Le 27/03/2019 L'emploi du temps
- Publié dans Cycle Imposture
Mercredi 27 mars 2019 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)Cycle Imposture (3/3)
L'EMPLOI DU TEMPS
(Laurent CANTET - France - 2001 - 134 min)
« À travers une mise en scène précise et minutieuse,
Laurent Cantet examine la solitude d'un menteur de fond. »De la première à la dernière image, la réussite de L'Emploi du temps, de cette relation d'un voyage au-delà de la vie normale, repose sur Aurélien Recoing. Il lui faut à la fois mentir et être vrai, faire passer l'ivresse de la liberté et la terreur du vide, parfois en une fraction de seconde. Avec beaucoup de retenue, l'acteur guide son personnage pas à pas dans le labyrinthe qu'il s'est lui même inventé, de l'euphorie qui le saisit au volant de sa voiture en écoutant une chanson d'Etienne Daho à l'abattement qui fond sur lui aux dernières séquences du film. Il est devenu cet homme sans attache que chantaient les Beatles, « qui dresse ses plans de nulle part à l'intention de personne ».
Autour de ce travail d'acteur irréfutable, qui fait de L'Emploi du temps un bloc d'émotions contradictoires avant d'être une réflexion passionnante, Laurent Cantet a construit son film. Il est d'abord fait d'une mise en scène hivernale, avec quelques très beaux travellings (la course de la voiture de Vincent avec un train ; Vincent parcourant les couloirs de l'agence de l'ONU, contemplant l'activité fébrile et vaine de ses prétendus collègues) qui sont l'expression exacte de l'étrangeté du personnage au monde qui l'entoure. Dans les failles de cette irréalité patiemment construite - elle culmine en une très belle séquence d'amour dans la neige - se glissent des blocs de vie quotidienne sur lesquels Laurent Cantet exerce ses talents satiriques, avec une précision qui mène inévitablement à la cruauté...
Thomas Sotinel [Le Monde, 14 novembre 2001]