La Main du Diable

Mercredi 20 janvier 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
En partenariat avec le 8è Festival des Maudits Films

La Main du diable 
Maurice Tourneur (France - 1943)

Maurice Tourneur et Jean-Paul Le Chanois modernisent la nouvelle de Gérard de Nerval en conservant sa vénéneuse poésie. Plusieurs récits se répondent, comme des instruments de musique au service d'une étrange mélodie. Le sortilège opère grâce à une fertile recherche esthétique : ombres géantes, collages, tableaux hallucinés... Le pire se déroule toujours hors champ. Même le démon qui tourmente Roland Brissot a les allures drolatiques et modestes d'un fonctionnaire vêtu de noir. Mais ce qui passe, le temps d'une seconde, dans son oeil rusé, est bien plus inquiétant que tous les Grand-Guignol. Pierre Fresnay, « damné » tour à tour goguenard, naïf, ambigu ou terrifié, est, comme toujours, extraordinaire."
Cécile Mury [Télérama6 juin 2009].

Le mythe de Faust pendant l'occupation
Réalisé en 1943 en pleine occupation allemande, La main du diable est produit par la Continental Films, une société de production française contrôlée par les occupants allemands. Le film est une adaptation de la nouvelle La main enchantée de Gérard De Nerval (1832). Le film évoque sans concession le mythe de Faust. En effet, Roland signe un contrat avec le diable. Il lui vend son âme en échange de la main qui lui permettra de réussir tout ce qu'il souhaite. On ne peut pas oublier que le film a été tourné pendant l'occupation. C'est pour cette raison que le pacte avec le diable apparaît comme l'équivalent du pacte entre certains français et l'Allemagne Nazie. On pense alors au gouvernement de Vichy, qui était un gouvernement de collaboration. Cette hypothèse est renforcée par le fait que l'avant- dernier propriétaire de la main soit d'origine italienne et que l'Italie était un allié de l'Allemagne Nazie. On peut voir dans le film un combat entre le Bien et le Mal que l'on peut étendre, étant donné la période, à la résistance et au nazisme. En effet, Ange le serveur du restaurant tente de dissuader Roland d'acheter le talisman. Grâce à son nom biblique, on comprend qu'il est du côté du Bien et qu'il tente d'aider Roland contre le diable.
Erin [http://www.odysseeducinema.fr/film.php?id=346]

La Main du diable : un film fantastique
Le caractère fantastique de La Main du diable est évident. Basée sur le mythe de Faust, dont les origines prennent source dans un conte populaire allemand du XVIème siècle, l’histoire raconte comment un artiste vend son âme au Diable pour connaître la gloire. C’est dans ce mythe que repose tout le caractère fantastique du film et non dans la représentation satanique qu’il en donne. Dans un article consacré au film, Franck Lafon – spécialiste du cinéma fantastique – évoque cette représentation de la peur dans la mise en scène de Maurice Tourneur. Il écrit notamment : "Tourneur manages to instill a sense of fear by emphasising the concrete consequences of the Faustian pact rather than the supernatural powers of the Devil." Il est vrai que si le film effraie une partie du public, c’est uniquement par identification au héros. Le pacte scellé par Roland Brissot (le héros) avec le Diable est le moteur de l’intrigue et de l’angoisse du spectateur. Plus le drame progresse, plus le destin de notre héros semble inéluctable et tragique. A l’instar de son fils (Jacques Tourneur), le cinéaste ne fait que suggérer la peur. La scène ou Roland Brissot se rend chez une femme pour se faire lire les lignes de sa main est représentative de ce parti pris artistique. Lorsqu’elle regarde sa paume, la caméra cadre ses yeux pris de panique puis son mouvement de recul. Ce n’est pas la main qui fait peur mais le sentiment de panique qu’elle provoque chez ce personnage ! Il faut toutefois noter qu’une scène représente l’horreur de façon équivoque: lorsque le restaurateur vend le coffre à Roland Brissot, il lui montre son contenu. Un plan pendant lequel on voit la main coupée se mettre à bouger. Mais ce plan quelque peu farfelu et qui suscita l’effroi dans certaines salles de cinéma n’a pas été filmé par Tourneur. C’est Jean Devaivre qui en est l’auteur et, pour l’anecdote, c’est sa propre main que l’on voit dans le coffre !
François-Olivier Lefèvre [DVDclassik (http://www.dvdclassik.com/critique/la-main-du-diable-tourneur)].

Tourneur père et fils
[...] Il est intéressant de constater que Maurice Tourneur, le réalisateur, est le père de Jacques Tourneur. Ce dernier va, à la même période, enchaîner plusieurs films pour la RKO, sous la houlette de Val Lewton, dans lesquels l’élément «Fantastique» se montre plutôt ambigu. On pense bien évidemment à LA FELINE, VAUDOU ou encore L’HOMME LEOPARD. L’utilisation d’éclairages ou de décors expressionnistes rapproche d’autant LA MAIN DU DIABLE des films précédemment cités. Néanmoins, il faut rappeler que lors de la création de ces films, les deux cinéastes parents sont séparés par la Seconde Guerre Mondiale. Jacques Tourneur est resté aux Etats-Unis alors que Maurice Tourneur est, à ce moment là, en France depuis son retour d’Hollywood quelques années auparavant. Le tournage de LA MAIN DU DIABLE se fait donc dans le contexte de la France occupée par les troupes allemandes. Plus surprenant, le métrage est produit par une société de production financée par l’Allemagne en vue de produire des métrages ne portant aucun message pernicieux contre l’occupant voire de propagande (ce qui ne sera pas vraiment le cas). La maison de production Continental Films produira d’ailleurs d’autres perles du cinéma français comme LE CORBEAU, LES INCONNUS DANS LA MAISON ou L’ASSASSIN HABITE AU 21.
Antoine Rigaud [http://www.devildead.com/indexfilm.php3?langage=1&section=0&FilmID=2152]

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