Le 13/12/2017 La Vie de O'Haru, femme galante
- Écrit par Krishna
- Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
- Publié dans Femmes d'Asie
- Lu 10887 fois
- Imprimer
- Media
Mercredi 13 décembre 2017 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Femmes d'Asie " (3/3)
La vie de O'Haru, femme galante
Saikaku ichidai onnaKenji Mizoguchi (Japon, 1952 - 130 mn)
« Kenji Mizoguchi est au cinéma ce que Jean-Sébastien Bach est à la musique,
Cervantes à la littérature, Shakespeare au théâtre, Titien à la peinture, le plus grand. »
« La critique se trouve désarmée devant une telle évidence de la perfection.»
(Jean Douchet).
On pourrait encore parler longuement d’un tel chef-d’œuvre. On pourrait essayer de parler de l’esthétique si forte et si puissante de Mizoguchi, qui est probablement le cinéaste qui parvient à tirer le plus de force de sa mise en scène. Cette force tirée de la mise en scène avant tout se ressent, ensuite s’explique. Pas la peine d’être un cinéaste confirmé pour ressentir toute la puissance de la mise en scène de Mizoguchi, qui provient de la perfection de tous les cadrages, de la « force tranquille » des mouvements de caméras, de l’utilisation de l’espace et des jeux de lumières resplendissants. On pourrait essayer également de convaincre que l’histoire d’O’Haru est sans nul doute la plus forte que Mizoguchi nous ait contée.
O’Haru n’est pas un résumé des personnages de Mizoguchi, car chacun de ses personnages est différent des autres. Quoi qu’il en soit, il est très difficile de ne pas être ému par son tragique destin. Finalement, on a bien le droit à un mélodrame. Mais un mélodrame bien différent de ce qui peut se faire à l’époque au Japon. Tous les films de Mizoguchi sont en fait plus ou moins des mélodrames. Et tous ses films, sans exception, recèlent une force extraordinaire. Seul un Ozu, au Japon, aura réussi l’exploit, toutes époques confondues, d’être aussi constant (dans un style très différent, attention).
On pourrait effectuer une comparaison frappante : Kurosawa, considéré par d’aucuns comme le plus grand cinéaste japonais, s’est lui aussi essayé au mélodrame. Sa plus belle réussite, incontestablement, est Vivre (1952, l’année même de La Vie d’O’Haru, femme galante) ; L’Idiot, dans son genre, n’est pas mal non plus, quoi qu’il souffre de quelques longueurs. Cependant, Kurosawa cède dans quelques uns de ses films à des élans mélodramatiques assez pathétiques : le meilleur exemple en est Le Duel silencieux ; la tendance à la « mélodramatisation » exacerbée est également présente dans Scandale (film qui par ailleurs possède de très bonnes qualités). Là où Mizoguchi nous livre des mélodrames froids et implacables, animés d’une forte quasi transcendante, Kurosawa nous pond des mélos indigestes accumulant pas mal de clichés inhérents au genre.
Reste, pour conclure définitivement, que La Vie d’O’Haru, femme galante a pleinement participé à faire connaître le cinéma japonais en Occident. En 1951, le fabuleux Rashomon (Kurosawa) obtient le Lion d’or au festival de Venise. L’année suivante, c’est au tour du film de Mizoguchi d’être récompensé par un Lion d’argent (qui reste tout de même une insulte !). Pour finir, une petite anecdote : peu après le festival, un critique occidental dit à Mizoguchi, avec beaucoup d’enthousiasme, qu’il est l’égal de…William Wyler. Mizoguchi va voir un film de ce cinéaste (qu’il ne connaissait pas avant que le critique lui en parle). Il dira peu après « Eh bien, je n’ai rien à craindre »…
[Kim Berdot (iletaitunefoislecinema.com)]