Judith Therpauve

Mercredi 4 mai 2016 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle " Hommage à Simone Signoret " (2/2)

Judith Therpauve
Patrice Chéreau (France - 1978)

Patrice Chéreau sur le cinéma :
" Quand je vais au cinéma, j’apprends tout le temps. Je regarde et je me dis “Comment c’est monté ? où est le passage de plan ?”,
je vais revoir les films pour ça. Quand je faisais
La Reine Margot, je me passais toujours Les Affranchis de Scorsese."
" Le cinéma, j’en ai fait un usage immodéré : tout ce que je sais, tout ce que j’ai appris, c’est très peu de spectacles de théâtre et énormément de films.
" [...].
" La grande expérience que j’ai eue entre 12 ans et 18 ans, c’est le cinéma : la Cinémathèque Française où j’allais tous les soirs, parfois même deux fois par jour. J’ai vu tous les films qu’il fallait voir dans cette période-là, tout le cinéma américain, mais surtout l’expressionnisme allemand ­ ce qui m’a le plus frappé. Les films de Lang, M le Maudit que j’ai dû voir vingt-deux fois. Eisenstein, Welles, Citizen Kane. Ce que raconte Welles sur le théâtre est magnifique, il connaît très bien Shakespeare ou Montaigne. J’aimais profondément l’univers de Welles, de même que M le Maudit. Un monde noir qui me correspondait.
"Je connaissais par coeur le montage et le découpage de M le Maudit. J’étais fou Citizen Kane qui est pourtant parfois, sur le plan de la construction, difficile : les flash-back, l’ouverture du coffre avec les mémoires écrites dans le rayon de soleil, le retour à l’ex-femme dans la boîte de nuit avec la plongée par la verrière, j’étais fou de ça. Des films que je connais par cœur. D’ailleurs, quand j’ai commencé à faire un film, j’ai mis la caméra à cette hauteur-là, comme Welles, et je demandais toujours à l’opérateur si on voyait le plafond ­ ça ne m’intéressait que si on avait le plafond. Après, j’ai compris qu’il n’y avait pas que la contre-plongée permanente dans Welles."
Extraits des propos recueillis par Christian Fevret et Pierre Hivernat [Les Inrocks, 07 octobre 2013].

“Judith Therpauve” : un grand numéro de Signoret
Un grand numéro de Signoret en veuve ex-résistante devenue patronne de presse acharnée. Un Chéreau hyperréaliste, un peu court sur la vérité intime des personnages.
Riche semaine pour ceux qui écrivent une thèse sur le journalisme au cinéma : outre l’historique La Dame du vendredi d’Howard Hawks diffusé jeudi, voilà ce soir Judith Therpauve. Contrairement à Hawks, l’ambiance ici n’est pas à la rigolade. C’est Chéreau qui réalise : on fronce donc sévèrement les sourcils. Le film commence d’ailleurs sur un long plan glacial dans l’immense maison vide où vient de se suicider Judith Therpauve. Flash-back : cette veuve sexagénaire et ex-résistante accepte, à ses risques et périls, la direction d’un quotidien régional en difficultés financières. Changement de registre. On bascule dans l’hyperréalisme de la presse : rotatives en surchauffe, rédaction survoltée, syndicalisme, arrivisme…
Chéreau avait été accusé de théâtralité avec son premier film, La Chair de l’orchidée. Il tente ici un registre beaucoup plus réaliste, presque à l’américaine, avec attention au moindre détail. On saura donc tout des soubresauts du titre, de la chute des ventes sous la barre fatidique des 250000 exemplaires, en deçà de laquelle les annonceurs publicitaires retirent au journal leurs campagnes, jusqu’au coup de grâce assené par le concurrent : la création d’un hebdomadaire gratuit, entièrement financé par la publicité. Chéreau s’avère plus à l’aise avec l’esquisse des luttes d’influence et des méthodes expéditives des grands groupes financiers qu’avec la vérité intime des personnages, souvent caricaturaux (les clichés sur la Résistance, par exemple). Le film étant conçu pour elle, Signoret maîtrise sans faute un grand numéro.
Oliier Nicklaus [Les Inrocks, 01 janvier 1978].

Notre prochain rendez-vous: Mercredi 11 mai prochain
Début du Cycle " Noirs du monde "
avec Double enigme / The Dark Mirror (Robert Siodmak (USA - 1946)

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