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Lacombe Lucien

Lacombe Lucien

Mercredi 25 novembre 2015 à 20h
Cinéma Juliet-Berto (Place Saint-André, Grenoble)
Cycle "Quitter l'enfance?"
Lacombe Lucien
Louis Malle (France - 1955)

Lacombe Lucien, une réflexion anticonformiste sur le passé
Lacombe Lucien conte l'histoire d'un jeune paysan du sud de la France remarquablement campé par un non-professionnel, Pierre Blaise, issu comme le héros du monde rural (et mort dans un accident de la route peu après le film) qui se range, sans réelle conviction, dans le camp des miliciens. Avec l'argent, les armes, les vêtements neufs et le pouvoir que lui apportent ses fonctions, il se forge une nouvelle identité. Alors qu'il ne souffre guère d'être mis à l'écart par sa famille et ses anciens amis, Lucien est très troublé par l'amour qui le porte vers une jeune et riche juive, qu'il sauvera finalement de la déportation.
Faisant fi des incontestables qualités du film de Louis Malle, ses détracteurs accusèrent le cinéaste d'avoir trop opportunément sacrifié à une douteuse mode rétro. Passe encore qu'il ait ramené à la surface des vérités qu'on aurait préféré oublier, mais qu'il ait osé renvoyer dos à dos résistants et collaborateurs, voilà qui ne pouvait être pardonné au cinéaste, en dépit de ses protestations d'objectivité.
Même si les récations soulevées par Lacombe Lucien ne furent pas le principal motif de l'exil américain du cinéaste, il n'en reste pas moins que c'est à partir de ce film qu'il renonça à faire carrière en France.
Louis Malle a connu lui-même, enfant, les aléas de la France occupée. Issu d'une riche famille de producteurs de sucre du nord de la France, né le 30 octobre 1932, il fut évacué vers un collège des Carmes de Fontainebleau, où des enfants juifs dont les parents étaient morts ou avaient été déportés avaient trouvé refuge. Un jour, des soldats allemands envahirent l'établissement et, après avoir démis le directeur de ses fonctions et emmené les jeunes juifs, fermèrent le collège. Tout jeune donc, Louis Malle fut marqué par le spectacle de la violence, de même qu'il allait l'être, peu après, par les résistants qu'il côtoya alors qu'il s'était réfugié dans le centre de la France."
                                                          Le Cinéma français.1960-1985 sous la direction de Philippe de Comes et Michel Marmin 
                                                          avec la collaboration de Jean Arnoulx et Guy Braucourt. Paris: Editions Atlas, 1985. p. 47.

La réception du film et le thème de l’Occupation au cinéma
[...] La polémique suscitée par le film accuse son originalité dans un paysage cinématographique globalement marqué par ce que Jacques Siclier nomme le « mythe d’une France presque unanimement résistante ». Dans le chapitre XVI de La France de Pétain et son cinéma, Jacques Siclier s’attache en effet à montrer comment le cinéma, dès l’après-guerre et jusqu’à nos jours, a contribué à façonner le mythe de l’élan national, en occultant souvent la description de la France de Pétain, au profit du récit des épisodes glorieux de la Résistance. La mémoire de ces actes de résistance, dont l’exemplarité force le respect, est bien sûr extrêmement utile ; et nombreux sont les films remarquables qui ont pour sujet la Résistance (citons par exemple L’Armée des ombres, 1969, de Jean-Pierre Melville). Reste que le cinéma français a souvent eu du mal à évoquer la période de l’Occupation et de la collaboration, soit qu’il en reste à l’évocation édifiante des héros (par exemple un film comme Paris brûle-t-il ? (1966), de René Clément, superproduction à la gloire de la Libération de Paris) ; soit qu’il se complaise dans ce que Siclier nomme la « comédie lourdement burlesque ». Un des exemples mentionné est Mais où est donc passée la septième compagnie ? (1973), une comédie de Robert Lamoureux où les nazis sont tournés en ridicule et où l’on vante « la débrouillardise du Français moyen ». Pour éluder la réalité de la collaboration de l’État, des formes de censures ont même existé : ainsi Alain Resnais a-t-il dû recouvrir de gouache le képi d’un gendarme français qui apparaissait dans un plan de Nuit et Brouillard (1955) – un plan où l’on montrait le camp de « rassemblement » de Pithiviers. Des pressions ont également été exercées pour relativiser l’évocation amère de la vie des Français et de la lâcheté ordinaire sous l’Occupation : c’est ainsi qu’une fin « heureuse » (d’ailleurs très artificielle) a été imposée à Claude Autant-Lara pour son film La Traversée de Paris (1956). Le Chagrin et la Pitié (1971) marque un tournant important dans la remise en question du mythe de l’élan national. Ce film de Marcel Ophuls, qui mêle entretiens et documents historiques, évoque directement et frontalement la période de l’Occupation en se focalisant sur l’exemple d’une ville, Clermont-Ferrand. Mais là encore, le film a bien failli souffrir d’une forme de censure très pernicieuse, dans la mesure où l’ORTF a refusé sa diffusion. Il n’a pu être vu du public français que grâce à une diffusion en salles, à laquelle Louis Malle a d’ailleurs collaboré, en tant que distributeur.
                                                                                                                                                                      [reseau-canope.fr]

On trouvera en attaché deux fichiers téléchargeables: un travail intéressant sur le film proposé par le cndp et l'article de Pauline Kael sur le film, article paru dans le New Yorker en 1974.

Dernière modification levendredi, 13 novembre 2015 19:24

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