Printemps, été, automne, hiver... et printemps
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Hiver... et Printemps
(Kim Ki-duk, Corée - 2003)
En partenariat avec les XVIIIè Rencontres "Ethnologie et Cinéma"
Entretiens avec le réalisateur
Votre film fait-il référence à des épisodes personnels ?
Pas le moins du monde. C'est un film sur les valeurs de la culture bouddhique, qui imprègnent tous les Coréens, qu'ils soient ou non pratiquants. Tous sont marqués par cette idée que le bonheur s'obtient moins par les conquêtes matérielles que par les choses de l'esprit. Ce concept hante tous mes films, donc il m'habite, mais moi je ne suis pas bouddhiste, je suis chrétien, protestant. Le seul rapprochement que l'on pourrait faire avec ma vie, c'est l'image de l'hiver. Car en fait, j'ai changé ces dernières années, et particulièrement en tournant le film. C'est lui qui a déteint sur moi. Depuis, je suis dans le détachement. Je préfère recevoir des coups qu'en donner.
Vos personnages sont toujours en marge du monde...
Cette perception de mes films m'étonne. A mes yeux, un pauvre, un voyou, une prostituée sont des êtres humains comme les autres. Je n'ai pas du tout le souci de faire de la critique sociale. Et si je les filme dans une île, au milieu d'un lac ou perdus dans les montagnes, ce n'est pas du tout pour les isoler, car, métaphoriquement, ces lieux représentent la société. Mais ils sont souvent encerclés par l'eau ! J'en conviens. Pourquoi suis-je revenu dans ce type de décor ? Avez-vous remarqué qu'ici, au milieu de ce lac, le temple flotte ? J'aime l'idée qu'en pivotant, il se tourne tour à tour dans les quatre directions, nord, sud, est, ouest. Donc qu'il brouille les repères.
Seule l'eau permet de figurer cette liberté, ces changements de direction qu'une vie peut opérer. Les hommes sont à l'image des poissons que j'ai placés dans le film : enfermés dans un bassin ou en liberté dans la nature, ils sont toujours enserrés dans un paysage cosmique. L'infiniment petit dans l'infiniment grand.
Que signifient les inscriptions que l'assassin, par châtiment, doit graver sur le plancher du temple ?
C'est le Banyashimgyeung, l'un des textes du bouddhisme. L'important n'est pas tant dans le contenu de ce texte que dans l'épreuve qui consiste à en graver un à un les caractères dans le bois, avec un couteau.
Je peux vous dire que c'est très dur, car c'est moi, avec l'équipe, qui ai dû les sculpter pour les besoins de la scène. Cet exercice dissipe peu à peu la haine que l'on peut avoir en soi.
Propos recueillis par Jean-Luc Douin, Le Monde (14 avril 2004).
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