M Le Maudit
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M le maudit
(Fritz Lang, Allemagne - 1931)
Mercredi 15 janvier 2014 à 20h
Salle Juliet Berto - Grenoble
« M le maudit a le redoutable privilège d’être à la fois celui que son auteur préfère,
un chef-d’œuvre inégalé des débuts du cinéma sonore, une date dans l’histoire de
l’Allemagne pré-nazie, un succès commercial, un « classique » incontesté
de l’histoire du cinéma, un film de répertoire de ciné-clubs, un des
premiers films consacrés par l’institution scolaire en France. »
Michel Marie, Positif, n°365-366 (juillet-août 1991), p. 159.
« M le maudit a plongé les gens dans la confusion : Goebbels se félicitait que
ce soit un film sur la peine de mort ; d’autres disaient le contraire.
Lang a toujours refusé de trancher. »
Bernard Eisenschitz, Télérama n° 2825 (3 mars 2004), p. 36.
Fritz Lang : « Mon film M, un récit documentaire »
Si ce film des rapports de faits peut aider à indiquer, comme une main levée pour avertir et pour exhorter, le danger inconnu qui guette, le danger chronique – la présence constante parmi nous d’hommes aux penchants maladifs ou criminels – qui menace comme un incendie qui couve notre existence, mais surtout celle des plus faibles parmi nous, les enfants – si en outre ce film pouvait peut-être aider à prévenir ce danger, alors il aurait accompli sa mission première et il aurait tiré la conséquence la plus logique de la quintescence des faits qu’il porte en lui.
[in Michel Ciment, Fritz Lang. Le meurtre et la loi, Découvertes Gallimard - Arts, p. 99].
Une présentation du M le Maudit
M le Maudita toujours été le film préféré de Lang, celui pour lequel il eut, selon lui, la plus grande liberté d’action. Description de la traque d’un tueur d’enfants dont l’histoire fut inspiré par un fait divers réel, c’est une plongée, servie par l’interprétation hallucinée de Peter Lorre, au cœur de l’incontrôlable pulsion meurtrière et sexuelle. La mise en scène, d’une précision maniaque, enchaîne les plans, les causes et les effets, avec un sens unique de l’implacable et de l’inéluctable. Dans une ville rendue oppressante par un sens inouï du cadre, où s’affrontent la police et la pègre, décrites comme d’autonomes sociétés secrètes, chacune en quête du meurtrier, l’assassin devient l’enjeu d’une réflexion sur la culpabilité ontologique des hommes.
Jean-François Rauger, Le Monde (27 février 2004).
L’étrange cas de Peter Lorre. Jeu européen et type-casting hollywoodien
Il n’est par conséquent pas étonnant que l’acteur, désormais fort sollcité dans les milieux de l’avant-garde théâtrale (il fréquente aussi la troupe de Max Reinhardt) refuse dans un premier temps la proposition de Fritz Lang et de sa femme, Thea von Harbou. Après l’avoir vu dans une pièce de Wedelind, le couple a trouvé en lui l’incarnation parfaite du meurtrier psychopathe Kürtenss. Malgtré un petit rôle dans un film muet de 1928, Der weisse Teufel/Le Diable blanc (adapté de Tolstoï par l’immigré russe Alexandre Volkoff) le comédien estime ne pas être fait pour le cinéma, craignant que son air ingrat et sa petite taille ne passe pas le test de la toile blanche. Lorsqu’il finira par accepter le rôle de l’assassin d’enfants tourmenté du fameux premier parlant de Lang, Lorre ne manquera pas d’inculquer au personnage haïssable de M (1931) une grandeur de véritable héros shakespearien, notemment lors du mémorable monologue final. Son questionnement identitaire sera aux prises avec les démons de son être profond, mais aussi, dans la pure lignée brechtienne, en débat constant avec le tribunal des mendants et, implicitement, avec le spectateur. Malgré l’énorme succès remporté par le film, le comédien, qui se retrouve à l’affiche de plusieurs films connus, se voit contraint de quitter l’Allemagne et le nazisme aux accents farouchement antisémites dès 1933. Terrible ironie du sort, les nazis donneront l’exemple de M comme image d’épinal du juif maléfique dans leurs films de propagande, alors qu’au début, ignorant sa judéité, Hitler et Goebbels font l’éloge absolu du « meurtrier » choisi par Lang. La personnification fort convaincante deM consacre définitivement Lorre à l’écran alors qu’il n’a que vingt-huit ans, tout en l’enfermant, selon ses biographes américains, dans un type-casting d’éternal méchant auquel il lui sera impossible d’échapper. En revoyant certaines des pièces maîtresses d’une filmographie qui n’en compte pas moins de quatre-vingt tournées aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, les choses ne sont pas aussi tranchées qu’elles paraissent et les propos d’historiens ou de critiques du moment gagneraient à être nuancés.[…]
Dominique Naste, Positif, n° 535 (septembre 2005), pp. 96-99.
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