Le Sacrifice

 

Le Sacrifice / Offret

(Andreï Tarkovski, Suède - GB - France, 1978)

Grand Prix spécial du Jury, Cannes 1986

Mercredi 13 novembre 2013 à 20h

Salle Juliet Berto - Grenoble

 

« Ma découverte de Tarkovski est comme un miracle.
Je me trouvais, soudain, devant la porte d’une chambre dont jusqu’à lors  la clé me manquait. Une chambre où j’avais toujours voulu pénétrer et où lui-même se sentait parfaitement à l’aise. Je me vis ecouragé et stimulé : quelqu’un venait d’exprimer ce que j’avais toujours voulu dire sans savoir comment.
Si Tarkovski est pour moi le plus grand, c’est parce qu’il apporte  au cinématographe – dans sa spécifité – un nouveau langage qui lui permet de saisir la vie comme apparence, la vie comme songe. »
« My discovery of Tarkovsky's first film was like a miracle.
Suddenly, I found myself standing at the door of a room the keys of which had, until then, never been given to me. It was a room I had always wanted to enter  and where he was moving freely and fully at ease. I felt encouraged and stimulated: someone was expressing what I had always wanted to say without knowing how. Tarkovsky is for me the greatest, the one who invented a new language, true to the nature of film, as it captures life as a reflection, life as a dream. »
Déclaration d'Ingmar Bergman parue dans Positif, n° 303, mai 1986. 

Une musique, un éclairage, des travellings presque imperceptibles, des personnages qui déambulent lentement et la magie opère. Plus que les autres, ce film de Tarkovski est envoûtant. C'est donc d'abord un film à ressentir, et il suffit de se laisser porter par une mise en scène et des images d'une extrême beauté qui créent à elles seules l'émotion. Bien sûr, les « tarkovskiens » joueront au jeu des références, des correspondances et des symboles : on retrouve dans Le Sacrifice, le goût de Tarkovski pour le rite, pour le fantastique et la science-fiction, son amour de la poésie, son utilisation de la métaphore. Le Sacrifice est, toutefois, l'un de ses films les plus limpides. La quête de Tarkovski y est parfaitement explicite. Elle s'appuie avant tout sur un mysticisme chrétien mais elle est également influencée par la pensée de Gandhi, les spiritualités extrême-orientales ainsi que par un panthéisme slave fondé sur les quatre éléments. Absent de Stalker et de Nostalgie, où dominent la terre et les eaux stagnantes, l'air fait ici son apparition, en même temps que l'eau est devenue vivante.
Le Sacrifice est un film d'élévation d'où se dégage un sentiment de pureté. La démarche du film est d'ailleurs celle d'une purification, de la vanité du discours à la plénitude du silence et de la méditation. C'est à travers un sacrifice que se fait le passage vers le nécessaire « ressourcement » personnel, à travers une offrande de soi-même. Le Sacrifice est, en effet, aussi un film d'amour dans lequel Tarkovski s'efface, en laissant à son fils le soin de faire renaître la vie. Le dernier plan le montre. Il laisse une impression bouleversante.
Celle d'avoir vécu au rythme d'un chef-d'œuvre. »
                                                                   G.P., Site du Jury œcuménique.

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Le 6/02/2019 LE SEPTIÈME SCEAU

Mercredi 6 février 2019 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle Ingmar Bergman (1/3)

LE SEPTIÈME SCEAU
DET SJUNDE INSEGLET

(Ingmar BERGMAN - Suède - 1957 - 102 min)

" Et lorsque l'Agneau ouvrit le septième sceau, il se fit dans le ciel un silence d'environ une demi-heure " :
l'aventure du chevalier - qui apparaît de nulle part, rejeté par la mer sur la grève, de même qu'ex nihilo apparaît son adversaire,
la mort, se joue dans l'espace spirituel de cette demi-heure, au moment où le secret du ciel est en instance de révélation.

Dans la filmographie d’Ingmar Bergman, Le Septième Sceau apparaît comme l’un des films les plus ambitieux dans son propos, un film auquel il a voulu donner avant tout une dimension philosophique ou métaphysique. Comme pour lui donner plus de poids, voire une certaine légitimité, Bergman ancre ses réflexions dans un contexte historique : un chevalier de retour des Croisades cherche des réponses sur l’existence de Dieu. Outre toute une série de réflexions sur la crainte de la mort et la vanité de notre existence, cette trame lui permet de mettre en scène des plans vraiment remarquables, telle cette partie d’échec de Max von Sydow avec la Mort sur la plage ou la procession des pénitents. Toutefois, ce n’est pas tant la puissance ou la richesse des images qui frappèrent tant à l’époque et assurèrent à ce film (et à Bergman) sa renommée car, comme certains critiques ne manquèrent pas de le souligner, Le Septième Sceau ne peut guère se comparer avec les œuvres de Dreyer ou Sjöström. Non, c’est bien l’ambition de son propos qui lui valu d’être remarqué. Dans un registre plus anecdotique, on notera que le soin de Bergman dans le choix de ses jolies actrices est souvent cité sur ce film. [http://films.blog.lemonde.fr/2007/08/28/septieme-sceau/]

Au Moyen-Âge, un chevalier et son écuyer retournent en Suède après plusieurs années de croisades. Sur leur chemin, ils rencontrent la Mort avec qui le chevalier entame une partie d'échecs. L'occasion pour lui de trouver des réponses à ses questions métaphysiques.
« Est-ce qu'on peut jouer aux échecs avec la Mort ? Bien sûr que non, on perd toujours. Aujourd'hui, on peut aller voir toutes sortes de spécialistes afin de contrer, ne serait-ce qu'un temps, le prochain coup de la Mort. Grâce à une opération ou une radiothérapie on peut mieux s'en défendre, mais finalement c'est elle qui nous met échec et mat. Et Dieu ? Dieu ne vient pas à la rescousse, il ne fait que se taire. C'est le thème central du Septième Sceau. Nous sommes tous condamnés. On peut espérer, mais des indications concrètes qu'après la vie sur terre il existe autre chose, de préférence meilleure que celle-ci, n'existent toujours pas. Ce constat a tourmenté ce fils de pasteur qu'était Ingmar Bergman (1918-2007) pendant toute sa vie. S'il n'y a rien après, s'il ne reste rien, quel est le sens de cette misérable vie qu'est la nôtre ? Ces questions-là, on ne les retrouve plus très souvent dans le cinéma de fiction aujourd'hui. Trop graves, on n'a plus le temps, sauf quand on s'appelle Woody Allen. Ou Michael Haneke. Ingmar Bergman exprime ses doutes existentiels à travers chacun de ses principaux personnages. Le chevalier Block espère encore bénéficier de la Providence, contre tout bon sens. Son valet cynique Jöns a dépassé ce stade depuis longtemps. Il représente (...) le rationalisme occidental. Et puis il y a le jeune couple de baladins cheminant (...). Ils ne vivent que dans le présent, passionnément. Ce sont eux qui parviennent à échapper à la Mort. Ainsi, le réalisateur crée finalement encore un peu d'espoir dans son film. 
Paul Verhoeven (Extrait de Plus de Verhoeven, traduit du néerlandais par Harry Bos)
(La Cinémathèque française)

 

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Le 13/02/2019 MONIKA

Mercredi 13 février 2019 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle Ingmar Bergman (2/3)

MONIKA / SOMMAREN MED MONIKA

(Ingmar BERGMAN - Suède - 1952 - 87 min)

" Au moment de Monika, quelque chose fait irruption, une appropriation du néoréalisme, une clarté, une transparence, dont Harriet Anderson est l'incarnation. Une présence de cinéma, avec une aura qui brise l'image de la femme au cinéma, qui va jusqu'à son être intime. Et cela avec une légèreté de moyens qui s'impose progressivement, permet l'irruption de la nature et se resserre sur les visages." (Olivier Assayas, Le Monde, 27 septembre 2003)

HARRIET ANDERSON 
Jeune actrice de music-hall, Harriet Andersson est repérée à l’âge de dix- huit ans par Ingmar Bergman, qui écrit pour elle le scénario de Monika. II lui offre ainsi son premier rôle au cinéma, celui d’une jeune femme à l’érotisme puissant et au comportement incontrôlable, y compris pour elle-même. Très admiratif de son talent et de son naturel, le cinéaste dirige l’actrice dans ses quatre films suivants, entre 1953 et 1955 : La Nuit des forains, Une leçon d’amour, Rêves de femmes et Sourires d’une nuit d’été. Six ans plus tard, Andersson tient un de ses rôles les plus marquants dans un autre film signé Ingmar Bergman, À travers le miroir: elle est Karin, jeune femme schizophrène hantée par des visions mystiques. Leur collaboration se poursuit avec Cris et chuchotements (1973), où l’actrice interprète le rôle d’une femme mourant d’un cancer, et s’achève avec Fanny et Alexandre, en 1982. Après ces huit films, Bergman écrit de son actrice : 
C’est quelqu’un d’étrangement fort, mais vulnérable, son talent est traversé par des traits de génie. Son rapport à la caméra est direct et sensuel. En tant que comédienne, elle est souveraine, en une seconde, elle passe d’un extrême à l’autre, tantôt elle se laisse porter par l’émotion du personnage, tantôt elle enregistre avec objectivité les choses.” Ailleurs, il résume son magnétisme : “ La caméra tombe amoureuse de cette fille. Elle a une relation à la caméra.”

 

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Le 6/03/2019 SOURIRES D'UNE NUIT D'ÉTÉ

Mercredi 6 mars 2019 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle Ingmar Bergman (3/3)

SOURIRES D'UNE NUIT D'ÉTÉ
SOMMARNATTENS LEENDE

Ingmar BERGMAN - Suède - 1956 - 82 min)

"Malgré d’acerbes piques sociales, tout le film baigne dans une grisante euphorie qui le fit triompher à l’époque (le "Prix de l'humour poétique" à Cannes et une renommée internationale pour son auteur). L’amertume et le cynisme du propos fondent devant l’irrésistible invitation aux jeux de l’amour : les couples s’entre-déchirent et s’humilient, se font et se défont dans une atmosphère fin de siècle moqueuse et réjouissante."
N.T. Binh

"  Sourires d’une nuit d’été fut objectivement le meilleur film présenté à Cannes, c’est-à-dire le plus complet, le plus intelligent et en même temps le plus divertissant à voir. Sourires d’une nuit d’été qu’on jurerait adapté d’une excellente comédie rose et noire où il y aurait tout à la fois de Marivaux, de Strindberg et d’Anouilh est en réalité tout entier écrit par Bergman. Poésie et érotisme, humour et mélancolie, grâce des images, admirable direction des acteurs, tout concourt à faire de Sourires d’une nuit d’été, sorte de Règle du jeu suédoise, une manière de chef-d’œuvre."
Jacques Doniol-Valcroze, (Cahiers du cinéma, juin 1956).

« Durant une décennie, entre 1945 et 1955, écrit Olivier Assayas, il tourne parfois deux films par an, accumulant une œuvre assez riche et diverse pour suffire à la filmographie d’un autre. Bergman est à son apogée. Il a acquis une maîtrise complète de son art, tournant consécutivement entre 1955 et 1957 les trois films qui l’ont imposé auprès du public cinéphile du monde entier, Sourires d’une nuit d’été, Le Septième sceau et Les Fraises sauvages. » Son œuvre précédente, Monika, pourtant son quinzième film, installa Bergman dans le panthéon international. Tourné en 55 jours, Sourires d’une nuit d’étéle révélera définitivement, grâce au prix reçu à Cannes en 1956 – une récompense à la définition quelque peu extravagante : le Prix de « l’humour poétique » [...]). Bergman évoque le couple et ses ruptures, et mélange les genres : le film est tour à tour cocasse, libertin, tragique, poétique et surréaliste. « C’est avec ce film que l’on comprend le mieux les personnages de Bergman, écrit Jacques Siclier, qui fut l’un des grands critiques du MondeIl ne reste plus pour eux d’autre espoir que de se reformer en couples mieux assortis, pour recommencer d’être Adam et Eve loin du Paradis, condamnés au péché et à la souffrance. » Le travail sur la lumière est toujours aussi remarquable, comme un écrivain dont on dirait qu’il a, avant toute chose, du style. C’est aussi la marque des grands cinéastes que d’affirmer un parti pris visuel convaincu et beau. « On dirait un film éclairé par la Lune » écrivent les Cahiers du cinéma en juillet 1956. Les dialogues sont savoureux, évoquant les comédies shakespeariennes et le vaudeville. On pense également à La Règle du jeu, mais le cinéaste assura ne pas l’avoir vu. Comme chez Renoir, les classes sociales s’effacent devant les attirances physiques : la servante se sent supérieure à celle qui l’emploie, car elle a fait l’expérience de la sexualité. Les hommes, souvent ridiculisés, pensent davantage à la mort qu’aux sentiments qui semblent être des privilèges féminins : « Si l’amour est un mal, vive le mal ! ».
(Présentation du film au Festival Lumière 2013)

 

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