. » Placée en exergue de Je suis Lebowski, tu es Lebowski (éditions Séguier), un livre de fans, cette citation de Joel et Ethan Coen synthétise leur ambivalence à l’égard du culte suscité par The Big Lebowski, rediffusé en salles à l’occasion de leur présidence cannoise. Souvent galvaudé par la pop culture, le mot « culte » peut s’entendre ici dans son sens premier puisque le personnage de loser magnifique incarné à l’écran par Jeff Bridges, surnommé « The Dude » (le mec), a été canonisé en 2005 par le « dudeism », une religion potache mariant le Non-Agir (précepte tiré du taoïsme), déambulations en peignoir, et dégustation de cocktails (White Russians, of course). Délivrant ses ordinations à ses ouailles sur canapé par simple retour de mail, le dudeism (dudeism.com) revendique 220 000 prêtres en ce bas monde.
Sorti en 1998, The Big Lebowskimet en scène, sur une trame empruntée au Grand Sommeilde Raymond Chandler, les aventures picaresques du Dude, un personnage d’apparence minable sorti de sa routine (joint-cocktail-bowling) par un acte sacrilège : un malfrat, le confondant avec un homonyme, s’est permis d’uriner sur son tapis persan, celui « qui harmonisait la pièce ». Au box-office américain, cet antihéros en peignoir et tongs réussira modestement à s’installer à la sixième position dans le sillage du Titanic de James Cameron qui écrase alors la concurrence.
Un succès mitigé aux yeux du public comme de la critique. Même Jeff Bridges avoue sa relative déception en préface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski. « On me demande souvent si je suis surpris par le retentissement qu’a eu The Big Lebowski ces dernières années. En général, on s’attend à ce que je réponde “oui”, mais ma réponse est toujours “non”. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas aussi bien marché que ce à quoi je m’étais attendu. Il était extrêmement drôle et les frères Coen venaient de remporter l’Oscar pour Fargo. Je pensais que les gens allaient adorer. Pour vous dire la vérité, j’ai été un peu déçu.» [Julien Guintard, Le Monde, 7 mai 2015]

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