Taxi Blues

  • Publié dans Droujba
Mercredi 25 février 2015, 20h
En partenariat avec DROUJBA 38 - Amitié France Russie
Taxi Blues
Pavel Lounguine (France / URSS - 1989)
Salle Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)

« Lorsqu'il y a dix ans tout le monde était euphorique sur la Pétrestroïka,
j'ai réalisé
Taxi Blues, un film sur la tragédie de cette liberté,
sur les maux qui pouvaient survenir.
Les dix années écoulées ont prouvé que je n'avais pas tort. »
Pavel Lounguine.

Pavel Lounguine est né le 12 juillet 1949 à Moscou, d'un père scénariste et d'une mère traductrice. Il est de nationalité russe et française. Il s'établit en France en 1990 et tourne, avec des producteurs français, des films sur la Russie. Après des études de mathématiques et de linguistique à l'Université entre 1965 et 1971, Pavel Lounguine intègre la VGIK, l'école de cinéma de Moscou. En 1990, son premier film, Taxi Blues, sur l'amitié entre un chauffeur de taxi et un saxophoniste en déboires, est très bien accueilli par la critique et remporte le prix de la mise en scène au Festival de Cannes. Dix ans plus tard, La Noce obtient une mention spéciale décernée à l’ensemble des acteurs à Cannes. Pavel Lounguine s'intéresse aux changements radicaux de son pays à la suite de la chute du communisme, ce qu'il veut communiquer dans ses films.

Pavel Lounguine à propos de Taxi Blues
Quand je regarde votre film, je suis très proche du cinéma soviétique par mes origines et aussi par goût. Vos personnages me font penser à des personnages de Dostoievsky. Peut-être allez-vous rire de moi?

— P. Lounguine: Je vais plutôt rire de moi, en me comparant à Dostoievsky. Vous savez, Dostoïewsky est devenu un archétype. Quand il y a quelque chose de bon dans la littérature russe, on dit que c'est du Tolstoï. Quand il y a quelque chose de dur, de mélangé, d'un peu psychopathe, on dit que c'est dostoïevskien. C'est vrai que, dans mon chauffeur de taxi, il y a quelque chose des frères Karamazov, c'est-à-dire un être illogique. Toutefois, je ne pense pas que ce soit des personnages qui relèvent de Dostoievsky, mais plutôt de la réalité de notre vie. Il faut savoir que Dostoievsky refléchit aussi la réalité qui l'entourait. Il faut dire que cette réalité n'a pas beaucoup changé. Plus on voit le chemin historique de la Russie, plus on voit que la révolution d'Octobre, qui a massacré et tué beaucoup de gens innocents, était dévorée par cette tradition russe à laquelle on n'échappe pas. On a fini par reproduire de nouveau ce régime étrange, un peu asiatique, un peu européen, où tout est mélangé et demeure traditionnellement russe.
Vous sentez-vous profondément russe? Si oui, qu'est-ce que cela veut dire? 

— P. Lounguine: Il faut que je me démasque, parce que je suis un Juif russe ou bien un Russe juif, je ne sais pas. Je suis Juif, mais je ne suis pas religieux. Je ne parle pas la langue. J'ai été élevé dans la culture et la langue russes, mais en même temps il ne faut pas oublier que l'antisémitisme existe toujours. Maintenant, il redevient de plus en plus fort. En Russie, on n'oublie pas que je suis Juif. En fait, je suis Juif par la force de l'antisémitisme. Alors je me sens fort et absolument Russe. Dans mon film, je voulais faire sentir comment tout est mélangé, confondu. Qui je suis? Je ne le sais pas réellement. Je ne suis pas du tout nationaliste. La culture d'Amérique et du Canada m'est très proche. Ce n'est pas une question de sang. Ce qui est important, c'est de savoir qui tu es et qui tu veux devenir. Mon musicien juif, c'est quelqu'un qui fait des choses à la Russe: il boit, il vend des fringues, il oublie tout, mais c'est aussi un Russe qui aime l'argent. En fait, toutes les idées et clichés que les gens ont dans la tête pour définir les Russes ne reflètent plus rien et ne sont donc plus cohérents. Qui suis-je? J'ai fini par me dire que je suis Pavel Lounguine avec tous ses complexes, sa folie, ses raisons et ses idées.
                   Minou Petrowski [Séquences : la revue de cinéma, n° 149, 1990, p. 34-35].

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