Tueurs de dames
- Écrit par Christophe
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Pour terminer notre saison cinématographique dans la bonne humeur,
rien ne vaut un retour aux sources: deux comédies d'Alexander Mackendrick
Alexander Mackendrick, le représentant le plus brillant de l’humour anglais.
Après la Seconde Guerre mondiale débute l’histoire légendaire de la comédie made in Ealing. Elle suppose un arrière-plan réaliste, une situation logique poussée jusqu’à l’absurde, la peinture d’une petite communauté, et enfin une bonne dose d’humour pince-sans-rire. « Nous prenions un personnage – ou un groupe – et nous le laissions foncer tête baissée sur un problème apparemment insoluble », écrira Michael Bacon [un des producteurs des studios Ealing]. De nombreux films illustrent parfaitement ces propos : avec notre complicité amusée, les îliens écossais de Whisky à gogo (1949) bernent la douane anglaise ; le charmant Louis Mazzini (Dennis Price) de Noblesse oblige (1949), trucide méthodiquement une famille d’aristocrates, dont tous les membres sont interprétés par Alec Guinness ; l’équipe de De L’or en barre (1951) vide les coffres de la Banque d’Angleterre, et, dans une fable sur la mutation industrielle de l’après-guerre, L’Homme au complet blanc (1951), le génial et inventeur Sidney Stratton (Alec Guiness) affronte d’un même mouvement patrons et syndicats de l’industrie textiles. Dernier petit chef-d’œuvre made in Ealing, Tueurs de dames (1955), dans lequel, sur un air de Boccherini, un groupe de malfrats conduit par le Dr Marcus (Alec Guiness) bute sur la candeur d’une petite vieille dame, Mrs Wilberforce (Katie Johnson).
Philippe Pilard, « La comédie à l’anglaise », in N.T. Binh et Philippe Pilard (dir.)
Typiquement British, Le cinéma britannique, Editions du Centre Pompidou, 2000, p. 67-68.
Tueurs de dames / The Ladykillers
" Vous avez six personnages, et à la fin, cinq d'etre eux sont morts. Et vous me dites que c'est une comédie ? "
Michael Bacon.
La conduite du récit comique de Tueurs de dames est implacable, et fait oublier que le film est entièrement construit sur une seule idée : comment l’innocence simplette d’une vieille dame peut venir à bout de la plus élaborée des machinations criminelles. Mackendrick oppose savoureusement l’hystérie croisante de la bande d’escrocs (où se distingue particulièrement Alec Guiness, Peter Sellers et Herbert Lom) au calme posé et méthodique de l‘incroyable Mrs Wilberforce (Katie Johnson). Là encore, il importe our susciter l’adhésion des spectateurs que le personnages ne soient pas de simples pantins. Selon une tactique héritée de Hitchcock de la période anglaise, ou des films de Launder et Gilliat, le réalisateur procède à une identification du public aux différents personnages pour faire monter le suspence. Alternativement, il est important que nous trouvions cette petite vieille exaspérante dans ses tentatives involontaires à faire échouer l’ingénieux hold-up, et attachante pour qu’il nous soit insupportable de la voir assassinée par nos maladroits gangsters.
Les couleurs chatoyantes du film contrastent avec sa cruauté macablre (mise en valeur, dans sa seconde partie, par de spectaculaires clairs-obcurs), ce qui ajoute à sa force comique. De même l’astucieuse styllisation des décors de studios lui donnent une allure de contes de fées qui « déréalise » le parfum d’exaspération croissante des Tueurs de dames. Et l’amoralisme de l’épilogue n’en acquiert que plus de saveur : la charmante madame Wilberforce, que personne ne croit, profitera seule du pactole volé et pourra enfin s’acheter un nouveau parapluie. Entre-temps, Mackendrick aura une fois de plus brossé un tableau peu reluisant de la société britannique : une vieille demeurée, des escrocs pitoyables, des autorités incompétentes sont le protagonistes révélateurs de la dernière comédie anglaise du cinéaste, qui s’engagera bientôt dans d’autres voies sans jamais cesser de nous surprendre.
Yann Tobin, Positif (Février 1992), p. 85-86.
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