Double énigme

Mercredi 11 mai 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle "Noir du Monde" (1/3)

Double enigme / The Dark Mirror
Robert Siomak (USA - 1946)

Double Énigme (The Dark Mirror, 1946) de Robert Siodmak est moins connu que certains des autres classiques du film noir de ce cinéaste comme Les Tueurs ou Deux mains, la nuit. La Double Énigme est pourtant l’un des meilleurs titres de Robert Siodmak, petit maître à la carrière internationale responsable d’excellents thrillers psychologiques tournés à Hollywood, héritier de l’expressionnisme allemand fasciné par l’ombre et le grotesque.
Né en Allemagne, Siodmak fait ses débuts au cinéma en 1929 avec Les Hommes le dimanche au générique duquel on retrouve aussi Edgar G. Ulmer, Billy Wilder et Fred Zinnemann. L’avènement du nazisme pousse Siodmak à poursuivre sa carrière en France où il signe quelques très bons films dans les années 30 comme Pièges ou Mollenard. Au début des années 40 Siodmak s’embarque pour les Etats-Unis avec là encore de nombreuses réussites tournées pour la Universal. La rétrospective de la Cinémathèque française à l’occasion du centenaire du studio a d’ailleurs permis de revoir plusieurs films américains de Siodmak. La Double Énigme, une histoire de sœurs jumelles accusées du même meurtre permet à Olivia de Havilland d’accéder enfin au premier (double) rôle dramatique dont elle rêvait et à Siodmak d’explorer à nouveau les méandres d’un scénario psychanalytique plutôt convaincant. Les nombreux trucages optiques qui permettent à l’actrice de figurer deux fois dans le même plan sont particulièrement réussis.
Olivier Père [Arte, 5 fev. 2013].

En cette année 1946 Robert Siodmak s'installe au sommet d'Hollywood en réalisant coup sur coup Les Tueurs et Double Enigme. Les deux films le pose en nouveau maître du film noir (Phantom Lady en 1944 avait déjà annoncé cette progression) où pour le premier il contribue à cet onirisme tortueux associé au genre, à cette fatalité dans sa narration en flashback tout en créant la femme fatale ultime (Ava Gardner) et pour le second il introduit (avec d'autres œuvres comme le Spellbound d'Hitchcock) cette dimension la psychanalyse qui inondera le film criminel dans les années à venir. Le scénario de Nunnaly Johnson adapte d'une histoire de l'écrivain français réfugié à Hollywood Vladimir Pozner, Johnson exploitant à son tour cette veine psychanalytique quelques années plus tard une fois passé à la réalisation sur Les Trois Visages d'Ève.
Dark Mirror est avec Sœurs de sang de Brian de Palma et Faux-semblants de David Cronenberg le film le plus abouti sur le thème de la gémellité. L'argument criminel et le suspense est bien sûr le meilleur moyen d'exploiter et de rendre excitant les problématiques et les troubles associés à cet état et Siodmak en joue à plein dès son introduction nocturne où l'on découvre ce cadavre poignardé en plein cœur, puis l'impasse de l'enquête jusqu'à la découverte des deux suspectes en la personne des jumelles Ruth et Terry Collins (Olivia De Havilland). Finalement hormis cette entrée en matière et la conclusion, Siodmak se déleste de tous les effets de mise en scène les plus marqués du film noir (photo ténébreuse, narration alambiquées, plan-séquences, ambiance urbaine oppressante soit tout ce qui fait le sel des Tueurs justement) pour une sobriété visuelle et narrative surprenante.
A l'image des deux imperturbables jumelles dissimulant une criminelle, la réalité du film doit sembler tout aussi normale et sobre, le dérèglement n'intervenant progressivement que par touches savamment dosées. L'urgence du film policier laisse donc place à une approche essentiellement psychologique où le psychiatre incarné par Lew Ayres apprivoise les deux sœurs le temps d'une série de test, les manipule plus ou moins volontairement en séduisant l'une et éveillant la jalousie de l'autre pour découvrir laquelle dissimule la folie meurtrière.
[http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2012/10/double-enigme-dark-mirror-robert.html]

Notre prochain rendez-vous: Mercredi 18 mai prochain
Suite du Cycle " Noirs du monde " avec
Mort d'un cycliste / Muerte de un ciclista (Juan Antonio Bardem (Espagne / Italie - 1955)

 

 

 

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