Le 28/03/2018 La Baie des Anges
- Écrit par Krishna
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Mercredi 28 mars 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Jeanne MOREAU " (2/3)
La baie des anges Mort
Jacques DEMY (France, 1963 - 90 mn)
« J’ai voulu démonter et démontrer le mécanisme d’une passion.
Cela pouvait être aussi bien l’alcool que la drogue, par exemple.
Ce n’était pas le jeu en soi.» Jacques Demy.
« La baie des anges est le deuxième long métrage de Jacques Demy, tourné alors qu’il avait des difficultés à financer son projet de comédie musicale Les Parapluies de Cherbourg. Sur le thème du télescopage entre l’amour et l’enfer du jeu, Demy signe un très beau film, fluide, vif et rythmé, délicat. La photographie en noir et blanc signée Jean Rabier est superbe, la musique de Michel Legrand souligne certaines scènes avec flamboyance et nous emporte… La baie des anges est aussi porté par Jeanne Moreau, en blonde platine, dans un personnage d’ange déchu qui se complexifie joliment au fur et à mesure de l’avancée du film. »
“La Baie des Anges” : le sublime jeu de patience de Jacques Demy
Cinquante ans après sa sortie, on redécouvre ce classique maudit de Demy, œuvre fiévreuse portée par Jeanne Moreau et Claude Mann mais boudé du public.
Il arrive qu’on gagne au jeu. Mais il y faut de la patience. Lors de sa sortie, en 1963, "la Baie des Anges", de Jacques Demy, avait pas mal surpris les amoureux de "Lola", son premier long-métrage, sorti en 1961. Le public y avait découvert un héritier du cinéma poétique français, et surtout un optimiste décomplexé. Le réalisateur prouvait, sur des images débordantes de style (Raoul Coutard s’étant magnifiquement adapté à l’imaginaire de Demy), qu’il n’avait, lui, pas peur du happy end, ce principe des fins heureuses qui terrorisait la plupart de ses confrères, tremblant qu’on les accuse de mièvrerie. Je ne dévoilerai pas la fin de "la Baie des Anges", film particulièrement fondé sur le suspense, comme tout ce qui dépend de la course aveugle d’une boule. Qu’on sache cependant que l’optimisme ne baigne pas le récit, et que nous sommes ici plus près de Dostoïevski que du "Million" de René Clair. [...]
Demy lui-même n’avait jamais, dans sa jeunesse, été dévoré par la fièvre du jeu, la passion du cinéma qui habitait son âme ne laissant aucune place à une autre folie. Or, son idée fixe était déjà de réaliser "les Parapluies de Cherbourg", ce film entièrement en-chanté dont aucun investisseur ne voulait entendre seulement parler. Mag Bodard, seule, avait accepté de le produire, mais ses fonds personnels étaient beaucoup trop maigres. Fort du succès de "Lola", Mag et lui partent donc pour Cannes, afin de décrocher des trésors – du moins des trésoriers. Ceux-ci se cachant dans toute la Côte d’Azur, nos mendiants de génie poussent jusqu’à Nice, puis jusqu’à Monte-Carlo. Demy, qui n’a jamais mis les pieds dans un casino, découvre la vie, affreuse et fascinante, des joueurs mordus, la puissance de la dramaturgie que crée cette étrange façon de se perdre. Il en devient lui-même un assidu des salles de jeu, non pour miser, mais pour voir. La fin de ce film-là, c’est que Demy revient à Paris sans le magot espéré, mais avec un scénario superbe. Est-ce vraiment un happy end ? Pas sûr, car les cinéphiles n’attendent pas vraiment Demy sur ce créneau. Et malgré le charme fou et l’art confondant de Jeanne Moreau, malgré la beauté fragile de Claude Mann qui est une incarnation neuve du romantisme, "la Baie des Anges" rompt tellement avec "Lola" que le public est tout déconcerté. [Alain Riou, L’Obs, 01 août 2013].