Le 6/03/2018 Mysterious Skin
- Publié dans Partenariat Festival Vues d'en Face
Mardi 6 mars 2018 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
En partenaiat avec les Festival "Vues d'en Face"
Mysterious Skin
Gregg ARAKI (États-Unis, 2004 - 100 mn)
L'un couche, l'autre pas : autour de l'expérience maladive de deux adolescents, Araki oublie le délire underground pour un film sensible et presque doux.
Plus rigoureux et plus puissant que les premiers films de Gregg Araki (Doom Generation, Nowhere), Mysterious Skin l'impose parmi les auteurs les plus passionnants de sa génération. Le film suit les parcours parallèles de deux garçons, de l'enfance à l'adolescence, ayant tous deux eu des rapports sexuels autour de l'âge de 10 ans avec leur entraîneur de base-ball. Le premier, Brian, garçon introverti à lunettes, a été violé. Le second, Neil, a entretenu une liaison perverse avec ce professeur pédophile. Araki n'élude pas le moment du rapport, mais le stylise avec intelligence (en caméra subjective ou par le détour du cauchemar SF, transformant le coach en inquiétant alien). Le film dit aussi de façon assez fine que le rapport sexuel avec un adulte peut être un fantasme enfantin, mais que le passage à l'acte, même dans un semi-consentement, a des conséquences aussi ravageuses qu'un viol. Entre Neil, qui désire le coach, et Brian, contraint par la force, aucune différence de degré dans la déflagration traumatique. Simplement, les dommages vont s'actualiser sous des formes radicalement contraires. Neil va obstinément rejouer ce rapport sexuel avec un homme mûr, se prostituant dès l'âge de 15 ans - et mettant plus d'une fois sa vie en péril. Brian va enfouir la violence dont il a été victime et broder, autour de ce trou de quelques heures dans sa vie, une série de chimères (jusqu'à imaginer avoir été enlevé par des extraterrestres). Plus sentimental que Larry Clark, plus psychologique que Gus Van Sant, Gregg Araki a trouvé son ton.
[Jean-Marc Lalanne, Les Inrocks, 01/01/2005].