Le Festin de Babette
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Un film beau, simple, pur, où passent l'amour des êtres, l'innocence des humbles, le mystère de la création artistitque, où souffle le vent de l'esprit. [...]
La mise en scène de Gabriel Axel, sa mise en images où le noir, le blanc, toutes les nuances du gris, disent, au fil des saisons, les couleurs du temps, de la religion, épousent les cheminements narratifs de Karen Blixen.
Jacques Siclier [Le Monde, 27-28 mars 1988].
Le film de Gabriel Axel rejoint The Dead de John Huston, le repas y suit le même mouvement de la résurgence du passé, pour aboutir à la même révélation d'une histoire d'amour impossible et morte. Plus qu'un oeuvre d'atmosphère pointilliste, Le Festin de Babette reste, avant tout une belle histoire, un conte moderne où le merveilleux n'a d'autre pouvoir sur la vie que de rendre les échecs, les regrets et la mort plus doux. Avec ce film poétique, Gabriel Axel prend place parmi les cinéastes conteurs, qui aiment leur histoire, mais aussi leurs personnages et leurs acteurs: ils sont tous ici magnifiques.
Frédéric Strauss [Cahiers du cinéma, n° 405 (Mars 1988), p. 43-45].
... Autour de beaux visages
"J'ai eu cinquante-quatre jours de tournage, ce qui est confortable mais nécessaire à cause d'acteurs âgés qui jouaient au théâtre le soir. L'aîné (le pasteur) a quatre-vingt-quatre ans. Il y a sept comédiens ayant travaillé avec Carl Th. Dreyer principalement dans Ordet, Gertrud, Jour de colère. Je n'ai pas voulu faire un hommage à Dreyer, cela s'est produit presque par hasard. J'ai retrouvé ces beaux visages tous différents qui font passer par le regard, l'intensité, la présence. Ils se complètent. Le général est interprété par Jarl Kulle, le grand comédien de Bergman, notamment de Fanny et Alexandre."
Entretien avec Gabriel Axel [La Revue du cinéma, n° 437 (Avril 1988), p. 20-26]
L'esprit et la matière
" Les problèmes évoqués dans le film sont loin de nous, seulement en apparence. Il parle de la communication empêchée ici par la religion dogmatique. Le repas préparé par Babette provoque la communication entre les êtres, c'est le miracle, il entraîne l'union de l'esprit et la matière. Conte métaphysique, ce film ne s'adresse pas à notre esprit, à notre sens esthétique ou à nos sentiments, mais à notre âme."
Entretien avec Stéphane Audran [La Revue du cinéma, n° 437 (Avril 1988), p. 20-26]
Un conte de Karen Blixen fournit le savoureux scénario de ce film, qui connut une carrière étonnante. En 1871, une Française chassée par la Commune trouve refuge au Danemark, dans un village très pieux. Les deux filles du défunt et vénéré pasteur prennent Babette à leur service, mais, au bout de quatorze ans, elle s'apprête à les quitter en leur préparant un inoubliable festin... Il y aura douze personnes à table, autant que d'apôtres. Et Babette offre avec ce repas la part la plus belle de son histoire : « Prenez, ceci est ma vie », semble-t-elle dire...
La symbolique religieuse rencontre ici celle de la chair fraîche : les mets, diablement sophistiqués, ont le goût de toutes les tentations. C'est soupe de tortue contre cantiques, nourritures terrestres contre nourritures spirituelles... Le duel se joue cependant dans la douceur et la subtilité. La nostalgie rassemble les personnages, qui ont tous le regret d'un amour qu'ils ont laissé passer. Dans la communauté priant pour l'éternité, le festin rappelle que les bonheurs éphémères, qui font tant souffrir, peuvent aussi être des miracles. Gabriel Axel met en scène cette histoire avec un fin plaisir, tout comme Stéphane Audran l'interprète : elle est divine.
Frédéric Strauss [Télérama, 26 décembre 2009]
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