La Vie Aquatique

 

Mercredi 14 octobre 2015 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle "Monstres marins"
La vie aquatique
(The Life Aquatic with Steve Zissou)
Wes Anderson (USA - 2004)

Toute la fantaisie du cinéma de Wes Anderson se retrouve dans cette comédie savoureusement décalée où Bill Murray interprète une sorte de Commandant Cousteau allumé, confronté à une mission difficile, voire dangereuse, tout en devant dénouer les fils d'une énigme familiale. L'humour est oblique, irrésistible de charme et d'absurde, dans ce film bien dans le style inimitable du réalisateur de La Famille Tenenbaum, The Darjeeling Limited et de Fantastic Mr. Fox.

Entretien avec le réalisateur
(...) Comment définiriez-vous votre humour ?
Il y a deux aspects : gags visuels et dialogues. Nous essayons toujours de trouver des réparties inattendues, décalées par rapport à la situation. Nous essayons aussi de développer des scènes très économes, offrant plusieurs niveaux de lecture. On dégrossit chaque séquence en concentrant les informations et les nuances par des moyens poétiques et en y mettant le plus d’imagination possible. Il y a dans le film une ironie caractéristique du New Yorker, le magazine pour lequel Noah travaille. J’ai toujours aimé ça, je le collectionne d’ailleurs. Souvent, nous reprenons des phrases que nous avons lues ou entendues à droite à gauche, en les plaçant dans un nouveau contexte.
L’une des difficultés pour vous n’est-elle pas le dosage entre réalisme et stylisation ?
On n’est pas obligé de faire des films de cette façon, on peut en effet choisir le réalisme pur ou l’irréalité absolue. En essayant de mélanger les genres, on prend le risque de ne pas être du tout compris. Des gens rejettent le film d’un bloc, pour d’autres c’est clair tout de suite. Pour moi, le plus important est que le spectateur se sente en empathie avec les personnages, tout le film repose là-dessus mais je veux aussi créer ce monde à part, décalé, et donc, hum... délicat (rire).
Fiche du cinéma Le France [www.abc-lefrance.com]

Les comédies de Wes Anderson se démarquent par la gravité des sujets abordés et leur tonalité dépressive. Il est toujours question de la difficulté à sortir de l'enfance et de la recherche obsessionnelle de filiation ou de paternité. Le style visuel est très marqué : couleurs vives, plans composés, costumes et accessoires clinquants. La musique, enfin, notamment la pop des années 60 et 70, souligne la portée sentimentale de ces comédies brillamment écrites. Alors qu’on dit qu'on va voir « le dernier Jim Carrey » comme si l'acteur était l’auteur du film, les films de Wes Anderson portent avant tout la marque de leur réalisateur.
Simon Gilardi, Les Cahiers du cinéma pour Lycéens au cinéma.

A la fois traversée des registres (héroïcocomique, didactique, mer- veilleux...) et périple sans boussole dans une aire difficilement mesurable (de Port-au-Patois aux îles Ping), le film s’affole, ne sait plus s’il va vite ou lentement mais ne s’épuise pas. Le cinéaste joue avec brio de la possibilité d’une ample forme aventurière (hélicoptères, sous-marins, attaque de pirates, abordage d’îles exotiques...), qu’il fait claquer au vent avant de la rétrécir violemment au lavage. Les tempêtes mythologiques tournoient dans un verre d’eau, les marins sont des Playmobil humains dans la coupe transversale du bateau-termitière, l’océan grouille d’amphibiens de fantaisie (dauphins albinos, crabe-berlingot, raies roses...), les balles sont (peut-être !) tirées à blanc.
La bande-son accentue cette dérision quand elle emboutit le lyrisme pur des seventies de David Bowie (Life on Mars, Queen Bitch...) et l’électro-pop naine du thème de Zissou. 
Wes Anderson sait habilement naviguer dans le creux des vagues, ayant l’air de ne pas y toucher, de faire au plus simple (caméra à l’épaule, zoom), avant de crever l’écran de superbes travellings latéraux et de mises en place incroyablement sophistiquées. Logique de l’écart qui crée l’émotion et la drôlerie comme chez JD Salinger, l’une des références massives du cinéaste, dont chaque film renvoie secrètement à l’auteur de Franny et Zooey. Très salingérien par exemple, ce coquillage enfilé dans un fil dentaire mentholé qu’Owen Wilson offre à Cate Blanchet.
La netteté des contours du moindre détail dans le décor (telle cette photo de Jacques Henri Lartigue visible dans trois plans) oblige le spectateur, dans un même mouvement, à se concentrer un maximum et à se perdre sans regret. La sympathie qu’on ressent pour les personnages s’accentue d’autant qu’on devient comme eux, énergumènes, tous attachés à une idée fixe mais incapables de la suivre jusqu’à son terme, emportés par la distraction, les vents contraires, le Campari et l’incohérence échevelée du projet. (...)
Didier Péron [Libération, 9 mars 2005].

On trouvera en attaché la fiche du cinéma Le France, ainsi qu'un article de J.B. Thoret sur le cinéma de Wes Anderson.

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