7 ans de réflexion

Mercredi 21 octobre 2015 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle "Billy Wilder"
7 ans de réflexion (The Seven Years Inch)
Billy Wilder (USA - 1955)

Le trait d'esprit résume Wilder, dont les bons mots paraîssent innombrables dans la vie comme dans les films;
mais ses éclats humoristiques ne connaîssent pas seulement une forme verbale,
et ils n'ont rien de superficiels. 
Ils se manifestent volontiers de manière visuelles,
ils président à la construction narrrative, ils traduisent un caractère et incarnent 
à la fois, dans leur cynique virtuosité, une vision satirique et une humeur allègre.
Jean-Loup Passek (dir.), Dictionnaire du Cinéma (Larousse 2001), p. 823.

Billy Wilder est mort, en 2002, à l'âge de 96 ans.
« Personne n'est parfait !», célèbre réplique de Certains l'aiment chaud, est devenue une épitaphe gravée sur sa tombe à Los Angeles. Né en 1906, à Sucha, dans l'empire austro-hongrois, Samuel Wilder, (alias Billy à cause de l'admiration que sa mère portait à Buffalo Bill) fut contraint de fuir l'Europe à l'âge de 28 ans. Débarqué en 1934, à Hollywood, avec vingt dollars en poche et 100 mots d'anglais, ce juif viennois de souche mais berlinois de cœur s'imposera très vite comme l'un des plus grands scénaristes d'Hollywood. Insatiable dans son besoin d'autonomie créatrice, il deviendra même réalisateur puis producteur de ses propres films !
Longtemps considéré comme un génial touche-à-tout, alternant films noirs et comédies débridées, succès mondiaux et bides retentissants, Billy Wilder apparaît aujourd'hui comme l'auteur d'une œuvre parfaitement cohérente qui renouvelle les lois du genre et illumine par le rire la face très sombre de l'humanité.
« On n'écrit pas pour les étudiants de la fac de Harvard ! » Qu'il filme Audrey Hepburn en vierge effarouchée, Jack Lemmon et Tony Curtis travestis en femme ou Marlene Dietrich en nazie blanchie, Billy Wilder dynamite tous les faux-semblants au cœur même de l'usine à rêves d'Hollywood.
C'est là l'un des nombreux paradoxes de la « Wilder Touch ». Une façon unique de faire de la vie un inépuisable réservoir à scénario ! Wilder racontait souvent l'histoire de cet homme totalement désespéré qui rend visite à son psychanalyste : « Allez donc voir le spectacle du clown Grock, c'est l'être le plus comique au monde ! « Mais docteur, je suis Grock !».
                                                                                                  Présention d'une émission de France Culture, 29 juin 2010.

Billy Wilder à propos de " 7 ans de réflexion "
« C'est un film inexistant et je vais vous dire pourquoi. C'est un film inexistant parce que le film devrait être tourné aujourd'hui sans la moindre censure. Ce fut un film embarrassant à faire. A moins que le mari, demeuré seul à New York alors que sa femme et son fils sont partis pour l'été, n'ait une aventure avec la jeune fille, il n'y a rien. Mais vous ne pouviez pas le tourner ainsi à l'époque ; j'étais donc comme dans une camisole de force. Rien n'a fonctionné et la seule chose que je peux dire est que j'aurais aimé ne jamais avoir tourné le film ».

Puisque le champagne sied si bien à Billy Wilder, voici sans doute son film le plus pétillant, le plus délirant, avec Certains l'aiment chaud, tourné quatre ans plus tard. Un feu d'artifice Marilyn ; rien ni personne ne lui résiste, pas plus qu'au petit chaperon rouge de Tex Avery, qui rendit dingue plus d'un loup! L'évocation de Tex Avery, génie du cartoon, n'a d'ailleurs rien de fortuit, car Billy Wilder a bien des points en commun avec lui : les pieds-de-nez aux codes sociaux de morale tout comme ce perpétuel malin plaisir de la parodie, de la citation, du désamorçage en clin d'œil, comme ici les allusions au célèbre Tant qu'il y aura des hommes de Fred Zinnemann (lui aussi Viennois) ou la réplique de Tom Ewell désignant la « Fille» : « La fille dans la cuisine, c'est Marilyn Monroe ! » Et puis il y a, bien sûr, L'étrange créature du lac noir, film fantastique en relief de Jack Arnold, que vont voir Tom Ewell et Marilyn, celle-ci regrettant, à la sortie, que la créature en question n'emmène pas avec elle à la fin la jeune héroïne, Kay Lawrence/Julia Adams (regret anticipé que Tom Ewell s'en aille lui aussi à la fin ?). Ils font quelques pas, et c'est là qu'une bouche d'aération a la merveilleuse idée de faire voleter les plis de la jupe de Marilyn ! Image à jamais gravée au zénith du cinématographe, peut-être la plus célèbre de l'histoire du 7e Art ! 
                                                                                                                           Laurent Bigot [moncinemaamoi.over-blog.com].

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La Garçonnière

Mercredi 4 novembre 2015 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

Cycle "Billy Wilder"
La Garçonnière (The Appartment)
Billy Wilder (USA - 1960) 
5 OSCARS DONT CELUI DU MEILLEUR RÉALISATEUR, DU MEILLEUR SCÉNARIO ET DU MEILLEUR FILM

Parmi les grandes comédies de Billy Wilder, La Garçonnière constitue un sommet à la fois délicieusement grinçant et extrêmement touchant. En décrivant le désarroi sentimental d’un homme soumis à ses chefs, le cinéaste livre une vision cynique des rapports hiérarchiques au sein du monde de l’entreprise. Hilarant, le génie burlesque de Jack Lemmon (Certains l’aiment chaud) se reflète avec gravité dans le regard déchirant de Shirley MacLaine (Irma la douce), elle-même courtisée par le pataud Fred MacMurray (Assurance sur la mort). La comédie d’amour se transmue en un mélodrame noir et délicat, porté par le lyrisme de la musique et du Cinémascope. Chef-d’œuvre au ton doux-amer, La Garçonnière est un classique du cinéma et demeure sans doute l’un des plus beaux films de Billy Wilder. 

La garçonnière est en un sens un prologement de Sept ans de réflexion. Tous les utilisateurs de l'appartement sont un peu des Richard Sherman qui, eux, à l'inverse de ce dernier, libèrent leurs fantasmes sans être pour autant moins hypocrites, bien au contraire puisque ce lieu n'a d'autre fonction que dissimulatrice. Et la perversion va plus loin, puisque la monnaie d'échange devient corruption, promesse de promotion pour l'employé Baxter. Sexe, argent, réussite, rapports de classes, tout s'enchaîne inéluctablement, dans un gigantesque réseau de compromissions. Le revers de la médaille, tel est bien ce que va dénicher le film en détruisant le vernis des apparences et en bafouant le mythique "rêve américain".
                                                                                                                 Gilles Colpart, Billy Wilder, Filmo 4, Edilig, p. 91.

L'école de Vienne
On aura reconnu là une vision commune à nombre de cinéastes hollywoodiens venus d'Europe centrale. En particulier de Vienne. Il y aurait  un article à écrire sur ce qu'on pourrait appeler "l'Ecole cinématographique de Vienne". Des Viennois d'origine, comme  Von Stroheim, Sternberg, Lang, Preminger, Ulmer ou Wilder et des gens qui, bien que nés dans d'autres lieux, ont eu une formation artistique viennoise, tels que Lubitsch ou Max Ophuls, ont tous en commun cette vision pessimiste du monde. On peut l'expliquer peut-être, et d'une façon superficielle, par le fait que leur enfance s'est déroulée dans une société en pleine décadence, qui s'effondra en 1920.
                                                                                 Jean Douchet, Les Cahiers du cinéma, n° 113 (novembre 1960), p. 58-59.

« Wilder Touch »
Même s’il continue à tourner en noir et blanc, il y a chez Wilder une intelligence du présent et du réel, comme en témoigne cette charge hilarante contre la télévision, vulgaire déversoir de spots publicitaires. Cette faculté d’observation naquit indéniablement dans ses jeunes années de journaliste à Vienne et à Berlin, où il se montrait capable d’écrire sur à peu près tout : sport, politique (et, à l’occasion d’un reportage sur la perception du fascisme italien par l’intelligentsia viennoise, de se faire mettre à la porte par Sigmund Freud en personne !), potins mondains ou musique, particulièrement le jazz. Cette intelligence est celle d’un esprit sans doute supérieurement vif et réactif, une donnée tout à fait palpable dans le livre d’entretien avec Cameron Crowe, alors que le cinéaste a plus de 90 ans. Il faut ajouter à cet aspect sa collaboration avec celui qui devint son scénariste et complice à la fin des années 1950, Izzy Diamond, auquel Wilder accorde la paternité du légendaire « Nobody is perfect ! » qui vient clore Certains l’aiment chaud. En de si bonnes mains, La Garçonnière présente un récit touffu mais parfaitement fluide, des personnages formidablement écrits. Et, évidemment, les brillants dialogues du duo ; quand Baxter demande à son supérieur de libérer son logement à 20 heures, ce dernier lui rétorque : « Ces choses-là n’ont pas des horaires comme les bus ! »
Arrivant après l’âge d’or de la comédie américaine des années 1930, Wilder a su en faire une synthèse mariant (en ajustant le curseur selon les films) la rythmique, la corporalité et l’outrance de la screwball comedy aux acquis de la comédie sophistiquée, en bon héritier d’Ernst Lubitsch, pour lequel il fut coscénariste de La Huitième Femme de Barbe-Bleue et Ninotchka, dans les deux cas avec Charles Brackett. Pour Ninotchka, alors que les deux scénaristes planchaient durement pour que l’on comprenne sans monologue ou d’interminables lignes de dialogue que la rigide bolchevique était gagnée par les charmes de Paris et du capital, Lubitsch intervint en disant : « On va faire une scène avec le chapeau. » En effet, en arrivant à Paris, Ninotchka tombe en arrêt devant une vitrine, désigne à ses trois condisciples un chapeau dont la forme extravagante (et phallique) annonce, selon elle, la fin de la civilisation capitaliste.
Un chapeau qui revient beaucoup plus tard dans le film ; Wilder explique la fameuse scène de "conversion" : « Elle chasse les trois commissaires de sa chambre, ferme sa porte, ouvre son placard, en sort le chapeau, se le met sur la tête et se regarde dans la glace. » Le cinéaste fut ainsi à la bonne école de la « Lubitsch Touch » : l’implicite, l’allusion (souvent plus graveleuse chez Wilder que Lubitsch) et un fétichisme lié aux objets.
S’il n’y a pas de « coup du chapeau » dans La Garçonnière, on y trouve un brillant « coup du miroir », objet par lequel transite la révélation que Fran est la maîtresse de Sheldrake. Pas une ligne, pas un mot, mais une formidable efficacité dramaturgique. Le miroir est brisé, de même que le film et Baxter.

                                                                                                                                                              Arnaud Hée [critikat.com]

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Assurance sur la mort

Attention, la séance aura lieu exceptionnellement le Mardi
Mardi 10 novembre 2015 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle "Billy Wilder"
Assurance sur la mort (Double Indemnity)
Billy Wilder (USA - 1944)

" La volonté de Wilder et de ses collaborateurs d'échapper au style "glamour" d'une partie
de la production hollywoodienne de l'époque porte la marque du "film noir"
dont
Assurance sur la mort sera vite l'un des classiques reconnus."
Patrick Brion, Le Film noir.
"I never heard that expression, film noir, when I made Double Indemnity... 
I just made pictures 
I would have liked to see. When I was lucky,
it coincided with the taste of the audience. 
With Double Indemnity, I was lucky."
Billy Wilder.

Billy Wilder et le Film noir.
Le réalisateur du film, Billy Wilder, est originaire de Vienne. Il est catalogué comme auteur de comédies bien qu'il ait écrit des récits policiers à Berlin avant son exil aux Etats-Unis. Il adapte le livre avec Raymond Chandler, un écrivain de roman noir qui signe ainsi son premier travail pour le cinéma. Le résultat de leur collaboration est récompensé par un Oscar, mais beaucoup de modifications ont été apportées au roman.
Wiler est responsable de sa structure en flash-back, de la voix off et d'une sophistication dans le sens d'un cauchemar éveillé. Il accentue aussi la description du plan criminel (presque) parfait et travaille à présenter le péché d'adultère et le caractère sensuel et cupide de la femme fatale de manière à briser les conventions du thriller traditionnel.
L'action y est racontée du point de vue des assassins, un parti pris qui sera une constante du film noir. Mais la morale reste sauve avec le châtiment des coupables, sauf que Wilder préfère couper les deux scènes finales qu'il avait pourtant tournées (procès et exécution de l'homme), effaçant ainsi une conclusion qui soulignait le triomphe de la loi et et de l'ordre.
L'ensemble est filmé dans un style marqué par les productions allemandes d'avant le nazisme et le réalisateur en donne la raison dans Conversations avec Billy Wilder:
"Je voulais du réalisme: il fallait que la situation et les personnages soit crédibles ou tout était perdu. J'ai insisté sur le noir et blanc, bien sûr. [...] On pourrait dire que 
Double Indemnity est inspiré par M de Fritz Lang (1931). [...] J'ai essayé de faire une oeuvre très réaliste - quelques petits effets, mais pas très voyants. M, c'est le style visuel du film. C'est un film qui ressemblait à une bande d'actualités. On n'avait pas l'impression qu'il était mis en scène. Mais, comme dans une bande d'actualités, on cherche à saisir un moment de vérité, et à l'exploiter."
                                           Noël Simsolo, Le Film Noir, Vrais et faux cauchemars, Cahiers du cinéma - Essais, 2005, p. 148-149.

"Elle l'embrasse pour qu'il tue."
Assurance sur la mort est un film important parce qu'il est réalisé par Billy Wilder et coécrit par Raymond Chandler, dont c'est le premier scénario. Il l'est aussi parce qu'il introduit un nouveau genre d'assassin et expose clairement une motivation jamais abordée franchement jusqu'ici. Le tueur n'est en effet plus un gangster, ni un professionnel. Ce n'est même pas quelqu'un poussé aux abois par la crise, la misère ou la jalousie. C'est un cadre moyen, qui pourrait être vous ou moi. Et sa motivation est le sexe; comme le montrait clairement l'affiche du film sur laquelle, au milieu d'une tache de sang, s'étalaient les mots: "Elle l'embrasse pour qu'il tue."
Le code Hays avait jeté l'interdit sur deux livres de Cain (Assurance sur la mort, Le facteur sonne toujours deux fois) pendant de nombreuses années. On comrend aisément pourquoi. Jamais le désir sexuel, qui trouve une espèce de sommet dans l'accomplissement du meurtre, n'avait été montré aussi crûment, loin de toute hypocrisie ou alibi sociologique quelconque. A l'aube de la victoire alliée, jamais le noir n'a été plus noir.
                                                                                             François Guérif, Le film noir américain, Denoël,1999, p. 114-115.

Bien qu'asservi et dissimulé par les nécessités d'un genre codifié, tout l'univers thématique de Billy Wilder est en place, annonciateur de la plupart de ses films suivants: la machination, l'appât du gain, le désir chronique d'ascension sociale, liés à l'attirance sexuelle, la tromperie des apparences... ici la séduction féminine, atout extérieur utilisé comme arme machiavélique par une Barbara Stanwyck inhabituellement blonde platine et affublée du nom de Dietrichson pour qui aurait des doutes sur son rôle de vamp fatale... Tout à cette thématique, Wilder nous prive délibérément de tout ressort spectaculaire, de tout suspence, livrant l'issue de l'action dès le début, par la confession de Neff qui déclare avoir finalement perdu et l'argent et la femme. En cela il rejoint Chandler, dont on a toujours dit l'indifférence autant à la clarté des intrigues qu'à le véracité psychologique des personnages. Il n'est qu'à voir, ou lire, Le grand sommeil (The big sleep) pour goûter au plaisir de ne rien comprendre à une histoire tortueuse et de s'extasier, par contre, sur tout le reste. Le reste, c'est-à-dire dans le cas présent, et entre autres, une mise en scène extrêment resserrée, avec très peu de plans larges, encastrée dans des décors clos et exigus (bureaux, chambres), jouant sur le dérisoire (les rencontres secrètes du couple meurtrier dans un supermarché) ou sur l'action hors-champs (le meurtre du mari dans la voiture, suggéré seulement par la présence de Neff, caché sur la banquette arrière, puis par un gros plan sur le visage de Phyllis, rayonnant de jouissance perverse au et à mesure que, hors cadre, s'éteint la vie de son cher - financièrement parlant- époux.

                                                                                                           Gilles Colpart, Billy Wilder, Filmo 4, Edilig, p. 52.

Les écrivains du noir
James M. Caine est l'auteur de Double Indemnity, d'où est tiré Assurance sur la mort. Raymond Chandler, autre grand auteur de la littérature hard-boiled américaine, en cosigne le scénario, avec le réalisateur du film, Billy Wilder. D'autres romans de Cain comme Le facteur sonne toujours deux fois (1934) ou Le Roman de Mildred Pierce (1941) furent adaptés au cinéma. [...]
Dans Assurance sur la mort (Double Indemnity), l'influence de l'ouvrage de Cain, centré sur la dérive sordide et morbide des rapports sentimentaux, est surtout évidente dans la description de Phyllis (Barbara Stanwyck). Dans le film, l'élément sexuel est plus voilé que dans le roman. Comme souvent dans le film noir classique, l'explication de cette "pudeur" tient à la censure. Walter Neff (Fred Mac Murray) est un assureur couleur passe muraille attiré par une dark lady. A propos des personnages de ses romans, Cain affirme dans l'introduction d'Assurance sur la mort: "Je ne fais aucun effort conscient pour être dûr, hard-boiled et tout ça, comme je suis habituellement étiqueté. J'essaye simplement d'écrire comme les personnages voudraient être écrits et ne jamais oublier que l'homme moyen, celui de la rue, du bar, du bureau, a acquis une clarté du langage qui dépasse tout ce que je pourrais inventer."
                                                                                                           Gabriele Lucci, Le film noir, Editions Hazan, 2007, p. 11.

Le suspence dans le film noir.
Même la certitude du pire n'est pas incompatible avec le suspence, qui joue alors d'une  temporalité tragique: dans les films noirs fondés sur des flash-backs, et dont le récit nous donne d'emblée l'issue, le suspence devient rétrospectif. Assurance sur la mort (Wilder, 1944), qui s'ouvre sur les aveux d'un homme déchu et blessé, révèle aussitôt l'argument criminel, le mobile du meurtre, l'identité du coupable et même son destin. Dès lors, la question ne porte plus sur un avenir inexistant mais sur le passé, l'engrenage d'un déchéance: comment cela  a-t-il pu arriver? A l'opposé de l'effet de surprise, c'est là encore le savoir du spectateur qui dramatise le récit.
                                                                                                  Serge Chauvin, Dictionnaire de la pensée du cinéma, Quadrige-PUF 2012, p. 672.

Note: On trouvera, en fichiers téléchargeables, deux études intéressantes (en Anglais) sur le film Double Indemnity.

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Le 11/01/2017 Certains l'aiment chaud

  • Publié dans Marilyn

Mercredi 11 janvier 2017 à 20h
Cinéma Juliet Berto
Place Saint-André, Grenoble

Cycle "Marilyn" (1/3)

Certains l'aiment chaud
Some Like It Hot

Billy Wilder (États-Unis - 1988)

“Personne n'est parfait”, sauf le chef-d'œuvre de Billy Wilder. Le réalisateur a eu l'idée du siècle de tourner un film qui a joué à fond sur la nostalgie de l'époque fastueuse du cinéma.
Not tonight, Josephine ! était le premier titre choisi par Billy Wilder pour sa nouvelle comédie policière, car Some like it hot avait déjà été utilisé en 1939. Mais, le temps que le scénario s'écrive, que les acteurs soient choisis, que le tournage s'organise, le studio avait réussi à racheter les droits du titre le plus jazzy : Certains l'aiment chaud pouvait être lancé !
Fin des années cinquante : l'Amérique est en pleine dépression, le chômage est en hausse, la guerre froide crée un climat de peur et de suspicion nauséabond... Côté cinéma, l'arme d'attraction massive américaine, ce n'est pas la joie non plus : la télévision prend de plus en plus de place dans les foyers, les grands studios font faillite et les réalisateurs de l'âge d'or sont morts ou trop vieux pour continuer à tourner... Hollywood cherche un deuxième souffle. Dans ce climat morose, Billy Wilder a l'idée du siècle : tourner un film qui jouera à fond sur la nostalgie de l'époque fastueuse du cinéma. Il veut réaliser une comédie mais avec des gangsters, de la prohibition, du whisky frelaté, des belles pépées et... du jazz ! Il tournera donc en noir et blanc soyeux (son chef op', Charles Lang, a tourné avec Frank Borzage, George Cukor, Joseph L. Mankiewicz, Fritz Lang...) et truffera son film de clins d'œil aux chefs-d'œuvre des années 30.
Près de soixante ans plus tard, sa recette est toujours gagnante. Cette histoire de deux musiciens qui sont témoins malgré eux d'un règlement de compte mafieux et sont obligés de se travestir pour intégrer un orchestre de femmes garde toute sa pertinence —a fortiori en plein débat sur la théorie du genre... A part la force de l'histoire, la précision des dialogues et la beauté des standards du jazz, voici trois autres bonnes raisons de revoir ou de découvrir Certains l'aiment chaud.
Anne Dessuant  [Télérama, 03/10/2016].

 

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