Le 30/04/2019 Il était une fois en Anatolie
- Écrit par Krishna
- Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
- Publié dans Cycle Grands Espaces
- Lu 8974 fois
- Imprimer
- Media
ATTENTION :
Cette séance du Ciné-club aura lieu le MARDI 30 avril 2019 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle "Grands espaces, Grand écran "(3/4)
IL ÉTAIT UNE FOIS EN ANATOLIE
Festival de Cannes 2011: Grand Prix
Meilleur film au Festival international du film de Dublin 2012(NURI BILGE CEYLAN - Turquie/Bosnie-Herzégovine - 2011 - 157 min)
" Il était une fois en Anatolie a la beauté des films rares et fiers, minoritaires dans leur époque."
Ce qui est neuf, c’est la Turquie. Les films de Ceylan sont issus d’un pays qui a été marginal dans l’histoire du cinéma, nous donnant de ses nouvelles et nous permettant de vérifier en quoi il nous ressemble et nous dissemble.
Et puis, si ce cinéma du plan large, de la durée et de l’introspection n’est pas nouveau, à l’heure des écrans réduits (que reste-t-il d’un plan large sur un iPhone ?), de la vitesse et de la technologie triomphante, sa lenteur désabusée et son ampleur contemplative en ressortent avec plus d’acuité. [Serge Kaganski, Les Inrocks - 01 novembre 2011]
Le déroulement de l'un des grands films de ce Festival de Cannes, 2 h 37 magistrales, au cours desquelles ce poète ténébreux qu'est le Turc Nuri Bilge Ceylan illustre ce que veut dire faire du cinéma : sonder la faiblesse des hommes et leurs désirs, évoquer ce qui transparaît d'âme dans leurs silences et ce que leurs obsessions traduisent de soucis quotidiens, communiquer des sensations, coller au temps qui passe, brouiller les notions de documentaire et de fiction.
Il était une fois en Anatolie nous raconte une histoire, avec la densité romanesque d'un Dostoïevski, sa dextérité à mêler les styles (réaliste, tragique, bouffon) et à nourrir l'intrigue de digressions. Par la plausibilité des faits qu'elle dépeint, le rythme avec lequel elle les égrène, la précision tour à tour juridique et chirurgicale qui y est observée, cette histoire colle si précisément au réel que l'on pourrait la comparer avec la manière dont un Raymond Depardon ou un Fred Wiseman enregistrent faits divers, travaux de police ou audiences de tribunal. La façon dont s'y écoulent les heures rappelle le chemin de croix infernal du moribond ballotté dans l'enfer des urgences médicales de La Mort de Dante Lazarescu, du Roumain Cristi Piu (2006). [Jean-Luc Douin, Le Monde,14 avril 2011]
En resserrant le cadre sur l’intime, le cinéaste opère un glissement de l’observation des paramètres sociaux (professionnels, idéels) de son échiquier vers un questionnement paradoxalement plus absolu de la morale et de son rapport à la légalité. Bilge Ceylan sait faire sentir la réflexion sans l’expliciter afin de donner, après, davantage d’ampleur à sa manifestation en actes. A nous donc, de deviner ce que renferment ces longs silences des personnages. Cela suppose un effort d’investissement du spectateur dans le film. Le suspense particulier qui peut dès lors émerger et qui décuple la portée émotionnelle d’actes en eux-mêmes minimes (celui, final, du médecin) n’est pas à négliger. Il montre bien qu’Il était une fois en Anatolie ne révèle pas d’un cinéma du « rien », mais d’un cinéma du subtil, qui lutte contre la passivité du spectateur. [31 août 2011(silence-action.com)]
Ceylan s’inscrit ainsi clairement dans une esthétique de l’opacité, où les différents régimes d’être s’entremêlent et se parasitent : l’errance des personnages à travers la nuit vaut aussi pour le spectateur, qui, entre le vrai et le faux, le signifiant et l’insignifiant, est forcé de trouver un chemin, sans savoir à quoi tout cela est censé aboutir. Il était une fois en Anatolie prend la forme d’une dérive, le film bégaie, l’objet de la quête se dilue, ceci pour mieux aboutir au dessein du cinéaste : la dissection de l’âme humaine – pour laquelle sa passion est avérée, il cite Dostoïevski à l’envi comme source d’inspiration. Car s’il est un point d’arrivée dans ce langoureux cheminement, c’est bien celui de l’autopsie du corps, finalement retrouvé ligoté au petit matin. Seulement perçue par le son – précis et très évocateur –, la dissection agit comme un miroir, l’aboutissement d’un film dont l’objet est bien de révéler une intériorité impénétrable. [Arnaud Hée, Olivia Cooper Hadjian, critikat.com]